CURIEUSEMENT, ce n’est pas la justice qui a annoncé le renvoi en correctionnelle de l’ancien président de la République, mais les services de Jacques Chirac, dont le premier communiqué ne faisait état que du non-lieu dont il a bénéficié pour le chef d’accusation de « faux en écriture publique », annonçant ainsi une victoire qui précédait en réalité une défaite. Le nom de M. Chirac a été mentionné dans plusieurs affaires, qu’il s’agisse de celle des HLM, avec un témoignage sur cassette qu’on a retrouvé étrangement chez Dominique Strauss-Kahn, des « frais de bouche » excessifs alloués au couple Chirac à la Mairie de Paris, du financement en espèces de quelques voyages en Concorde vers les États-Unis et de son éventuelle implication dans l’affaire Clearstream. Une fois élu président, Jacques Chirac a balayé d’un mot les accusations en les qualifiant d’un mot désormais célèbre et qui lui aurait été soufflé par Dominique de Villepin : « Abracadabrantesques ». Ce n’est pas du tout étonnant dans la mesure où, quelques années plus tard, l’ancien Premier ministre de M. Chirac a lui-même tenté, lors du procès Clearstream, de noyer dans la rhétorique les accusations lancées contre lui.
Jacques Chirac a affronté, du temps où il était président, un juge tenace, pour ne pas dire agressif, Éric Halphen, qui n’a pas hésité à convoquer Mme Chirac pour qu’elle s’explique sur des privilèges qu’elle aurait obtenus en tant qu’épouse du Maire de Paris. Le juge Halphen a été ensuite dessaisi du dossier, ce qui peut être interprété de deux manières : soit le parquet a estimé qu’il allait trop loin, soit l’influence du pouvoir sur la justice a fait son œuvre. Aujourd’hui, le même Halphen triomphe discrètement : il n’est pas anormal, dit-il que la justice reprenne son droit.
Effectivement, on ne saurait soupçonner la juge d’instruction, Xavière Siméoni, d’être animée par autre chose que l’évaluation des faits reprochés à M. Chirac. Nous rappelons sans cesse que la justice doit être indépendante et qu’aucun homme, même un ancien président, n’est au-dessus des lois. L’entourage de M. Chirac laisse entendre que le prévenu n’aura aucun mal à prouver qu’il n’y avait aucun des 21 emplois fictifs qui lui sont reprochés, mais c’était aussi simple, la juge aurait prononcé un non-lieu. À quoi il importe d’ajouter que, en son temps, Alain Juppé a pris de plein fouet une condamnation qui le rendait inéligible pour un an, assortie d’un jugement verbal particulièrement sévère de la présidente du tribunal. M. Juppé a alors payé pour M. Chirac à propos d’une pratique répréhensible qu’il s’est efforcé de réformer dès qu’il est arrivé à la Mairie de Paris.
Peut-être est-il préférable, dans ces conditions, que Jacques Chirac s’en explique devant un tribunal, pour autant que le parquet, qui suggérait un non-lieu général à Mme Simeoni, ne fasse pas appel de sa décision. À part quelques excités de la gauche et Jean-Marie Le Pen, on n’a trouvé ni à droite ni à gauche de raison de jubiler. Ségolène Royal, sans exonérer l’ancien chef de l’État, estime qu’il faut le laisser en paix parce que sa comparution ternirait un peu plus l’image de la France. Marylise Lebranchu, ancienne Garde des Sceaux et proche de Martine Aubry, exprime son malaise devant le sort qui est réservé à un homme qui a servi son pays et a aujourd’hui 76 ans. Le ton général n’est pas du tout celui de la curée.
Une facture vieille de 27 ans.
Que les faits soient oubliés ou qu’ils vaillent aujourd’hui à M. Chirac une épreuve particulièrement pénible, ils ont, pour autant qu’ils soient confirmés, de quoi indigner l’opinion. L’opinion a déjà contesté à plusieurs reprises un comportement des maîtres de la Vè République qui traite avec une incroyable désinvolture quelques principes sacrés de la démocratie. Puis le temps passe et, tout à coup, voilà un homme qui a beaucoup travaillé et que l’on sort de sa retraite pour lui présenter une facture vieille de 27 ans. À l’indignation succède la compassion.
Certes, c’est un peu sa faute s’il est rattrapé près de trente ans plus tard par des délits qu’ils a commis, il faut bien le dire, parce qu’il n’y avait pas alors de règle en la matière et que, en l’absence de règles, la politique recourait à des expédients. Sa faute, parce qu’il a bénéficié de l’immunité pendant ses douze années de mandat et que, de cette manière, il n’a fait que reporter l’inévitable. N’hésitons pas à mettre à son crédit le courage dont il a fait preuve en répondant, dès novembre 2007, à la convocation de la juge qui l’a mis alors en examen. Si le procès a lieu, la question se posera de savoir si, au luxuriant foisonnement des 90 réformes de Sarkozy, il ne faut pas d’urgence en ajouter une autre qui nettoierait les écuries d’Augias de la Vè République.
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