Après les violences en marge du sommet de l’OTAN

Solidarité autour de la pharmacie incendiée

Publié le 09/04/2009
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Les violences perpétrées dans un quartier de Strasbourg, lors du sommet de l’OTAN le week-end dernier, laissent de nombreuses séquelles. L’hôtel Ibis, les anciens locaux de la douane et de l’ancien office de tourisme, un distributeur de billets et la pharmacie du quartier ont été réduits en cendres. Le pharmacien, Isidore Rubinstein, reste néanmoins résolument tourné vers l’espoir.
Le quartier du Pont-du-Rhin a été dévasté

Le quartier du Pont-du-Rhin a été dévasté
Crédit photo : AFP

IL AURA FALLU plus d’une heure pour que les forces de l’ordre dispersent les casseurs à coups de gaz lacrymogène. Une heure durant laquelle le quartier du Port-du-Rhin, qui jouxte la frontière allemande, a subi des assauts d’une rare violence. Samedi à 13 heures, l’ancien poste de douane est caillassé, puis incendié. L’arrêt de bus est brisé, puis la pharmacie, la banque et l’ancien office de tourisme sont attaqués. Les vitres éclatent sous les pierres et les coups de bélier de casseurs qui ont arraché des poteaux de signalisation. Le distributeur de billets est éventré. Les portes de la chapelle du quartier sont enfoncées et la façade est taguée. Les habitants de ce quartier, considéré comme défavorisé, se sentent abandonnés, trahis, sacrifiés. Les organisateurs de la manifestation pacifiste anti-OTAN aussi, regrettant que leur message de paix n’ait pu passer dans de telles conditions.

Isidore Rubinstein, titulaire de l’officine du Pont-de-l’Europe ravagée samedi, avait pris la décision de fermer boutique dès jeudi, en apprenant par voie de presse le parcours de la manifestation anti-OTAN. « C’est une officine de quartier au rôle de proximité fort. Je suis soutenu par les patients, la population, tout le quartier et au-delà, puisque la pharmacie sert aussi à tous les frontaliers de par son emplacement », explique au « Quotidien » le titulaire. Son aura s’étend au-delà du quartier grâce à ses spécialisations. Il dispose d’un laboratoire de préparations homéopathiques officinales, d’un jardin médicinal et travaille sur les soins qui vont du support homéopathiques au traitement allopathique en cancérologie. De plus, cette pharmacie originale est aussi l’un des derniers outils de lien social de ce quartier, désertifié depuis quelques années avec le départ des services des douanes du poste frontière et du bureau de change, suite à l’arrivée de l’euro ; départ imité par plusieurs commerces.

Révolte, tristesse, espoir.

Aujourd’hui, vingt-cinq ans de travail sont partis en fumée. « Ma bibliothèque a disparu. Mes bouquins, mes cours, mes travaux de recherche, les thèses de mes étudiants… Je n’ai même plus un protocole. Mais j’espère reprendre une activité dans des locaux provisoires dans un mois. » Car Isidore Rubinstein n’est pas homme à se laisser abattre. Après un sentiment de révolte en voyant les restes de sa pharmacie calcinée, puis un sentiment de tristesse pour les habitants du quartier, place à l’espoir ! « Trois ou quatre immeubles ont été détruits, la vision est apocalyptique quand vous arrivez dans le quartier, déplore le pharmacien. La meilleure réponse est de reconstruire. J’ai des promesses sérieuses de l’État, par la voix du préfet, en termes de soutien administratif et financier. La commission d’entraide et de solidarité professionnelle de l’Ordre des pharmaciens s’est manifestée par le biais du président du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens (CROP) d’Alsace, Christian Barth, la mutuelle des pharmaciens va prendre en charge mon équipe et j’ai pu, avec l’accord du doyen, transférer la stagiaire de 6e année vers une autre pharmacie. »

Jean-Luc Audhoui, qui préside cette commission d’entraide en tant que trésorier du Conseil national de l’Ordre, précise : « Nous apportons toute aide administrative et proposons une forme de prêt immédiat à 0 % pour régler les dépenses patentes tels que les frais liés au personnel. M. Rubinstein n’est pas seul ». Isidore Rubinstein en a pleinement conscience : « Je reçois la solidarité de tous, la pharmacie est entre de bonnes mains. »

› MÉLANIE MAZIÈRE

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2654