LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. - Au moment où vous quittez la présidence de l’UNPF, quels sont selon vous les points forts de la pharmacie d’officine ?
CLAUDE JAPHET. - L’un de ses points forts réside dans sa capacité à faire évoluer l’exercice professionnel. Les officinaux ont toujours su s’engager et atteindre leurs objectifs. La substitution générique, la mise devant le comptoir de certains médicaments, le dispositif SESAM Vitale, la télétransmission et l’informatisation sont autant de défis remportés par la profession. Ces succès permettent aussi de montrer aux pouvoirs publics qu’ils peuvent compter sur nous.
Un autre point fort de la profession, la bonne image dont le pharmacien jouit auprès de ses clients. C’est un confident, reconnu comme professionnel de la santé, connaissant la vie locale et proche de ses patients. Et puis c’est le seul que l’on puisse joindre à n’importe quelle heure et tout cela, gratuitement. Autre atout : il est le professionnel de santé le plus formé, après le médecin.
Et les points faibles ?
Les officinaux ont toujours une certaine appréhension face aux mutations qu’on leur propose. Et puis, par la suite, ils s’emparent du projet, le développent et vont souvent plus loin que ce qui était attendu. Par exemple, lorsque j’ai engagé la modification de la marge, en 2000, beaucoup craignaient de gagner moins. Aujourd’hui, personne ne voudrait retourner à l’ancien système de MDL (marge dégressive lissée). La même réticence est apparue pour les génériques. Bilan : le taux de substitution avoisine les 80 % à l’heure actuelle. La profession vit donc avec ce paradoxe : cette capacité à faire évoluer le métier, tout en ayant une grande peur du changement. En réalité, son problème, c’est de faire le premier pas.
L’autre point faible à mes yeux, c’est la peur de la concurrence, alors même que nous n’hésitons pas à en jouer. En fait, les officinaux refusent que d’autres fassent ce qu’ils ne peuvent pas ou ne veulent pas faire.
Qu’elles ont été vos plus grandes satisfactions de syndicaliste au cours de ces dix années passées à la tête de l’UNPF ?
L’une de mes grandes satisfactions concerne la formation. Auparavant, elle était surtout considérée comme un moment de rencontre, sans réel objectif qualitatif. On suivait une formation pour s’assurer de ses connaissances. Et toute idée de formation obligatoire était rejetée. Aujourd’hui, tout a changé et la formation est même devenue pratiquement une nécessité. J’ai également contribué au cours de cette décennie à la mise en place d’évolutions de taille, tels la substitution générique, la sortie de la réserve hospitalière, la dispensation de la contraception d’urgence, la convention avec l’assurance-maladie, le dossier pharmaceutique (DP), ou encore la réorganisation du réseau avec la loi démogéographique. Des avancées phénoménales pour la profession, impensables il y a encore vingt ans lorsque je commençais à prendre des responsabilités au sein de l’UNPF. Pour moi, le syndicalisme c’est, certes, défendre une profession, mais c’est surtout la faire évoluer, parfois en étant précurseur.
Et vos plus grandes déceptions ?
D’abord, c’est que l’on n’arrive jamais à faire tout ce que l’on souhaite. Ensuite, c’est de ne pas avoir vu aboutir complètement le dossier sur les SEL et les sociétés holdings. Je n’ai pas non plus réussi à modifier la mentalité des confrères concernant leurs achats. Beaucoup n’ont toujours pas compris que les industriels les leurraient. Ils leur vendent, et ils achètent, de la remise et non pas un prix. J’aurais aussi aimé aller encore plus loin dans le domaine de la formation continue, notamment en proposant des sessions à distance bien organisée, bien structurée. Mais, c’est une question de temps.
Quelle place occupe l’UNPF dans le paysage syndical officinal ?
L’Union a toujours été un syndicat très novateur et avant-gardiste. Beaucoup d’avancées ont vu le jour dans nos bureaux. C’est le cas de l’évolution de la marge, de l’égalité entre la marge d’un générique et celle d’un princeps ou encore de la convention pharmaceutique, voire de la formation continue. Parfois, nous avons même été trop en avance, comme pour les holdings. Aujourd’hui, tout le monde reconnaît pourtant qu’elles sont nécessaires. Pour moi, il y a deux sortes de syndicats : ceux qui défendent le passé et ceux qui, comme l’UNPF, organisent l’avenir.
Comment voyez-vous évoluer l’officine dans les prochaines années ?
L’économie officinale a des cycles de dix ans. On le voit, tout ce que nous avons construit au début des années 2000 est à refaire. Mais il faut se dire aussi que tout ce que l’on met en place aujourd’hui sera obsolète dans une dizaine d’années. L’environnement de la pharmacie va être complètement chamboulé, sous l’effet notamment des progrès technologiques, du vieillissement de la population, de l’innovation thérapeutique et des découvertes dans le domaine de la santé. On ne sera plus dans le même monde et les besoins seront différents. Une chose est sûre, on aura toujours besoin des pharmaciens. Mais, l’officine devra s’adapter et devenir un lieu de santé au sens large, car le consommateur souhaitera disposer de l’ensemble de l’offre en la matière dans un même endroit. L’enquête menée actuellement par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) est intéressante à cet égard : elle va permettre de déterminer tous ces nouveaux services. Attention, la pharmacie ne doit pas devenir l’antenne détachée du cabinet médical, mais une unité de services complémentaires. Il faut prendre conscience que l’espace temps va prendre de plus en plus de place chez les patients : ils voudront tout, rapidement et bien. Il s’agira d’une révolution complète de l’organisation de la pharmacie telle qu’on la connaît aujourd’hui. Il n’y a pas de doute, notre métier continuera à évoluer.
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