« Le Guetteur du Midi », de Michèle Lajoux

Romanesque et histoire

Publié le 13/01/2011

Article réservé aux abonnés

Un polar au temps des guerres de religions ? Oui, mais pas seulement. Le troisième livre de Michèle Lajoux est aussi un beau portrait de jeune fille, une éclairante plongée historique (y compris dans la médecine de l’époque) et une réflexion sur la tolérance.

NOUS AVIONS quitté Michèle Lajoux évoquant dans « Puisque c’est ça la vie » (2009), avec une distance évitant l’apitoiement, une enfance malheureuse dans les années 1960. Nous la retrouvons, loin de l’autobiographie mais dans la ville de sa jeunesse, Laon, avec une fresque historique aussi romanesque que documentée, pleine de mystères et de rebondissements.

L’auteur, qui a enseigné l’histoire dans le secondaire, a mis au centre de son récit Jean Bodin (1529-1596), juriste et philosophe politique que d’aucuns considèrent comme le Machiavel français, théoricien du concept de souveraineté. Nous sommes en 1590, alors que Laon s’est ralliée à « la sainte Ligue » et est menacée par les royalistes, partisans de l’héritier de la couronne Henri de Navarre : la bibliothèque de Bodin est jetée aux flammes à l’instigation du jésuite Le Tholozam.

Mais Bodin, aussi intéressant soit-il, n’est pas le héros du livre. Le rôle est tenu par Louise, une adolescente de 15 ans qui ne connaît pas ses parents, élevée dans un monastère, éduquée comme un clerc et placée comme assistante auprès de Bodin, alors procureur du roi après avoir vécu plusieurs vies. Dans la ville repliée sur elle-même, où quelques années auparavant une femme a été condamnée au bûcher comme sorcière par Bodin, les morts suspectes, plus horribles les unes que les autres, se succèdent. Louise va se retrouver au cœur des intrigues et des violences, vivre ses premiers émois et découvrir peu à peu la vérité, sur ceux qui l’entourent et sur elle-même.

Michèle Lajoux mêle habilement faits historiques et événements romanesques, si bien qu’on se demande constamment ce qui relève de la réalité et ce qui sort de son imagination. On peut penser à des romans tels que « Da Vinci Code », des page turners, comme disent les Anglo-Saxons, la rigueur en plus. Au passage, on s’instruit, entre autres, sur les guerres de religions, la sorcellerie, les préparations médicinales de l’époque et le rôle des apothicaires. Une fresque enrichissante.