QUAND MARTINE AUBRY parle de 61 ans, le gouvernement parle de 67 ans. La distance sera probablement impossible à franchir. Il ne fait aucun doute que chaque partie prenante à la négociation devra faire des concessions. Le principal objectif de la réforme est le même pour tous. Il s’agit de stabiliser le régime de base pour assurer sa pérennité. Mais les moyens d’y parvenir sont très différents.
Le gouvernement, et le Premier ministre en particulier, n’ont pas d’états d’âme. Ils font un constat financier désastreux et ils savent que les retraites ne peuvent pas être financées par le budget ou par de nouveaux prélèvements. C’est donc le système qui doit trouver en lui-même les ressources suffisantes pour assurer son équilibre. Les actifs peuvent cotiser plus, et d’autant plus qu’ils sont moins nombreux. Cela passe soit par une hausse du pourcentage appliqué aux salaires, soit par une prolongation des carrières. Un an de travail en plus, c’est un retraité de moins pendant un an et un actif de plus qui cotise pendant un an de plus. La démographie prononce un verdict sans appel : les Français peuvent cotiser pendant plus longtemps parce qu’ils vivent plus longtemps et parce qu’ils ont plus longtemps une bonne qualité de vie.
Tous ces éléments, nous les connaissions depuis le début de la réforme il y a plus de quinze ans. La CFDT que dirige François Chérèque a fait une partie du chemin en acceptant quelques inéluctables vérités, comme
l’espérance de vie, en totale contradiction avec l’adoption de la retraite à 60 ans sous François Mitterrand, erreur au moins aussi grande que la semaine de 35 heures, toutes décisions que nous payons très cher aujourd’hui ou que nous allons faire payer aux générations futures. Mme Aubry, en proposant la retraité à 61 ans tente à la fois de préserver l’héritage Mitterrand et d’accepter du bout des lèvres les méthodes dictées par le rationalisme. Le gouvernement, lui, veut une retraite à 67 ans, telle qu’elle existe déjà dans nombre de pays européens. Les syndicats, y compris FO et la CGT, sont prêts à envisager une prolongation des carrières mais en obtenant des concessions. Une de ces concessions a été mentionnée : ce serait la réduction du temps de travail hebdomadaire. On travaillerait plus longtemps dans la vie, mais moins longtemps pendant la semaine. Absurde : toute heure de travail est une heure de production. Si vous diminuez la production à la fin de la carrière ou seulement à la fin de la semaine, c’est une perte de production, donc de recettes, donc une diminution des prélèvements sociaux. Le déficit ne pourrait que croître.
Enfin, le patronat n’a pas adopté, à ce jour, une politique valable d’emploi des seniors. En dépit des recommandations, puis des sanctions du gouvernement, les 55 ans et plus continuent à être mis en préretraite, ce qui est en contradiction totale avec la prolongation des carrières. Inutile de demander aux gens de travailler plus longtemps s’ils ne parviennent pas à garder leur emploi. De même, si les jeunes ne sont embauchés que très tard, comment pourront-ils travailler plus de 40 ans ? La hausse du chômage complique encore le système de retraites.
Distinguer les métiers.
La distinction entre les métiers exigée par les syndicats doit être prise en compte. Votre serviteur exerce un métier intéressant qui ne le fatigue pas physiquement. Il n’est pas lassé par la répétitivité des gestes. Il n’est pas abruti par le travail à la chaîne. Tous les salariés qui ont un boulot pénible et n’accèdent jamais à une activité plus agréable méritent de prendre leur retraite à taux plein après moins d’années de travail. Les autres doivent travailler plus et plus longtemps. Vous verrez que la liste des métiers à courte durée de carrière donnera lieu à une foire d’empoigne. Le gouvernement sera effrayé par le nombre des métiers exclus de la prolongation des carrières parce qu’il n’y trouvera pas son compte. On assistera donc à une immense contradiction entre recherche d’un équilibre financier et recherche de la justice sociale.
C’est pourquoi le consensus n’existe pas. Tôt ou tard, il y aura une épreuve de force, aggravée par le climat qu’a créé la crise économique, laquelle a creusé de façon alarmante les inégalités sociales. Quand on voit avec quel mépris pour leurs concitoyens les banquiers accumulent des sommes énormes pour payer les bonus d’un petit nombre de personnes bénéficiant de privilèges féodaux, comme on voit avec quelle arrogance un capitaine d’industrie exige d’abord de diriger deux très grandes entreprises à la fois pour ensuite réclamer deux salaires représentant plus de deux millions d’euros, on aura beaucoup de mal à dire aux smicards, aux caissières de supermarché, aux manutentionnaires qu’ils doivent travailler plus et plus longtemps pour obtenir une retraite de misère. Tout ça, ce n’est pas le consensus, c’est une source de conflits graves.
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