5 000 pharmaciens dans les rues de Paris
À PARIS, plusieurs milliers de manifestants (5 000 selon les organisateurs, 2 500 selon la police), sont partis à 10 heures des Invalides pour rejoindre le Sénat. Pharmaciens, mais aussi préparateurs, sont venus en masse, vêtus de leurs blouses blanches, parfois complétées par un brassard noir. Dans leur dos, des inscriptions variées : « pharmacien en colère », « pharmacien en grève », ou « votre pharmacie est menacée ». Ils ont défilé dans les rues de la capitale au son des sifflets et en scandant « Pharma en colère » ou en chantant « Bercy, si tu savais, ta réforme, ta réforme… ». Ambiance potache donc, avec des banderoles rivalisant d’imagination : « Macron, la pilule est trop grosse, ton AMM est refusée ! » ; « Chacun son métier : les pharmaciens ne vendent pas de lasagnes à la viande de cheval ! » ; ou encore « Leclerc qui rit = santé qui pleure ». Une pharmacienne venue de Garches portait une énorme croix verte sur le dos, symbolisant « le calvaire des pharmaciens ». Applaudis par quelques riverains à leurs fenêtres, les officinaux profitaient de leur passage pour distribuer des tracts aux passants. Sur le parcours, les rares pharmacies (non réquisitionnées) qui avaient eu le malheur de rester ouvertes ont subi l’ire des manifestants : « charognes ! », « Traîtres ! », se sont emportés les grévistes, avant d’inscrire « faux-cul » sur la vitrine d’une officine récalcitrante. Vers midi, près de 600 étudiants des facultés de pharmacie de Châtenay-Malabry et de Paris-Descartes ont rejoint leurs aînés. Puis, à 14 heures, les manifestants se sont retrouvés devant le ministère de l’Économie, afin d’écouter les représentants locaux de la profession détailler les arguments de la mobilisation. Ils ont été finalement rejoints à 16 heures par les autres professions libérales en grève.
Le limousin entre colère et inquiétude
VENUES du fond de la Creuse ou des massifs corréziens, plus de quatre cents blouses blanches se sont réunies pour manifester leur mécontentement sous les fenêtres du préfet, à Limoges. Dans une région où la désertification médicale est une réalité – neuf officines fermées en trois ans sur le seul département de la Haute-Vienne – la réforme annoncée provoque craintes et grognes dans les 333 pharmacies limousines.
Sous les bannières proclamant « la santé c’est clair, ça n’sera pas chez Leclerc », le président du syndicat de la Haute-Vienne, Jean Cathalifaud, a souligné l’ambiguïté d’un discours gouvernemental « ou un ministre de la Santé tente de nous rassurer, tandis que celui de l’Économie n’a pas les mêmes objectifs… »
Du côté du Conseil de l’Ordre régional, Jean Michel Pelletier aura le matin même, devant un amphi de la fac de pharmacie archi-comble (550 personnes) rappelé les dangers d’une loi « qui s’attaque aux piliers de notre profession ». Ici, tout le monde se sent concerné, étudiants, préparateurs, officinaux, sur fond d’emplois perdus, d’officines abandonnées et de main mise par les GMS ou les financiers sur un système de santé apprécié de tous. « Nous nous réservons le droit d’autres actions », ont conclu les responsables syndicaux après avoir été reçus – pour rien – par le représentant de l’État.
Une manifestation qui n’aura pas pour autant pénalisé les patients, malgré les rideaux baissés : en accord avec leurs syndicats et les services préfectoraux, 47 pharmacies seront restées ouvertes à leur service, illustrant s’il en était besoin la nécessité de leur survie.
La Bretagne frôle les 100 %
« 99 à 100 % de pharmacies grévistes », annonce Joëlle Deguillaume en préambule à sa brève allocution. Face à la présidente FSPF Bretagne Pays de Loire, une large assemblée qui ne compte pas que des officinaux : répartiteurs, médecins libéraux, kinésithérapeutes, infirmiers libéraux, biologistes, chirurgiens dentistes, vétérinaires et étudiants en pharmacie mais aussi notaires et huissiers ont répondu à l’appel lancé par l’UNAPL (Union nationale des professions libérales) qui invitait tous les grévistes à se rassembler, ce mardi 30 septembre, dès 14 heures, sur le parvis de la préfecture d’Ille-et-Vilaine à Rennes. Là, devant un mur entier composé de cartons Cyclamed, près de 1 000 manifestants (600, source préfecture) se pressent, très motivées. Les pharmaciens venus d’Ille-et-Vilaine, des Côtes d’Armor et du Morbihan, déroulent des banderoles, arborent des brassards « en grève » ou promènent sur leur dos crucifix verts et affichettes à l’humour grinçant sans équivoques sur leur opinion quant au projet de réforme. Les autres professions n’en pensent pas moins… Et le disent lors des brefs discours qui prônent la défense des professions réglementées, l’indépendance de l’exercice, la qualité des soins. Pour Joëlle Deguillaume, la démarche n’a qu’un objectif, préserver les trois piliers de l’officine que sont la propriété du capital, la protection du schéma de répartition démo-géographique, et celle du monopole de distribution des médicaments. Des fondamentaux qu’elle a eu l’occasion de rappeler, aux côtés des principaux syndicats professionnels, au représentant de la préfecture à l’issue de la manifestation.
Les pharmaciens poitevins très mobilisés
LES PHARMACIENS de Poitou-Charentes se sont fortement mobilisés, mardi dernier, et plus de 95 % des officines étaient en grève, selon les représentants des chambres syndicales des quatre départements. Seules quelques pharmacies ont décidé de ne pas participer, notamment des pharmacies discount ou de centre commercial. Dans les Deux-Sèvres et en Charente-Maritime, les traditionnels PLV ont laissé la place aux panneaux « en grève » et aux affiches de l’Ordre sur les vitrines des pharmacies fermées. À Niort, ce sont les trois pharmacies installées dans les centres commerciaux qui ont été désignées par les confrères pour rester ouvertes. En Charente et dans la Vienne, les pharmaciens ont décidé d’assortir la grève d’une manifestation. Plus de 500 manifestants en blouse blanche, pharmaciens mais aussi kinés, infirmiers et dentistes, se sont rassemblés dans les rues d’Angoulême avant de rejoindre la préfecture, symbole de l’État. Une délégation a été reçue à 11 heures par le préfet. Même scénario à Poitiers, ville universitaire, où les étudiants en pharmacie ont renforcé les rangs et bloqué, le temps d’une matinée, la circulation pour expliquer aux automobilistes les raisons de ce mouvement. La profession sait en effet que l’information reste la meilleure arme pour alerter l’opinion publique sur les risques d’une déréglementation de la pharmacie. Les officinaux du Poitou-Charentes continueront d’ailleurs à faire signer les pétitions contre le projet gouvernemental dans les jours à venir.
Un franc succès en Picardie
« NOUS ÉTIONS 300 à Amiens, selon la police », affirme Bertrand Gilbergue, pharmacien à Thourotte (Oise), coprésident (FSPF) du département. Plus de 90 % des quelque 650 pharmaciens picards, hors les réquisitionnés, étaient en grève ce 30 septembre, selon l’agence régionale de santé (ARS). Les syndicats avaient prévu un sit-in avec les étudiants à la faculté d’Amiens (Somme), explique Bertrand Gilbergue, un cortège vers la préfecture de l’Aisne, à Laon, et une délégation pour Paris avec les professions libérales. Des délégués ont aussi été reçus par le directeur de l’ARS, et par le préfet de région.
Les Picards ont donc répondu massivement à l’appel des syndicats, qui avaient acheté de pleines pages dans la presse pour sensibiliser le public. Un choix cependant un peu contraint, note ce confrère sous couvert d’anonymat : « l’engagement à fermer l’officine était assorti d’un post-scriptum précisant que le nom des non grévistes serait communiqué à l’Ordre, à l’ARS, aux syndicats, et aux confrères ! »
Une garde a été organisée dans les trois départements afin de prolonger le service des réquisitionnés de la nuit. La mise en place quoiqu’un peu hésitante - commissariats et gendarmeries n’étaient pas tous avisés de la grève ni des gardes la veille au soir - n’a pas entraîné de difficultés. « Une officine a été dépassée par la demande à Amiens, mais, de notre côté, nous n’avons pas eu plus de clients, note Édouard Collot, adjoint, lui, à Abbeville (Somme). J’avais appelé tous les médecins, et notre mouvement a été bien perçu. » Abdelkader Hanfouri, à Compiègne (Oise), n’a reçu confirmation de sa réquisition par la gendarmerie que le matin du 30, mais l’ARS avait déjà fait circuler la liste, et « les gens sont bien venus plus nombreux, mais pour signer la pétition », affirme-t-il.
La Haute Normandie sous tension
EN HAUTE NORMANDIE, la plupart des pharmaciens ont annoncé la grève, informé et sensibilisé leurs clients. Et gardé leur rideau baissé ce mardi 30 septembre… « Chez nous, tous les patients qui viennent chercher leurs médicaments lisent les affiches et signent la pétition de soutien que nous leur proposons », explique Philippe Perrot, de la pharmacie Kennedy de Bihorel, sur les hauteurs de Rouen. « Nos patients ne croient pas que les grandes surfaces pourront leur rendre les mêmes services que les officines. Ils nous disent clairement avoir besoin de disposer de bonnes explications claires sur les médicaments qui leur sont prescrits. »
« Finalement, nous allons fermer comme nos confrères de Rouen pour toute la journée », avait annoncé Sophie de Alexandrie, la titulaire de la Pharmacie Lafayette du théâtre de Rouen. « Après avoir mûrement réfléchi, nous avons décidé de ne pas mélanger les causes (N.D.L.R., la titulaire comparaît le 20 octobre prochain devant le tribunal de Rouen, suite à une plainte de l’ordre pour abus de publicité à l’occasion de son installation). Nous participerons donc à la juste opération visant à soutenir une profession de santé dangereusement attaquée par les pouvoirs publics. »
Marie Hélène Delalande pharmacienne à Petit Couronne, dans l’agglomération rouennaise, préside, elle, la FSPF pour le département de la Seine Maritime. « Ce n’est pas la première fois que je connais une grève de ce type, souligne-t-elle. La dernière, c’était il y a plus de vingt ans contre la marge dégressive lissée. Mais cette fois-ci, c’est encore plus dur. » Même son de cloche à la pharmacie de la Lombardie à Rouen, tenue par le Cyril Grenot qui, lui aussi, semble ne pas avoir encore digéré la fameuse MDL. « Cette marge dégressive n’a jamais été réactualisée durant quinze ans alors que l’engagement était pris, martèle-t-il. Ici nous sommes dans un quartier difficile dont la population est en grande partie paupérisée ce qui ne l’empêche pas de nous soutenir unanimement », conclut l’officinal.
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