Un moment historique. C’est ainsi que Pierre Médevielle, sénateur UDI de Haute-Garonne, se remémore la séance au Sénat du 29 septembre dernier. « L’ensemble de l’hémicycle s’est élevé contre l’amendement déposé par Olivier Cadic. Tous les sénateurs, tous bords politiques confondus, se sont prononcés en faveur du maintien du monopole de la pharmacie. »
Ce vote remporté à l’issue d’un débat au cours duquel sont intervenus les deux autres pharmaciens du Sénat, Corinne Imbert, sénatrice de Charente-Maritime, et Pierre Dériot, sénateur de l’Allier, est une victoire à double titre. Il confirme la volonté de l’ensemble de la classe politique de préserver le réseau officinal. Au-delà, il inflige un nouveau camouflet à la grande distribution. Car Olivier Cadic, sénateur UDI représentant les Français de l’étranger, ne s’est pas caché de ses intentions. L’amendement qu’il a déposé visant à autoriser la commercialisation de médicaments sans prescription par d’autres réseaux de distribution que les officines, au prétexte « de faire baisser les prix des médicaments délivrés sans ordonnance, tout en diminuant les dépenses de santé de l’État », était fortement inspiré par la grande distribution.
Bien qu’il s’en soit défendu par la suite en affirmant avoir reçu « un très long courrier de l’UFC-Que Choisir à ce sujet » et des appels téléphoniques de pharmaciens qui assuraient « qu’une telle mesure permettrait d’améliorer la situation de l’emploi dans la profession, qui compte 15 % de chômeurs », le sénateur restera celui qui a déposé l’amendement « Leclerc ».
Soupçons sur les pharmaciens
Les trois sénateurs pharmaciens ont immédiatement contre-attaqué, invoquant tour à tour la sécurité du médicament, la fragilisation du modèle économique de l’officine, la préservation du maillage officinal et le maintien du numerus clausus. « Il n’est d’ailleurs pas dit quelle contrepartie Monsieur Leclerc prévoyait, alors que la casse du monopole déstabiliserait irrémédiablement le réseau officinal, fragiliserait durablement un secteur d’activité et, en concentrant les points de vente, constituerait une erreur indéniable dans l’aménagement du territoire », objecte Corinne Imbert. Elle souligne que la concurrence ne peut être évoquée pour briser le monopole dans la mesure où elle s’exerce déjà « entre les acteurs de la pharmacie eux-mêmes ».
Ces arguments ont d’autant plus fait mouche au sein de l’hémicycle qu’ils étaient relayés par deux sénateurs médecins, Catherine Deroche et Daniel Chasseing. De là à accuser ces cinq professionnels de santé de conflit d’intérêts, il y n’a qu’un pas que le magazine « Challenges » a franchi allégrement une semaine plus tard. Dans son édition du 6 septembre, le mensuel économique publiait la rémunération annuelle de Corinne Imbert. Il voit dans l’intervention de la titulaire de Beauvais-sur-Matha (Charente-Maritime), une preuve manifeste d’un conflit d’intérêts. Ce dont elle se défend : « aurais-je dû faire lire mon argumentaire par une collègue non-pharmacien alors que je pouvais moi-même intervenir en experte de l’officine ? Dès lors que l’on intervient parce que l’on connaît le sujet, on est passible de conflits d’intérêts. Cette suspicion permanente est fort désagréable. »
Pierre Médevielle, qui a cédé les parts de son officine de Boulogne-sur-Gesse (Haute-Garonne) au lendemain de son élection en 2014, n’a pas été épargné pour autant. Les sommes figurant à sa déclaration transmise à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique sont reproduites in extenso. Ce qui n’inquiète pas outre mesure l’intéressé. « Il n’y a pas de conflit d’intérêts puisque j’ai cédé mes parts et que je n’exerce plus. J’ai les mains libres », affirme-t-il.
Bien décidé à poursuivre le débat de manière constructive, le sénateur a initié la rédaction d’un rapport sur la désertification médicale qui sera rédigé conjointement par des membres de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la Commission des affaires sociales. « Il faut absolument modifier les conditions de sélection des étudiants en médecine et imaginer de nouveaux moyens pour favoriser leur installation et leur répartition sur l’ensemble du territoire », déclare-t-il. L’ex-titulaire, convaincu que la régulation de l’installation est le garant d’un bon maillage officinal, pourrait s’inspirer du modèle officinal dans ce rapport qui devrait être rendu au premier semestre 2016.
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