SURCHARGE de travail, dépression et angoisse ne sont pas seulement le lot des traders et des cadres sup. Le stress professionnel touche de plus en plus de secteurs d’activité. Conscient du phénomène, le régime social des indépendants (RSI) a décidé de mener l’enquête chez les avocats et les pharmaciens titulaires résidant en province. Les résultats de cette plongée aux sources du stress professionnel sont édifiants. Sur les 3 600 pharmaciens contactés pour cette étude, près de 40 % ont répondu au questionnaire. Parmi eux, environ 7 % seraient touchés par des pathologies somatiques graves (hypertension, maladies cardio-vasculaires, métaboliques, cancers…). La consommation de médicaments à visée psychotrope est élevée : 13,2 %, avec, par ordre décroissant, une surutilisation des anxiolytiques, hypnotiques et antidépresseurs. Une surconsommation qui s’explique sans doute aussi par un accès facilité à ces produits. Le tabagisme (13 %) est toutefois moins élevé chez les titulaires que dans la population française prise dans son ensemble (environ 30 %). En revanche, la consommation d’alcool reste élevée puisque 44,2 % des pharmaciens avouent être des consommateurs réguliers. « Considérant que l’abus d’alcool débute à plus de deux verres par jour chez les femmes et plus de trois verres quotidiens chez les hommes, nous mesurons un abus d’alcool pour 13,4 % des pharmaciens », remarque le Pr Frédéric Limosin, chef du service universitaire de psychiatrie à l’hôpital Corentin-Celton, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).
En souffrance.
« Nous avons regroupé les commentaires libres laissés par les pharmaciens et constatons que 47 % d’entre eux évoquent la dégradation de leurs conditions de travail et/ou une inquiétude forte quant à l’avenir de leur profession, tandis que 21 % reconnaissent que le stress a un impact sur leur santé. » Le questionnaire a inclus le GHQ 28 (general health questionnaire), traditionnellement utilisé pour dépister des troubles psychiatriques, psychologiques ou psychiques. Selon ce test, 47 % des pharmaciens ont « un niveau de souffrance psychologique significatif » qui se traduit par des dysfonctionnements somatiques (6,2 %) ou sociaux (8,4 %), de l’anxiété exacerbée (8,2 %), voire de la dépression (3 %). « La catégorie la plus en souffrance est la tranche 35-50 ans, dans laquelle on retrouve les facteurs de risque associés tels que le tabagisme, l’abus d’alcool, la consommation de médicaments psychotropes, souligne le psychiatre. La souffrance psychologique est aussi plus élevée chez les femmes. »
Pour les spécialistes, il n’y a pas à hésiter, dès les premiers signaux d’alerte, il faut libérer la parole, que ce soit au sein de sa famille, avec ses proches, ou son médecin référent. Une fois le problème identifié, il s’agit d’adapter les contraintes professionnelles pour une vie plus calme et moins stressée. Un constat : les pharmaciens développent des stratégies spontanées pour résister au stress. Avoir une activité physique ou sportive régulière, s’imposer des moments de loisirs, de relaxation, se ménager des vacances, sont autant de moyens pour eux de sortir de la spirale du stress. Des appuis extérieurs peuvent aussi aider le pharmacien à contourner les situations de stress, notamment grâce à une meilleure organisation ou une optimisation du management.
Sensibilisation.
Michel Faysse, pharmacien retraité et 1er vice-président de RSI professions libérales provinces, souligne lui aussi la dégradation du métier. Trop nombreuses officines en faillite ou dont la trésorerie est dans le rouge, et changement de la patientèle, elle-même confrontée à de problème de société, de santé ou de bien-être. Guy Mailhan, pharmacien à Évreux et administrateur de RSI profession libérales provinces note, par exemple, une hausse des agressions verbales au comptoir. Même constat pour Patrick Madié, directeur général d’Action sociale pharmaceutique* pour qui « beaucoup de tensions sont liées aux changements de la réglementation pharmaceutique, à la volonté de l’État de maîtriser les dépenses. On entend beaucoup parler de déremboursement, de substitution générique, de baisse de marge et de chiffre d’affaires. Tout cela entraîne des incertitudes sur la valeur de l’officine. Les pharmaciens se sont endettés et ils voient la valeur de leur outil de travail, censé financer leur retraite, baisser. C’est extrêmement anxiogène ».
Si une part du stress professionnel peut être considérée comme inhérente à la profession ou à l’environnement (réglementaire, social, etc.), une sensibilisation des pharmaciens dans leur cursus de formation pourrait être une façon de « leur fournir les armes pour lutter contre les effets néfastes du stress professionnel », suggère le Pr Limosin.
Face à ce constat, le RSI prépare un programme de prévention des risques professionnels à l’intention de ses assurés. « La santé physique et morale des professionnels libéraux est primordiale car de celle-ci dépend la santé de l’entreprise et de l’entourage familial. La caisse s’attache donc à prévenir les accidents de santé de ses ressortissants et y trouve aussi un intérêt économique puisque des assurés en meilleure santé sont des assurés qui dépensent moins. » De la santé des professionnels de santé dépend aussi celle de leurs patients.
*Association permettant aux entreprises des métiers et industries de santé d’Île de France de satisfaire à leurs obligations en matière de santé au travail.
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