Il y a quelques jours, le grand quotidien viennois « Die Presse » a publié une étude « confidentielle » du cabinet Kreutzer Fischer & Partner sur le coût du monopole pharmaceutique pour le système de santé autrichien : selon ce travail, la suppression du monopole permettrait à ce pays de 8,6 millions d’habitants d’économiser 180 millions d’euros par an.
En extrapolant ce chiffre à un pays aussi peuplé que la France, cette mesure reviendrait à économiser plus d’un milliard et demi d’euros. À la place du monopole, globalement comparable en Autriche à ce qu’il est en France, il « suffirait » de vendre les OTC en droguerie et en grande surface et, surtout, d’autoriser tous les médecins à vendre des médicaments.
Actuellement, seuls les médecins installés dans des zones dépourvues de pharmacies, notamment en montagne, sont autorisés à en distribuer eux-mêmes. Comme il faut bien que les pharmacies restantes survivent, il suffirait, toujours selon Kreutzer Fischer, de les regrouper dans des chaînes et, par ailleurs, d’élargir leurs horaires d’ouverture sur les modèles des grandes surfaces, c’est-à-dire en quasi non-stop dans certaines zones très fréquentées.
Certes, ce rapport, dont on ignore le destinataire officiel, ne changera pas d’un coup de baguette magique la situation législative des 1 350 pharmacies autrichiennes, jusqu’à présent plutôt préservées des grands tsunamis de l’ultralibéralisme. Mais il illustre bien la permanence de ces conceptions dans une large partie du monde économique, de même qu’au sein de la population. De plus, ce sont souvent des documents de ce type qui nourrissent la pensée des responsables politiques… en Autriche, comme dans bien d’autres pays européens.
Déclaration de guerre
Publié non seulement dans l’édition classique, mais aussi dans l’édition en ligne du journal, l’article présentant cette étude a provoqué une vive discussion parmi ses lecteurs. Pour certains, la libéralisation totale aurait déjà dû être entreprise depuis très longtemps, et ne devrait d’ailleurs pas concerner que les pharmacies, mais toutes les professions. Il est vrai que le rapport ne se contente pas de pointer les pharmaciens, mais s’en prend aussi, toujours en raison de l’existence de monopoles, à d’autres « grands responsables » des déficits publics autrichiens, en particulier les… ramoneurs.
Plus nuancés, certains lecteurs rappellent, quant à eux, que si l’on s’attaque ainsi aux pharmacies, ce sont aussi toutes les prestations de santé qu’ils assurent, dans un cadre sécurisé, qui disparaîtront avec elles. « S’en prendre aux pharmacies, c’est s’en prendre à la santé », explique ainsi un lecteur, rappelant en outre que ce qu’on économiserait peut-être d’un côté serait de toute manière vite redépensé de l’autre. D’autres lecteurs, enfin, se demandent qui a « téléguidé » un rapport aussi radical, en s’interrogeant sur l’impartialité de ses auteurs.
L’Ordre des pharmaciens s’était contenté, au lendemain de la publication du texte, d’un communiqué bref mais clair : il voit dans ce travail « une véritable déclaration de guerre », et rappelle que la mise en place d’un tel plan se traduirait par la disparition rapide d’un nombre important d’officines, alors même qu’une pharmacie sur trois est actuellement déficitaire dans le pays.
Après avoir étudié plus en détail l’ensemble du document et s’être accordé quelques jours de réflexion, l’Ordre vient de publier une mise au point plus complète, qui s’en prend aux chiffres et surtout aux économies potentielles estimées, dont les montants seraient entachés d’erreurs. Surtout, le président de l’Ordre, Max Wellan, démonte la méthodologie du travail, qui révèle selon lui la méconnaissance flagrante des spécificités de l’économie de la santé et des politiques de santé par ses auteurs. « Il serait temps, écrit-il non sans férocité, que les études de ce type, qui paraissent d’ailleurs à intervalle régulier, fassent l’objet d’une évaluation scientifique par des experts compétents, avant d’être livrées aux opinions publiques et au monde politique sans le moindre esprit critique… »
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion