« NAGER dans une eau très claire donne l’impression de voler. On se déplace dans les trois dimensions, s’émerveille Jean-Loïc Guihot. En fait, la nage sous-marine met en état d’apesanteur, quand seuls les poumons font remonter ou descendre, selon qu’on les remplit ou qu’on les vide. On voit une roche de 1,50 m devant soi, on gonfle les poumons, et ça passe. »
Jean-Loïc Guihot, pharmacien à Fréhel (Côtes d’Armor), nage depuis l’adolescence. Il chassait autrefois : « On est en surface, avec son tuba, et on plonge brutalement jusqu’à 10 mètres. Ça double la pression, en particulier dans les oreilles. » L’autre technique de la chasse sous-marine, toujours sans bouteille, est de se tapir au fond, et attendre que le poisson vienne : « Il faut le guetter, car il va très vite, et on ne le rattrape pas. »
En France, seuls les pêcheurs professionnels ont droit aux bouteilles, et pas depuis très longtemps. Ils pêchent l’ormeau, coquillage très recherché et accroché sous les rochers. Jean-Loïc Guihot chassait dans la baie de Saint-Brieuc, près de sa pharmacie de Fréhel, ou encore à la pointe Saint-Matthieu, près de Brest.
L’occasion du service national l’amène à la plongée avec bouteilles, à cause de ses oreilles. « La bouteille, c’est la promenade. On fait beaucoup de chemin, mais on descend et on remonte à la vitesse qu’on veut, on stabilise la pression, tout est régulé, et cela permet de voir autre chose. »
En promenade, il arpente sa côte. « Ici, on recherche surtout les épaves que les sous-marins des deux guerres mondiales ont laissées en abondance, un peu au large, à 3 ou 4 milles (5 à 7 km), jusqu’à 6 milles de la côte pour les plus belles. On a le droit de nager autour, de les toucher, mais pas de remonter quoi que ce soit. Elles appartiennent à l’État. J’ai quand même vu un gars, seul à 50 m sous l’eau, en train de remonter avec un obus dans chaque main. »
Jean-Loïc Guihot est précis, et loquace, sur tout ce qui concerne sa passion. Ainsi des épaves répertoriées par le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) : « La plongée commence souvent aux archives, mais les bases de données du SHOM sont assez imprécises. Une épave peut être à 1 ou 2 milles de sa localisation. » D’autres fois, le sable l’aura recouverte, ou découverte alors qu’elle n’était pas répertoriée. « Les pêcheurs les crochent, et donnent beaucoup d’informations à la base de données. »
Le pharmacien est aussi disert sur la technique même de la plongée, sur la sécurité, et sur les relations entre plongeurs. « En baie de Saint-Brieuc, il y a peu d’accidents, alors qu’à Ploumanac’h, face aux Sept Îles, le fond descend vite à 40 mètres, les courants sont très difficiles à remonter. » Jean-Loïc Guihot montre sur son ordinateur les cartes des courants sous-marins : ils varient en permanence avec ceux de la marée, selon la profondeur, ils peuvent être ascendants, ou descendant, voire cisaillant à la rencontre des deux autres. « On trouve des courants à toutes les profondeurs », mieux vaut les connaître.
« Il ne faut jamais plonger seul, par sécurité. On plonge par palanquées de deux ou de quatre. On plonge à l’étale (à haute mer, ou à basse mer, quand le courant de marée est quasi nul). À mi-marée, on peut rencontrer des courants jusqu’à 3 nœuds (5 km/h), personne ne nage contre cela. »
Le pharmacien plonge « théoriquement » toute l’année, plutôt de début avril à fin octobre, et s’entraîne chaque semaine en piscine, nage et apnée. En fait, la plongée est un peu plus compliquée : il faut le temps libre, une bonne météo, des heures de marées convenables, et des copains disponibles. Pour compenser, la vingtaine de membres de son club s’offre un voyage « uniquement de plongée » une fois par an. Le dernier était en Mer rouge, en Égypte, auquel s’ajoutent quelques fins de semaine ailleurs en Bretagne.
« Le monde du silence est en fait très bruyant, ajoute Jean-Loïc Guihot. On entend les bulles, les coraux, les dauphins. En plongée, on va là où tout le monde ne va pas. C’est aussi un monde où on a besoin des autres, des autres plongeurs. La seule hiérarchie entre nous, c’est la compétence. »
ph (JG) Jean-Loïc Guihot devant le mur de son bureau tapissé de photos de mer et de paysages marins, son autre passion
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