LA PRIVATISATION des pharmacies, regroupées jusque-là au sein de la chaîne d’État Apoteket, constitue l’un des événements majeurs survenus dans le monde des pharmacies en Europe ces dernières années. Dès 2004, en effet, l’Union européenne a sommé la Suède de démanteler ses différentes sociétés d’État monopolistiques, en contradiction totale avec les règles de concurrence et de commerce en vigueur dans l’Union. Deux ans plus tard, le nouveau gouvernement suédois se pliait à cette injonction et décidait de vendre un certain nombre de sociétés d’État, dont les pharmacies. Celles-ci, proportionnellement peu nombreuses, desservent en moyenne 10 000 habitants chacune (la Suède compte 9,1 millions d’habitants), emploient 11 000 personnes et réalisent un chiffre d’affaires annuel de 4 milliards d’euros, en honorant environ 65 millions d’ordonnances et en recevant 100 millions de clients. La chaîne Apoteket dispose par ailleurs de 4 centres de production et de 11 centres de production de doses multiples, sans compter différents services logistiques et informatiques.
Fin novembre, les autorités suédoises ont invité à Stockholm une délégation de pharmaciens français, composée de responsables ordinaux et syndicaux, pour leur présenter leur réforme de la pharmacie. Trois grands groupes, dont une coopérative pharmaceutique et deux groupes financiers, ont déjà acheté près de 500 officines. La chaîne Apoteket, devenue une société anonyme, conservera environ 300 officines, et le reste sera vendu à des pharmaciens indépendants. Apoteket gardera par ailleurs ses sociétés de service aux pharmaciens, qu’elle envisage d’ailleurs aussi de proposer à d’autres pays. Jusqu’à présent, les grandes chaînes de pharmacies européennes ne sont pas intéressées au rachat des officines d’Apoteket… parce qu’elles estiment que les marges suédoises sont trop faibles. Par contre, l’Allemand Celesio envisage déjà de créer 150 officines en Suède, notamment en implantant des pharmacies sous l’enseigne DocMorris, et d’autres chaînes pourraient faire de même.
En effet, la privatisation des officines s’est accompagnée d’une autre mesure phare, la possibilité pour toute personne, pharmacien ou non, de créer des officines dans le pays. Cette mesure est censée dynamiser la concurrence et faire baisser les prix, tout en améliorant la desserte pharmaceutique. De plus, la Suède va libéraliser son marché des OTC et de la médication familiale, jusque-là purement pharmaceutique : tout commerce, à l’exception des magasins vendant de l’alcool (et qui constituent eux aussi une chaîne d’État, qui, elle, n’a pas été privatisée), sera autorisé à vendre des médicaments OTC, inscrits sur une liste d’environ 300 produits.
Une vision dérégulatrice.
« Nous avons été très intéressés par un les prestations techniques et sanitaires des pharmaciens suédois, mais nous sommes un peu sceptiques quand aux objectifs de cette réforme », résume Martin Muller, pharmacien à Niederbronn (Bas-Rhin) et, depuis peu, représentant de l’UNPF au sein du Groupement des pharmaciens de l’Union européenne (GPEU), à l’issue de ce voyage. En effet, estime-t-il, s’il est louable d’essayer d’améliorer l’accès des patients aux pharmacies, la création de nouvelles officines risque de se concentrer avant tout dans les villes et les régions du sud, fortement peuplées, et non dans les zones très peu denses du nord du pays où l’on manque de pharmacies. Par ailleurs, l’idée de confier la vente de médicaments à des stations services ou des supérettes pose, selon lui, un vrai problème en matière de conseil et d’information. « Nous ne pensons pas que cette réforme, ainsi pratiquée, améliorera vraiment la qualité du service pharmaceutique », conclut M. Muller, en soulignant que cette impression était partagée par l’ensemble du groupe français.
Par ailleurs, il note, au-delà de la Suède elle-même, que cette réforme marque une nouvelle avancée d’une vision très anglo-saxonne et dérégulatrice de la pharmacie, d’ailleurs regrettée par un certain nombre de pharmaciens suédois. La poursuite de cette tendance de fond mérite, en soi, une réflexion approfondie de la part des pharmaciens installés dans les pays qui se refusent encore à céder à ce type de « modèle »… car elle montre la vitalité de ces concepts, mais aussi l’importance pour les pharmaciens de leur opposer des alternatives crédibles et viables.
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