HUMEUR

Objets inanimés

Publié le 10/07/2014

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Qu’est-ce qu’on vieillit ! Je me souviens de mes seize ans et de la ferveur avec laquelle je déclamais Lamartine : « Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme, et la force d’aimer ? » Je ne suis pas fier, aujourd’hui, de nourrir, contre les mêmes objets, qui encombrent mon bureau et mon domicile, la tentation de les détruire. Je suis incapable de dire si c’est la paresse qui m’empêche de m’en séparer (mille journaux accumulés sur ma table de travail qui cachent le téléphone et vont bientôt recouvrir l’ordinateur), si c’est l’avarice ou si c’est le doute : tournevis et clés à huit que je n’ai pas utilisés depuis vingt ans, chaussures usées, livres par centaines que je n’ai pas eu le temps de lire et que je garde parce que je crois quand même que je les lirai, vêtements que je ne mettrai plus jamais, clés dont je ne connais plus les serrures, outils superflus pour l’épouvantable bricoleur que je suis : un capharnaüm invraisemblable, le chaos d’un Harpagon irréductible et recroquevillé sur ses misérables trésors. Si vous avez une âme détachée de ces objets, je vous rends hommage.

RICHARD LISCIA