POUR TOUT SPECTATEUR étranger, la réforme de l’assurance maladie aux États-Unis ne peut apparaître que comme une nécessité absolue. Ce n’est pas l’avis des Américains, qui sont 80 % à se déclarer satisfaits de la protection dont ils bénéficient. Barack Obama souffre de ce qu’il est clairvoyant et, surtout, de sa propension à ne pas considérer le libéralisme comme un vecteur naturel de la liberté. Le système actuel du « healthcare » n’est pas seulement injuste parce qu’il laisse 45 millions d’Américains sans assurance ; il n’est pas seulement dangereux parce qu’il soumet le droit de rester en bonne santé à l’argent dont le patient dispose ; il est devenu insoutenable parce qu’il absorbe une partie énorme du produit intérieur brut, quelque 16 % et pas très loin de 2 500 milliards de dollars, ce qui prive la société américaine d’investissements dans l’éducation, le développement industriel et la protection sociale. Le système n’est pas qu’inégal, il n’est pas que trop coûteux par rapport aux soins insuffisants qu’il dispense, il est trop cher dans l’absolu. La réforme a (avait ?) pour but de rétablir un minimum d’égalité des citoyens américains dans l’accès aux soins, et surtout de mettre un terme à une dépense colossale qui s’ajoute à l’abîme sans fond des déficits financiers. La différence entre les Français et les Américains, c’est que, chez eux, le déficit est supporté par les citoyens et ne s’ajoute pas à la dette publique ; tandis qu’ici, en France, c’est l’État qui prend en charge le financement.
À nos yeux d’Européens, la réforme américaine exige la contribution de tous les citoyens à la réforme. Mais avant de nous indigner, nous devons nous souvenir que le système français est lui aussi producteur de déficits énormes, que l’inégalité devant l’accès aux soins devient une réalité en France et que nous ne sommes pas non plus parvenus à réformer durablement notre assurance maladie en, dépit d’un financement chaque année moins suffisant que l’année précédente. L’immense dérive démagogique à laquelle le projet de réforme a donné lieu aux États-Unis ne doit pas être pour nous une surprise. Si, en 1993, l’opposition républicaine a empêché la réforme que proposait Bill Clinton (et qui, déjà à l’époque, semblait indispensable), c’est parce que les Américains ont été effrayés par les propositions du gouvernement : ils ne veulent pas payer plus pour leur santé et chaque citoyen est persuadé qu’il devra prendre en charge, personnellement, la couverture des 45 millions de personnes qui ne sont pas assurées. Le parti républicain, tirant le meilleur avantage des « town hall meetings » organisés dans tout le pays (et qui en disent long sur les vertus supposées de la démocratie directe) défendent l’inspiration libérale du système actuel. Mais libéral, il ne l’est pas. J’ai entendu le citoyen d’une petite ville s’exclamer : « Keep the government away from my Medicare » (empêchez le gouvernement de s’approcher de l’assurance maladie des seniors). Mais Medicare, assurance maladie des plus de 65 ans, et Medicaid, assurance maladie des pauvres, sont des programmes gouvernementaux crées en 1965 par Lyndon Johnson. L’intervenant croyait qu’il s’agissait d’un programme privé !
Accusations mensongères.
La presse, heureusement, a systématiquement dénoncé les accusations démagogiques ou mensongères du parti républicain, notamment le jugement de Sarah Palin, ex-candidate à la vice-présidence, pour qui la réforme est « l’incarnation du mal ». Le comble est qu’on assiste à un immense débat sur l’arrivée du « socialisme » aux États-Unis, alors qu’une bonne partie de l’assurance maladie est déjà étatisée et que l’Amérique aurait coulé sous l’effet de la crise si le gouvernement d’Obama ne lui avait dispensé, avec les deniers de l’État, un traitement énergique de l’ordre de 2 000 milliards de dollars. Et alors qu’à la fin de l’année dernière, les plus grands défenseurs du libéralisme économique proposaient de nationaliser toutes les banques. On baigne littéralement dans l’illusion et le mensonge. La question ne porte nullement sur l’idéologie sous-jacente des grandes décisions de l’administration Obama, mais sur une série de nécessités historiques dont l’assurance maladie fait partie. L’une de mes belles sœurs s’indignait devant moi de ce qu’une simple consultation eût coûté 325 dollars à son fils, qui est chômeur et n’est donc pas couvert. « Je suis convaincue que, s’il avait été assuré, son assurance aurait forcé le médecin à diminuer son tarif », me dit-elle.
Pour autant, elle n’est pas certaine que la réforme d’Obama soit utile. La partie n’est donc pas gagnée pour le président, dont la popularité faiblit et qui n’oublie pas le précédent désastreux de la réforme Clinton. Il a déjà lâché du lest. Il n’y aura pas de « payeur unique », on ne touchera pas à l’assurance de ceux qui en sont satisfaits, on n’imitera pas le Canada. Mais, si on ajoute les dépenses entraînées par le système actuel au besoin d’assurer 45 millions de personnes, de quelle manière va-t-on réduire le budget insensé du « healthcare » ?
RICHARD LISCIA
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