LE BRÉSIL n’est pas un pays comme les autres. Plutôt un continent. Autant se le dire, on ne « fait » pas le Brésil, on se « fait avoir » par le pays et particulièrement par Salvador, capitale de l’État de Bahia, cité portugaise autant qu’africaine.
Portugaise, elle l’est dans son architecture, sa façon de grimper sur les collines, sa langue chuintée comme un essieu de charrette, ses christs dramatiques, ses anges dorés, ses azulejos. Pour découvrir la ville qui fut capitale du Brésil pendant 214 ans, il faut flâner dans ses rues étroites, entrer dans ses palais, ses églises, ses couvents où l’on reste ébloui par la profusion d’or, cette exubérance baroque chère aux artistes des XVII et XVIIIe siècles. Ainsi dans la ville haute, la cathédrale et ses treize autels richement travaillés, ses commodes en jacaranda, son énorme soleil en métal et bois. Ou encore la façade rococo de l’église da Ordem Terceira de São Domingos, les splendides azulejos de l’église et du couvent São Francisco, les tableaux de Francisco das Chagas dans l’église do Carmo…
Mais n’a-t-on pas (en exagérant) surnommé Salvador la « ville aux 365 églises » ? Dans la ville basse, se trouve d’ailleurs la plus populaire d’entre elles. C’est l’église Nosso Senhor do Bonfim où a lieu, chaque année en janvier, le lavage en grand du parvis. Des chapelets de pénitents viennent y remercier le Seigneur de ses guérisons. Et ça marche ! Pour preuve, ces ex-voto en forme de bras, de jambes, de crânes ou d’appareils orthopédiques qui pendent au plafond ! Ici, des femmes et des enfants vous vendront ces fameux petits rubans multicolores que l’on noue autour du poignet en prononçant trois vœux… Salvador de Bahia est une ville à laquelle on donnerait le bon Dieu sans confession. D’ailleurs, elle s’appelle en réalité « Salvador de Bahia de todos os Santos »...
Mais revenons dans la ville haute, dans ce fameux quartier du Pelourinho, classé au Patrimoine de l’Unesco en 1985. Du nom de la potence (pilori) où étaient autrefois
attachés les esclaves, il est aujourd’hui considéré comme l’un des plus importants vestiges de l’architecture coloniale du continent américain. Les rues pavées aux maisons couleur de sorbet, soulignées de balcon en fer forgé, évoquent un charmant théâtre où il fait bon se promener. On y visitera le museu da Cidade, Abelardo Rodrigues ou encore la fondation Jorge Amado, tous installés dans ses anciennes demeures (solares) où habitaient les riches familles de l’époque.
Fêtes, couleurs et plages.
Voici donc le masque blanc de Salvador. Dès qu’il tombe, c’est l’Afrique qui s’empare de la ville. Mais l’État de Bahia n’a-t-il pas été le centre d’importation des Noirs d’Afrique au Brésil ? Baptisés et convertis au christianisme, ils y ont néanmoins préservé l’essentiel de leurs traditions et croyances. Ainsi est né un syncrétisme dont l’élément le plus fort est le candomblé, sorte de vaudou bahianais aux rites ordonnés et complexes. Offrandes lumineuses ou alcoolisées, fêtes, sessions, les cérémonies sont partout, à ciel ouvert comme au plus secret des terreiros (lieux de culte). Sous la bénédiction d’Oxalá, on y invoque les orixas, se laissant posséder par eux avec une intense fulgurance afin d’engranger courageusement les mauvais fluides des consultants. On ne peut empêcher dès lors qu’un petit frisson vous parcourt l’échine. Car, voilà, on veut comprendre, mais eux ne veulent que ressentir.
Le carnaval reste également la fête par excellence. Deux millions de personnes y dansent derrière les trios eléctricos, camions jouant une tonitruante musique électrique, les afoxés, cortèges noirs véhiculant la culture afro-brésilienne ou les blocos, groupes de personnes noires, blanches ou indiennes, regroupés autour des trios. D’autres réjouissances demeurent de l’ancien temps, telle la capoeira, cette lutte dansée qui date de l’époque où les esclaves ne pouvaient pas porter d’armes et se défoulaient dans cette fausse lutte requérant souplesse et agilité.
Mais l’Afrique est aussi à chaque coin de rue avec ses Bahianaises aux robes empesées et colifichets colorés. Au fond de leurs marmites grésillent dans de l’huile de palme piments, oignons, gingembre, lait de coco – cuisine du siècle d’or qui emporte la bouche et le cœur. On dégustera ainsi la moqueca, mélange de poissons, crevettes ou langoustes. Ou encore le casquinha de siri, crabe farci chaud saupoudré de farine de manioc. Et aussi ces délicieux quindins, gâteaux à la noix de coco…
Reste à goûter un autre aspect de Salvador : ses plages. Porto da Barra, Farol da Barra (qui abrite un phare et un musée océanographique), Ondina, Armação, où se perpétue la pêche au xaréu (filet tiré par les pêcheurs en fin de journée), Itapoã, chantée par les poètes, sans oublier la lagoa de Abaeté, superbe lagune aux dunes de sable blond, si romantique les soirs de pleine lune… Bien sûr, on ira aussi à Praia do Forte où, sur une plage bordée de cent mille cocotiers, se trouve le centre de recherche des tortues de mer (projet Tamar).
Voilà donc ce qu’on rapportera de Salvador de Bahia : une moisson d’images, d’impressions, d’émotions, une toute petite esquisse de ce pays immense et cabalistique dont le désordre est joyeux et le bonheur dans l’espoir d’un monde toujours meilleur.
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