La liste des médicaments inscrits au registre des groupes hybrides ainsi que leurs conditions de substitution par le pharmacien d'officine ne sont toujours pas connues. Prévues par le décret* du 19 novembre 2019 (publié le 20/11/2019 au « JO ») relatif aux conditions d'élaboration et d'actualisation du registre des groupes hybrides, elles devaient être effectives le 1er janvier dernier. Pour certains syndicats représentatifs de la profession officinale, l'attente est longue.
Le recours aux spécialités hybrides, nouvelle catégorie de médicaments, a été décidé dans le cadre du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) afin de renforcer le taux de substitution. L'article L5121-1 du CSP définit le médicament hybride comme « une spécialité qui ne répond pas à la définition d'une spécialité générique parce qu'elle comporte par rapport à la spécialité de référence des différences relatives aux indications thérapeutiques, au dosage, à la forme pharmaceutique ou à la voie d'administration, ou lorsque la bioéquivalence par rapport à cette spécialité de référence n'a pu être démontrée par des études de biodisponibilité ». Comparé au princeps, le médicament hybride peut donc présenter des variantes en termes de dosage, de forme galénique (sèche ou liquide, par exemple), de mode d'administration permettant de modifier le nombre de prises par jour, de largeur du spectre thérapeutique mais aussi de conditionnement… Seule la nature de la substance active ne peut pas changer. « Ces médicaments doivent être considérés comme des équivalents thérapeutiques dont la composition peut différer mais pas la finalité qui reste identique », explique le Professeur Philippe Arnaud de la Faculté de Pharmacie de Paris. L'équivalence du traitement pose pourtant question à partir du moment où la substance active est modifiée. « Par exemple, une substance active micronisée est généralement moins dosée et souvent mieux ou plus rapidement absorbée. Le dosage de la formule peut influer sur ses effets indésirables. »
Un nouveau statut juridique
Certains n'ont pas hésité à qualifier de « risques potentiels », les modifications apportées au traitement par l'hybride au regard du princeps, évoquant l'impact sur l'efficacité ou la tolérance du produit. « Rappelons que ces médicaments ont reçu une AMM et sont inscrits au répertoire donc ont été évalués, notamment en termes de sécurité d’utilisation, par l’autorité de santé compétente », nuance Philippe Arnaud. Les spécialités hybrides existent donc déjà et certaines d'entre elles sont commercialisées mais ne peuvent pas encore être proposées dans le cadre de la substitution. « Un nouveau statut juridique a été créé pour ces formules qui vont pouvoir figurer au registre hybride », précise le LEEM (Les Entreprises du Médicament). « Les molécules éligibles à ce registre sont connues et existent déjà. » Ces formules, qui ne peuvent pas prétendre au statut de médicament générique car elles ne remplissent pas tous les critères requis du fait de leurs différences, font l'objet d'une procédure d'enregistrement simplifiée par rapport à un princeps et pourront désormais relever d'un statut juridique qui permet la substitution. Mais elles suivent le même processus de développement qu'un médicament princeps.
« D'un point de vue économique, la doctrine mise en place par le CEPS (Comité Économique des Produits de Santé) prévoit un niveau de prix inférieur aux princeps pour les médicaments hybrides qui n'apportent pas un niveau d'innovation particulier. » En termes de substitution, aucun objectif ne leur a été fixé pour l'instant. « La situation est très particulière car on ne sait pas encore quels médicaments figureront au registre des hybrides et dans quelle mesure ils pourront faire l'objet de substitution », poursuit le LEEM. Celle-ci, en revanche, ne pourra être envisagée sans qu'un travail très précis, molécule par molécule et binôme par binôme, ne soit effectué.
Source de questionnement, les spécialités hybrides suscitent aussi des attentes et pas seulement en matière d'économie. « Le marché du médicament générique en France représente aujourd’hui 38 % du marché remboursable, rappelle le GEMME (Générique Même Médicament). C’est encore trop peu. La nécessité de trouver de nouvelles sources d’économies pour notre système de santé requiert la mise en place de tous les leviers d’efficience. » De ce point de vue, l’émergence des médicaments hybrides doit pouvoir représenter une perspective intéressante de développement d’une offre complémentaire venant s’ajouter à l’offre de médicaments génériques. « C’est dans cet esprit que la LFSS 2019 a prévu d’instaurer, sous certaines conditions à fixer réglementairement, la possibilité de substitution des médicaments hybrides. » Pour s’inscrire dans l’esprit de la loi, il faut donc construire un environnement réglementaire efficace qui permette le développement d’un segment supplémentaire et qui ne doit en aucun cas remettre en cause les dispositions existantes ou concurrencer le développement des médicaments génériques…
Des situations à préciser
Les caractéristiques propres aux médicaments hybrides seront, en tout cas, répertoriées dans le registre des groupes éponymes dont le fonctionnement est détaillé par le décret* du 19 novembre 2019 (article R5121-9-7) : « Les groupes hybrides sont regroupés par substance active désignée par sa dénomination commune précédée de la mention “dénomination commune”. » Pour chaque spécialité, il est indiqué « son nom, son dosage, sa forme pharmaceutique ainsi que le nom du titulaire de l’autorisation de mise sur le marché et, s’il diffère de ce dernier, le nom de l’entreprise ou de l’organisme exploitant la spécialité, ainsi que, le cas échéant, la nature des différences constatées entre une spécialité hybride et la spécialité de référence du groupe hybride concerné notamment en matière de posologie. Le registre rappelle également les situations médicales dans lesquelles la substitution peut être effectuée par le pharmacien au sein d’un groupe hybride… ».
Ces circonstances ne sont pas encore connues mais leur description est prévue comme l'indique l'article L5125-23 du CSP : « Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale précise, après avis de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les situations médicales dans lesquelles la substitution peut être effectuée par le pharmacien au sein d'un groupe hybride ». Et dans cette démarche, les laboratoires sont impliqués, comme l'explique le laboratoire GSK : « Après le vote de cette disposition dans le cadre de la LFSS 2019 qui a créé un cadre pour la substitution hybride, le gouvernement a souhaité mettre en place une concertation préalable à la publication des arrêtés d’application de cette mesure. Nous sommes alignés avec cette volonté des autorités d’impliquer les acteurs de santé concernés, dont nos entreprises, dans cette concertation préalable pour préciser les situations médicales dans lesquelles la substitution pourrait être effectuée par le pharmacien, et prendre ainsi en considération les enjeux de sécurité et de bon usage liés à une telle substitution. »
*Décret n° 2019-1192 du 19 novembre 2019 relatif au répertoire des génériques, au registre des groupes hybrides et à la suppression du fonds de lutte contre le tabac.
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