Sarkozy : difficile retour

L’UMP prête à tuer le père

Publié le 10/06/2014
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L’affaire Bygmalion a créé à l’UMP une confusion appelée à faire un nombre élevé de victimes parmi les ténors du parti. L’ancien ministre Xavier Bertrand exige que soient écartées de la primaire toutes les personnes qui ont participé à la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2012. Bernard Debré pense que M. Sarkozy ne doit pas être candidat. Devant cette levée de boucliers un peu inattendue contre l’ancien président, son ami Brice Hortefeux estime que M. Sarkozy doit prendre en main l’UMP, empêcher la primaire, et se présenter en 2017.
Sarkozy : la fin du bonapartisme

Sarkozy : la fin du bonapartisme
Crédit photo : AFP

M. Hortefeux se fonde sur une analyse cohérente : les divisions, les rancunes, les rivalités personnelles sont si nombreuses au sein de l’UMP qu’elle n’est pas en mesure d’accéder au pouvoir et que, si on ne veut pas laisser les Français choisir entre le FN et le PS en 2017, il faut un leader charismatique et incontesté, capable de refondre et réunifier l’UMP, pour présenter dans trois ans une offre politique crédible de la droite. Mais Brice Hortefeux est isolé. La plupart des autres leaders du parti, et plus particulièrement ceux qui sont candidats pour 2017, estiment que l’UMP ne retrouvera la santé que si elle s’adonne à cet exercice démocratique relativement nouveau en France qu’est la primaire. En effet, l’affaire Bygmalion est peut-être la plus grave parmi toutes celles qui affectent la droite en général et M. Sarkozy en particulier. Elle atteint les militants et sympathisants de l’UMP, furieux d’avoir été dupés et même escroqués quand une collecte a été organisée pour compenser le non-paiement par l’État des dépenses de la campagne 2012. Ils ont payé 11 millions d’euros pour apprendre plus tard que l’on a facturé au parti des dépenses qui relevaient de la campagne.

M. Sarkozy a sans doute pensé qu’il se relèverait facilement de la défaite de 2012 ; sa popularité post-scrutin n’a cessé d’augmenter ; les militants le réclamaient ; les sondages indiquaient (et indiquent encore), qu’il restait le meilleur candidat de la droite. Cependant, la multiplicité des affaires où il est, de près ou de loin, concerné, faisait peser un doute sur sa capacité à reconquérir le terrain politique. L’affaire Tapie, puis l’affaire Pygmalion apparaissent aujourd’hui comme des handicaps qu’il aura beaucoup de mal à surmonter, d’autant que la justice est lente et que, au cours des trois années qui viennent, les révélations sur les progrès des enquêtes vont se multiplier et affaiblir sa position. Immédiatement après la défaite de 2012, se sont exprimées des dissidences dictées par l’ambition, celle de François Fillon par exemple, ou celle de Xavier Bertrand, et d’autres chez des hommes ou des femmes plus jeunes de l’UMP qui pensent tous, à tort ou à raison, qu’ils peuvent tenter leur chance, notamment dans le cadre d’une primaire.

Une feuille de route convaincante.

Ces ambitions sont maintenant renforcées par les soupçons pesant sur M. Sarkozy. Il n’est pas difficile de démontrer, en effet, que, avec Sarkozy, l’UMP pourrait bien courir vers un nouveau désastre politique. Il prendrait le pouvoir au parti cette année, il écarterait tous les candidats potentiels en annulant la primaire et, pendant ce temps-là, il aurait à répondre aux questions innombrables et interminables de la justice.

Il dispose, assurément, d’un charisme qui en fait un chef naturel, celui que l’on ne devine pas chez M. Fillon ou même M. Bertrand et, encore moins, chez un Baroin ou un Le Maire. Mais ce que la crise nous a appris, c’est que l’on ne peut plus se contenter de faire de la politique. On ne peut pas être bon seulement dans la conquête du pouvoir en appliquant une technique bonapartiste. Il faut présenter aux Français un programme crédible et susceptible de combattre efficacement la précarité et le chômage, tout en réduisant la dépense publique. M. Sarkozy s’y est essayé en 2012 mais n’a pas réussi. Les Fillon, Bertrand, Le Maire sont capables de rédiger une feuille de route plus convaincante.

C’est pourquoi le principe de la primaire est bon. Il permet de désigner un candidat de façon démocratique, de comparer les programmes, de choisir le meilleur et de donner au candidat retenu la légitimité dont il a besoin. Le plus dur, pour M. Sarkozy, c’est qu’il commence à voir qu’avant de réformer le pays il doit lui-même changer de fond en comble, ce qui semblerait au-dessus de ses forces.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3099