Un gaz a plané sur la Seine

L’odeur de la peur

Publié le 24/01/2013

Article réservé aux abonnés

L’usine de Rouen d’où est partie la fuite
Crédit photo : AFP

CH4S, ça vous dit quelque chose ? Méthanethiol, peut-être ? Et si je vous dis mercaptan, là, vous sentez tout de suite à quoi je fais allusion. L’entêtante odeur de chou pourri qui a circulé en début de semaine sur la Haute Normandie jusqu’à l’Ile-de-France a en effet provoqué une petite vague de panique chez les personnes au nez sensible. Certains de vos clients vous ont peut-être interrogé. Car l’odeur de la peur planait. À coups de communiqués, le ministère de l’Intérieur a pourtant vite pris soin d’informer les populations sur la relative innocuité du produit. Le souvenir de l’accident de Tchernobyl était-il encore dans les esprits ? Quoi qu’il en soit, l’inquiétude restait palpable dans les zones balayées par le nuage odorant. Il faut dire que les fiches de sécurité françaises publiées par l’INRS* ne sont pas tout à fait rassurantes. Elles précisent par exemple que le méthanethiol est « extrêmement inflammable et qu’il peut former des mélanges explosifs avec l’air ». Mais aussi, qu’il est toxique à hautes concentrations par inhalation et affecte le système nerveux central en provoquant des maux de tête, des nausées et une irritation du système respiratoire. Par bonheur, son odeur caractéristique permet en principe d’éviter toute intoxication. C’est d’ailleurs l’un de ses usages puisque le mercaptan est habituellement ajouté au gaz de ville pour alerter les utilisateurs en cas de fuites accidentelles. C’est ce qu’on appelle improprement l’« odeur de gaz ». Une odeur d’ailleurs également sentie au décours de la digestion de l’asperge. C’est ainsi à la présence de méthanethiol que l’on doit le changement notable de l’odeur de l’urine dans les 15 minutes après la consommation d’asperges…

Au total, aux concentrations mesurées, le risque était lundi dernier, bien faible. Le seul vrai risque aurait été de ne pouvoir identifier une vraie fuite de gaz (de ville) trompés que nous étions par cette inoffensive pollution olfactive.

* Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

› D.D.