UNE RENTRÉE littéraire conséquente mais sans plus (607 romans entre août et octobre contre 555 l’an passé), à peu près autant de romans étrangers (203 contre 198) mais une sérieuse tendance à favoriser le made in France (404 nouveaux titres contre 357 en 2013) et un net repli sur les valeurs sûres (75 premiers romans seulement contre 86) : la prudence est de mise, à la fois renforcée et compensée par le grand nombre d’auteurs reconnus lancés dans la mêlée.
Cette année, l’imaginaire est souvent en prise avec l’actualité. L’écologie est au cœur de plusieurs livres, du réchauffement climatique à la pollution radioactive et à la survie des baleines, comme dans « le Règne du vivant » d’Alice Ferney (Actes Sud).
Chaque romancier a sa façon d’aborder la crise économique et politique : à travers les objets déposés dans un local parisien d’Emmaüs dans « Des objets de rencontre » de Lisa Benincà (Joëlle Losfeld), ou dans le formidable roman polyphonique « Peine perdue » (Flammarion), dans lequel Olivier Adam se fait le chef d’orchestre de 22 voix qui donnent leur vision du même fait divers, une agression.
L’actualité est aussi et encore souvent liée aux commémorations des guerres mondiales. C’est ainsi que David Foenkinos raconte dans « Charlotte » (Gallimard) l’histoire de Charlotte Salomon, une artiste-peintre juive allemande, morte à Auschwitz à 26 ans, dont les toiles sont conservées au musée juif d’Amsterdam.
Autre manne d’inspiration des romanciers, l’évocation de la vie et de la mort de personnalités artistiques – Elvis Presley, Marilyn Monroe, Greta Garbo, Marcel Cerdan… – mais aussi et surtout de personnalités du monde littéraire. C’est ainsi que Frédéric Beigbeder imagine, dans « Oona & Salinger » (Grasset), une histoire d’amour impossible entre l’écrivain et la fille du dramaturge américain Eugene O’Neill. Que Dominique Bona évoque dans « Je suis fou de toi : le grand amour de Paul Valéry » (Grasset), la liaison entre le poète et l’écrivaine et éditrice Jeanne Voilier. Que Patrick Deville, après son succès « Peste & Choléra », nous entraîne dans le Mexique des années 1930 autour de Trotsky et de l’écrivain Malcolm Lowry. Que Christophe Donner se souvient, dans « Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive » (Grasset), de la « folle ambition » qu’eut le cinéma, dans les années 1960-1970, de changer le monde. Que Linda Lê, dans « Œuvres vives » (Christian Bourgois), part sur les traces d’un mystérieux auteur qui vient de se suicider. Ou qu’Éric Reinhardt dépeint, dans « l’Amour et les Forêts » (Gallimard), la rencontre entre le narrateur et une de ses lectrices.
Fresques et récits.
Il est vain bien sûr de faire entrer tous les romanciers dans des catégories. Exemples.
Grand amateur des autres civilisations actuelles et passées et prix Médicis en 2008 pour « Là où les tigres sont chez eux », Jean-Marie Blas de Roblès nous attire, dans « l’Île du Point Némo » (Zulma), dans un périple à travers le monde où se croisent des personnages hauts en couleur.
Prix Renaudot en 2011 pour « Limonov », Emmanuel Carrère offre, avec « le Royaume » (P.O.L.), une fresque historique sur les débuts de la chrétienté et l’œuvre de Paul et Luc. Grandie entre un père croyant et une mère athée, Catherine Cusset, nommée à plusieurs reprises pour des grands prix et Goncourt des lycéens pour « Un brillant avenir », se remémore ses tiraillements dans « Une éducation catholique » (Gallimard).
En marge du roman, Bernard-Henri Lévy réunit dans « Hôtel Europe » (Grasset) deux textes, le monologue en cinq actes d’un écrivain et un essai philosophico-politique, autour de l’Europe, ses valeurs constitutives et son futur.
Plus largement, c’est « Autour du monde » (Minuit) que nous transporte Laurent Mauvignier en 14 histoires très différentes, où le seul lien entre les personnages est le tsunami qui a ravagé le Japon et donné à tous l’illusion de partager le même monde.
Pour sa 22e rentrée littéraire, la très distinguée Amélie Nothomb célèbre dans « Pétronille » (Albin Michel) le champagne et l’amitié entre deux femmes écrivaines : la relève semble assurée ! D’une tout autre facture, « Mécanismes de survie en milieu hostile » (Vertical) est un récit initiatique signé Olivia Rosenthal, prix du Livre Inter en 2011 pour « Que font les rennes après Noël ? » : une jeune femme confrontée à la perte, à l’hostilité du monde extérieur et à son vide intérieur, s’invente des moyens pour survivre.
La médecine en sommeil
Contrairement aux rentrées précédentes, peu de romans, si l’on se réfère à la « bible » de l’édition « Livres Hebdo », ont un rapport avec la médecine. Signalons cependant « Un secret du docteur Freud », d’Éliette Abécassis (Flammarion), qui se situe à Vienne en mars 1938 alors que le maître a réuni, peut-être pour la dernière fois, les adhérents de la Société psychanalytique. Dans « Fleur et sang » (Viviane Hamy), François Vallejo, prix du Livre Inter 2007 pour « Ouest », entrelace les destins de deux médecins, l’un exerçant au XVIIe siècle, l’autre au XXIe, tous les deux très amoureux. Tandis que « Mes obsèques à Pâques », de Julien Dunilac (Slatkine), raconte le calvaire d’une femme atteinte d’un cancer et qui refuse la chimiothérapie, préférant une fin de vie consacrée à sa famille et à ses amis, « Bienheureuse maladie », d’Anne Liu (Desclée de Brouwer), est un récit sur l’accompagnement, jusqu’au dernier souffle, de l’être aimé atteint d’un cancer incurable.
Et l’on découvre avec émotion « Portrait craché » (Cherche Midi), le dernier livre de Jean-Claude Pirotte, mort en mai dernier, journal de la maladie qui le ronge en même temps qu’ode à la littérature.
Victime d’un accident de chasse, un homme est plongé dans le coma ; ce drame est au cœur d’« Un automne en clair-obscur » de Martine Delomme, où l’on voit s’affronter son ex-femme, qui souhaite le débrancher, et sa nouvelle épouse, qui refuse.
Interné en hôpital psychiatrique, le narrateur d’« Entre fous » (Arbre Vengeur) imaginé par Jean-Luc Coudray est confronté aux théories délirantes du psychiatre, d’une infirmière angélique, des autres patients et aux conseils de Satan, qui l’accompagne depuis toujours et qui l’a suivi.
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