NUL NE LE CONTESTE aujourd’hui, le dossier pharmaceutique est un succès. En seulement quelques années, l’outil professionnel a fait les preuves de son efficacité et de sa fiabilité (voir ci-dessous). À tel point que les médecins, qui voient à peine arriver le très attendu dossier médical personnel (DMP), reconnaissent jusqu’à l’envie la réussite du dispositif mis au point par les potards. Pourtant, le DP, déjà à l’aise en ville, doit encore investir l’hôpital pour atteindre une efficacité sans faille dans sa quête aux interactions et autres redondances. Avant d’étendre l’outil professionnel aux établissements de soins une expérimentation a donc été menée pour vérifier la faisabilité d’une telle extension. Entre le 1er octobre 2010 et le 31 janvier 2011, 104 DP ont ainsi été créés dans les pharmacies à usage intérieur (PUI) des cinq établissements hospitaliers participant à cette expérimentation ville-hôpital : le CH d’Hyères, le CHR de Metz-Thionville et les CHU de Nancy, Nice et Nîmes.
Le nombre de refus de création s’est élevé à seulement 11,9 %, contre 24,5 % en officine sur la même période. En revanche, le nombre de premiers refus à l’hôpital (11,1 %), est très proche du nombre total de refus, contrairement à l’officine où les premiers refus concernent 17,5 % des cas.
Pour le conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), ce résultat montre qu’en PUI « les refus enregistrés sont "fermes" » et que « le patient ne change plus d’avis », alors que, en officine, « une proportion importante de patients exprime un premier refus et demande un délai de réflexion avant de se laisser convaincre ensuite d’ouvrir un DP ».
Armelle Develay, pharmacien hospitalier au CHU de Nîmes et membre de la section H de l’Ordre, a mené une enquête qualitative sur les motifs de refus en PIU. Elle a constaté que, dans 63 % des cas, les personnes s’opposant à la création de leur DP étaient des patients VIH +. En mars 2011, par exemple, parmi les patients reçus à la PUI du CHU de Nîmes, 41 disposaient déjà d’un DP, 6 ont accepté sa création, 7 patients ont demandé une période de réflexion et 123 ont refusé la création, dont 112 patients VIH +. « C’est compréhensible, puisqu’ils viennent justement chercher leurs médicaments à l’hôpital pour des raisons de confidentialité », explique Armelle Develay. Ils craignent que le DP ne leur offre pas toutes les garanties de discrétion, ne font pas confiance au système informatique ou évoquent des piratages possibles. Ils ont également peur de subir des discriminations liées à leur pathologie dans leur pharmacie de quartier. « Nous n’avons pas constaté d’autres refus liés à une pathologie particulière », note-t-elle.
Par ailleurs, les autres patients réticents au DP évoquent parfois la crainte d’être affecté à une pharmacie de ville sans pouvoir en changer. L’autre principal motif de non-création du DP est technique : l’absence de carte vitale, lorsque le patient ne vient pas lui-même récupérer ses médicaments et envoie un tiers à sa place, empêche en pratique de créer le dossier.
Malgré ces réticences, l’enquête qualitative montre que les patients ayant accepté d’ouvrir un DP, de leur côté, sont convaincus de son intérêt, certains d’entre eux regrettant d’ailleurs de ne pas en avoir bénéficié plus tôt. Ils sont également rassurés de disposer sur eux du récapitulatif de leurs médicaments. « En février et mars, 12 patients nous ont même demandé une édition papier de leur DP », souligne Armelle Develay.
Un refus d’alimentation 100 fois plus élevé qu’en officine.
L’expérimentation ville-hôpital a également montré que le nombre moyen de médicaments dispensés par alimentation du DP était de 1,5 dans les PUI. Un nombre deux fois moins élevé qu’en officine, où il atteint 3,1 médicaments en moyenne. Pour l’Ordre, ce rapport s’explique par « l’aspect très spécialisé de la dispensation de médicaments de rétrocession réservés pour la plupart à des pathologies lourdes ». Le CNOP observe que l’impact de ces pathologies, « sur lesquelles les patients peuvent souhaiter garder une discrétion particulière », se retrouve aussi dans les refus d’alimentation du DP. En effet, ils atteignent en moyenne 8 % dans les PUI, contre seulement 0,08 % dans les officines (mesure sur quatre mois).
L’Ordre, ne disposant que d’indicateurs quantitatifs, a communiqué cet écart au CISS (collectif interassociatif sur la santé), afin que des associations de patients puissent mener l’enquête sur le DP en officine. L’objectif serait de vérifier si le refus d’alimentation varie en fonction des typologies de patients, ce qui aiderait les pharmaciens à mieux connaître le profil des personnes encore réticentes au DP.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion