CHÈRE (et même précieuse) Madame,
Le récit de votre chute et de l’opération qui s’en est suivie nous a consternés. Nous sommes heureux d’apprendre que vous vous en remettez fort bien et que vous serez bientôt, si ce n’est déjà fait, dans votre maison et parmi vos chiens « qui (vous) manquent ». Nous sommes également contents de savoir que vous avez mis de l’ordre dans vos affaires, que vous vous êtes séparée de cette partie de votre entourage qui n’a jamais vu dans votre grande fortune que la source de son propre enrichissement, soit en vous réclamant de somptueux cadeaux, soit en vous trahissant. Nous n’ignorions pas que vous vous êtes réconciliée avec votre fille et nous en sommes ravis, car sommes en faveur de la paix familiale que vous appelez de vos vœux. Le recrutement par vos soins d’un excellent avocat chargé de veiller à vos affaires nous semble extrêmement judicieux. Nous vous félicitons d’avoir su, grâce à votre remarquable caractère, reprendre le contrôle de votre existence, à l’abri de quelques malandrins qui, sous couvert d’art, de culture ou de science, n’ont jamais cherché qu’à tirer profit de leur apparente obséquiosité.
Il n’empêche que le mélodrame qui vous a opposée à votre fille pendant quelques années à propos d’un intrus (il s’est servi de vous, et à quel prix!, en prétendant vous servir) a brisé quelques carrières, dont celle d’un ancien ministre du Budget, lequel ne s’est jamais remis de vous avoir approchée, bien qu’il n’eût jamais poursuivi, pour sa part, le projet de vous soutirer de l’argent à titre personnel. J’imagine que vous en avez conçu un peu de regret et que, si vous y songez, vous trouverez un moyen quelconque pour alléger sa peine. Et, cette fois, en dehors de toute compromission financière.
Comme, en tant que journaliste, je ne puis me contenter de lire « le Figaro », j’ai appris par « le Canard enchaîné », dont la lecture est souvent distrayante, que, en toute probabilité, vous recevrez cette année encore, comme l’année dernière et peut-être l’année prochaine, une ristourne d’impôts au titre du bouclier fiscal. Selon « le Canard » auquel, comme de coutume, nous laisserons la responsabilité de ce qu’il publie, la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune ne saurait empêcher que le bouclier fiscal, nécessitant de longues formalités, fonctionne encore pour 2010 et 2011. Ce qui vous permettrait, comme pour 2009, de recevoir en 2010 un chèque dont le montant serait identique ou comparable à celui de l’année précédente, soit trente millions d’euros.
Très peu de gens et quoi qu’en dise dans la presse, s’intéressent à la fortune des autres. Ils ne demandent, le plus souvent, sauf les amateurs de grand soir, qu’à mener une vie décente qui leur donne l’essentiel. Très peu de gens, par ailleurs, savent ce qu’est un million d’euros, a fortiori 30 millions. Seuls les experts-comptables de haute volée, comme Dominique Strauss-Kahn, conçoivent un milliard d’euros ou encore sept milliards, ce qui serait, selon les gazettes, le montant de votre fortune personnelle. En tant qu’homme rompu à l’arithmétique, je ne saurais faitre autrement, et pour autant que vous m’y autorisiez, que de souligner le pourcentage dérisoire que 30 millions sont par rapport à 7 milliards (ou même cinq, ou quatre). Trente millions représentent 1 % de 3 milliards. C’est bien entendu une somme déjà inimaginable pour le commun des mortels. C’est néanmoins une bagatelle pour vous.
Immense générosité.
Personne ne mettra en doute votre immense générosité. Si vous avez, à mon avis, dilapidé beaucoup d’argent pour votre plaisir personnel ( vous n’avez comblé François-Marie Banier que parce qu’il vous faisait rire et voir la vie d’une manière moins conservatrice), nous savons que vous avez consacrées des sommes énormes à votre fondation. Nous sommes certains que, confrontée au dénuement d’un concitoyen dans la détresse, vous n’hésiteriez pas à sortir votre carnet de chèques. Et par expérience, qu’il suffit de vous demander pour obtenir. C’est d’ailleurs votre générosité incommensurable, quoique ciblée, qui vous causé quelques cruels déboires.
Je ne suis, chère et riche Madame, ni un moraliste ni un donneur de leçons. Je me bornerai à vous confier mon sentiment profond : vous gagneriez (le mot est adéquat) à renvoyer au fisc les trente millions qu’il va vous faire parvenir. Au nom de quoi, me direz-vous ? Au nom de la paix sociale, qui n’a pas moins d’importance que la paix familiale ; au nom de la détresse d’une bonne fraction du peuple français ; au nom de la justice : non, ferez-vous comprendre à une population qui, depuis l’affaire Banier, vous connait fort bien, je n’ai pas besoin de cet argent ; oui, il est juste que je le rende ; oui, je souhaite qu’il serve à améliorer le sort de ceux à qui le hasard, bien plus que le talent ou le génie, n’a pas offert une chance comparable à la mienne. Après un tel geste, les Français ne vous en aimeraient que davantage, même s’ils risquent de vous rappeler le comportement des milliardaires américains, comme Warren Buffett ou Bill Gates, qui ont décidé de léguer à leur pays la majeure partie de leur fortune. Madame, s’il vous plaît, encore un effort.
Veuillez croire, Madame, à mes hommages les plus respectueux.
› RICHARD LISCIA
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