« Être motivés, déterminés et avoir un petit grain de folie » telles sont les conditions exigées, selon Yvon Cattelet, pour réussir le plus important regroupement d’officines du Lot-et-Garonne.
En effet, avec trois confrères, il a réorganisé l’offre de sa ville de Tonneins. Le déclencheur : une situation économique dégradée par la concentration des officines (6 pour 9 000 habitants), la conjoncture nationale et une démographie médicale en berne : « En douze ans, nous sommes passés de 12 à 4 médecins généralistes, explique François Pellae, autre pharmacien tonneinquais. Ce contexte aurait pu favoriser l’arrivée d’une pharmacie Lafayette, plusieurs d’entre nous ayant été contactés. Or ce n’est pas notre conception du métier ! »
Les pharmaciens décident alors de prendre leur destin en mains, évoquent un regroupement… Une titulaire en fin de carrière refuse et prend sa retraite, un autre pharmacien doit rejoindre une autre officine hors du département. Le quatuor de pharmaciens restants se lance : deux d’entre eux rendent leur licence, tandis que tous ensemble, ils rachètent les deux officines des partants.
Ils créent deux SPFPL qui détiennent les quatre officines de la ville dans lesquelles, tous les quatre sont associés à parts égales (chaque SEL étant détenue à 50,1 % par son titulaire). L’opération exige un montage long et complexe bâti avec l’aide « indispensable » d’un avocat spécialisé.
Interdépendance et égalité
Entre les quatre pharmaciens, et malgré des tailles d’officines différentes, la règle est interdépendance et égalité. Jusque dans leurs rémunérations strictement identiques. Ils ont aussi conservé l’intégralité du personnel des six pharmacies (26 salariés) et élargi leurs horaires d’ouverture pour satisfaire la population.
Les tonneinquais, un peu déboussolés par la fermeture de deux officines et le déménagement de deux autres, ont fini par s’adapter. Quant aux flux de clientèle : « Ils ont été bouleversés et il faudra bien deux ans pour les stabiliser, reconnaît Yvon Cattelet. Mais l’évolution globale des quatre officines suit nos prévisions. »
Au quotidien, les quatre pharmacies ont mis en place une organisation commune : même génériqueur pour que les clients âgés ne soient pas perdus, même système informatique et une communication harmonisée. Pour la substitution, par exemple, ils ont briefé leurs équipes pour donner les mêmes réponses aux questions des patients.
« Cette union nous permet d’être plus éthiques, reconnaît Yannick Jonquet, exercer plus sereinement, nous recentrer sur notre job qui exige une rigueur extrême. Sans compter qu’on réfléchit mieux à quatre que tout seul. »
Harmonisation mais pas uniformité : « Ici, chaque titulaire manage son officine et son équipe comme il l’entend, souligne François Pellae. Cela limite les risques de frictions. »
Ce regroupement a nécessité trois ans de réflexion et fait surgir une multitude d’obstacles : les banques qui n’ont pas toujours compris le projet ou l’ont ignoré, les mutuelles dont les couacs ont occupé bien des jours (et des nuits) des quatre pharmaciens, les bugs informatiques, les travaux, la difficulté à organiser des flux financiers complexes, la lourdeur des impôts et taxes liés aux ventes…
Alignement de planètes
Mais le plus dur est passé. En place depuis octobre, la nouvelle organisation donne satisfaction à nos quatre mousquetaires qui se réunissent une fois par semaine en comité de pilotage : « Nous avons la main sur la barre du navire et un cap commun, indique François Pellae. Certes, nous avons bénéficié d’un heureux alignement de planètes : 2 pharmaciens qui partent, 4 qui acceptent de travailler ensemble avec une éthique identique. Mais notre exemple peut servir à d’autres, car il peut se décliner à 4, 6 ou 8. C’est un schéma idéal pour des villes jusqu’à 10-12 000 habitants. Néanmoins, il serait urgent d’assouplir et simplifier la réglementation ; par exemple, permettre à une holding de détenir plus de 3 SEL. Cela donnerait de l’élan à beaucoup de regroupements. »
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