LA GRANDE loi sur la croissance et le pouvoir d’achat promise par Arnaud Montebourg pourrait ébranler encore un peu plus le monopole de dispensation des pharmaciens. C’est en tout cas ce que craint le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Gilles Bonnefond. Celui-ci assure en effet avoir eu confirmation par des conseillers du ministre de l’Économie que la loi actuellement en préparation « pourrait mettre fin au monopole officinal pour tous les médicaments en accès libre et d’autres qualifiés de produits frontière ».
Du côté de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), on affirme que, à ce jour, « aucune annonce officielle d’une telle décision gouvernementale ne nous est parvenue ». « Nous n’avons pas non plus eu d’alerte des parlementaires », ajoute le vice-président de la FSPF, Philippe Besset. Ce qui n’empêche pas le syndicat d’être particulièrement attentif à l’évolution des discussions. Car, souligne Philippe Besset, les acteurs de la GMS* sont toujours à l’affût de véhicules législatifs leur permettant de faire évoluer la réglementation en matière de vente de spécialités pharmaceutiques. Et la loi sur la croissance et le pouvoir d’achat en est un.
Les monopoles dans le collimateur.
Les mots du ministre l’Économie et du Redressement productif lui-même ont pu laisser penser qu’il souhaitait revoir la législation en la matière. Arnaud Montebourg n’a en effet pas caché sa volonté de « réformer les mécanismes profonds de l’économie », tout en pointant « des phénomènes de rentes, de monopoles ». Si l’on ignore encore à peu près tout de cette loi pour la croissance et le pouvoir d’achat, actuellement en cours d’arbitrage, il est à peu près certain qu’elle comprendra un volet sur les professions réglementées.
Dans son « programme national de réforme » transmis à Bruxelles, le gouvernement s’est d’ailleurs engagé à faire évoluer la législation dans ce domaine. Et quand Bercy parle de professions réglementées et de rentes de situation, les notaires, les taxis et les pharmaciens sont généralement dans le viseur. L’objectif serait d’agir sur les tarifs et les prix proposés par ces professions pour redonner du pouvoir d’achat aux Français. L’idée n’est pas très originale et se situe dans la lignée de la proposition du rapport Attali de limiter le monopole des pharmaciens aux seuls médicaments sur ordonnance. Elle n’est pas non plus sans rappeler la récente autorisation de vente hors des pharmacies des tests de grossesse prévue par la loi « Consommation » défendue par l’ex-ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire, Benoît Hamon. Pour lui, cela représentait un moyen de faire baisser considérablement les tarifs de ces tests. « Nous voulons agir dans tous les domaines où nous considérons qu’il existe une forme de rente économique », déclarait-il à l’époque.
Pourtant, l’intérêt est loin d’être démontré. Si l’on prend les médicaments OTC, le niveau de leur prix en France est inférieur de 50 % à l’Allemagne, de 40 % à l’Italie et de 20 % à l’Espagne**, comme le souligne Gilles Bonnefond.
Vigilance syndicale.
Alors, la prochaine loi sur la croissance et le pouvoir d’achat donnera-t-elle aux médicaments le feu vert pour partir vers les rayons des supermarchés ? Pas si sûr car, jusqu’à présent, le gouvernement a toujours écarté cette idée. Benoît Hamon lui-même s’est prononcé contre une quelconque remise en cause du monopole de vente sur les médicaments, le conseil du pharmacien lui paraissant essentiel. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, défend elle aussi régulièrement ce monopole accordé aux officinaux. Non seulement pour les conseils apportés par ces professionnels de santé, mais aussi pour des raisons de maintien du maillage officinal. Marisol Touraine craint en effet que si l’on autorisait une vente hors du réseau, il y a fort à parier que des pharmacies mettraient la clé sous la porte dans certains territoires. Et aux déserts médicaux s’ajouteraient des déserts pharmaceutiques. Dans ces conditions, pas sûr que les Français y gagnent.
Quoi qu’il en soit, la profession sera vite fixée, car Arnaud Montebourg doit dévoiler les grandes lignes de son projet de loi dans quelques jours, autour du 10 juillet. L’examen du texte au Parlement est, quant à lui, prévu pour la rentrée de septembre. « La "santé" doit être extraite de ce texte, insiste Gilles Bonnefond. Dans le cas contraire, l’ensemble de la profession - titulaires, salariés, étudiants - doit se mobiliser dès le mois de septembre. » « Si nous ne sommes pas capables de nous rassembler contre ce projet, la porte sera ouverte à d’autres attaques contre l’officine », poursuit le président de l’USPO. Pour sa part, la FSPF a demandé à être reçue dans les jours qui viennent au ministère de la Santé, mais aussi au ministère de l’Économie. Pas réellement d’inquiétude, mais « une vigilance extrême », conclut Philippe Besset.
**D’après le 2e observatoire européen sur l’automédication en 2013.
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