LE NOMBRE d’officines en Allemagne est passé pour la première fois depuis plus de dix ans sous la barre des 21 000 (20 921 au 31 décembre 2012). Record absolu, 501 pharmacies ont fermé leurs portes l’an dernier, et 184 ont été créées. La baisse nette est donc de 317 officines, ce qui signifie que 6 pharmacies ferment chaque semaine en Allemagne. La profession s’attend à une poursuite de ce repli, avec un enfoncement de la barre des 20 000 pharmacies d’ici à 2015. À cette diminution du nombre d’officines s’ajouteront bientôt les problèmes de démographie des pharmaciens, dont beaucoup atteignent l’âge de la retraite.
La situation économique de la profession a connu une nouvelle dégradation avec un résultat encore en baisse : 105 000 euros en 2012, soit 9 000 de moins que l’année précédente, pour un chiffre d’affaires moyen net de 1,81 million, soit 1,5 million hors TVA. On observe par ailleurs un phénomène de concentration, avec une baisse du nombre de très petites officines (CA inférieurs à 1,2 million), et une augmentation de celui des très grosses pharmacies, avec, au sommet, 200 officines réalisant un CA supérieur à 5 millions. Pour protéger leurs revenus, les pharmaciens ont tendance à réduire leurs investissements et leurs dépenses de personnel.
Présentés lors du traditionnel Congrès économique des pharmaciens, qui se tient tous les ans au printemps, ces chiffres sont encore plus parlants quand on les compare à ceux d’il y a dix ans : entre 2003 et 2013, la rentabilité des officines a baissé de 30 %, et le résultat avant impôt de 15 %. Pendant ce temps, les recettes de la Sécurité sociale ont progressé de 35 %, contre 2,4 % pour celles des pharmaciens, qui rappellent qu’ils ont été particulièrement mis à contribution par plusieurs plans de rigueur, surtout depuis 2009. À lui seul, le plan d’économies lancé en 2010 leur a coûté 3,5 milliards. L’assurance-maladie, quant à elle, peut désormais se prévaloir d’une santé insolente. Après un excédent de 20 milliards en 2011, elle a affiché, fin 2012, un excédent record de 28,3 milliards. « Il est grand temps que les caisses de maladie arrêtent de se prendre pour des caisses d’épargne, tonne le président du syndicat des pharmaciens (DAV), Fritz Becker, qui négocie actuellement avec elles une diminution du « rabais par boîtes » que les pharmaciens doivent consentir aux assurés sociaux sur les prescriptions : passé à 2,05 euros par boîte en 2010, il pourrait retomber bientôt à 1,75 euro, en raison justement de l’équilibre retrouvé des caisses.
Vers une rémunération individualisée.
Toutefois, les pharmaciens voient dans quelques développements récents des raisons d’espérer une prochaine « sortie du tunnel ». C’est tout d’abord l’augmentation de leur honoraire de délivrance, passé de 8,10 euros à 8,35 euros par boîte prescrite le 1er janvier, qui leur donne une légère bouffée d’oxygène, même si cette augmentation, la première depuis l’introduction des honoraires, en 2004, est tout à fait insuffisante pour compenser l’augmentation de leurs charges et de leurs missions. Parallèlement, les pharmaciens ont obtenu une revalorisation de leurs honoraires de gardes de week-end et de nuit, revalorisation qui sera variable en fonction de la localisation des pharmacies. Les petites officines rurales, qui effectuent souvent des gardes, seront donc mieux rémunérées pour cela que les grandes pharmacies urbaines.
Pour l’association des pharmaciens allemands (ABDA), il s’agit là d’un premier pas vers une rémunération « individualisée » des pharmaciens, reposant sur la prestation et non plus seulement sur la vente. Cette évolution est d’autant plus importante, selon l’ABDA, que si les pharmaciens allemands cherchent eux aussi à s’investir dans des nouvelles missions, ils n’ont jamais pu obtenir qu’elles leur soient rémunérées. « Nous avons, par exemple, mis en place un modèle de délivrance et de suivi des prescriptions avec les médecins, mais aucun financement n’est prévu dans ce domaine », regrette un porte-parole de l’association. Résultat, le modèle ABDA/médecins fonctionne expérimentalement dans deux régions, mais sur la base du volontariat. « Pour toutes ces raisons, nous suivons avec grand intérêt les expériences françaises et suisses de suivi des patients à l’officine, même si nous ne sommes pas certains qu’elles permettent vraiment aux pharmaciens concernés d’améliorer sensiblement leurs revenus », observe l’ABDA.
Par ailleurs, les pharmaciens trouvent un vrai réconfort dans plusieurs décisions de justice récentes, qui ont considérablement limité les possibilités d’expansion des pharmacies virtuelles (voir notre article ci-dessous) et des pharmacies low cost. Plusieurs tribunaux ont rappelé que la vente de médicaments, prescriptibles ou non, devait se faire avec les mêmes règles commerciales et techniques dans les pharmacies et en ligne. Un certain nombre de pharmacies low cost, rattachées en général à des enseignes, ont été sommées de revoir leur aménagement, notamment en ce qui concerne leurs parties techniques, au nom du principe selon lequel toute pharmacie doit pouvoir effectuer toutes les prestations prévues par le métier de pharmacien, et pas seulement de la vente pure.
Les pharmacies virtuelles ne font pas recette.
Mais c’est surtout du côté des pharmacies virtuelles que ces rappels à la réglementation ont eu des effets sensibles. Ces dernières, qui se sont certes approprié environ 10 % du marché des OTC, ont mis en place des systèmes de ristourne sur les prescriptions pour leurs clients. Ces ristournes ayant été déclarées illégales, contrairement à celles sur les OTC, les pharmacies virtuelles ont, à la place, offert des « bonis » et des cadeaux divers à leurs clients. Mais tous ces systèmes ont été eux aussi condamnés par les tribunaux, y compris d’ailleurs les rabais offerts par certaines officines low cost. Le respect du principe selon lequel « le médicament prescriptible se vend partout au même prix » fait perdre aux pharmacies virtuelles une grande part de leur intérêt, puisque leur principal avantage réside dans le prix de leurs produits. Alors qu’elles n’ont jamais réussi à atteindre 2 % du marché des prescriptions, elles n’en n’occupent plus actuellement que 1,2 %, et la baisse des ventes s’accélère ces derniers mois.
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