AU COURS de leur traditionnel congrès annuel qui vient de se tenir à Düsseldorf, les pharmaciens allemands et leur association statutaire, l’ABDA (voir encadré), ont planché sur l’avenir de la profession à l’horizon 2030. Le président de l’ABDA, Friedemann Schmidt, plaide pour une promotion du rôle de « spécialiste du médicament », avec la mise en place d’un suivi rémunéré des prescriptions et des patients, mais une partie de la profession reste sceptique sur le développement de ces nouvelles missions, déjà maintes fois annoncées, parfois concrétisées expérimentalement, mais jamais rémunérées. Les opposants à l’ABDA préfèrent voir dans le pharmacien du futur un pivot du système de santé aux missions élargies, y compris en matière de bien-être et de qualité de vie. « Faire des supermarchés de la santé serait suicidaire », estime l’ABDA, même si elle doit compter avec une opposition croissante au sein de ses rangs. En attendant, elle se donne un an pour définir un « projet professionnel d’avenir », qui sera soumis à tous les pharmaciens lors de son prochain congrès, en septembre 2014 à Munich. Elle entend aussi lancer une vaste campagne pour attirer les jeunes vers les professions pharmaceutiques, l’âge moyen des pharmaciens, notamment officinaux, faisant craindre de sérieux problèmes de renouvellement pour les années à venir.
70 résolutions.
Si les divergences sur l’avenir sont flagrantes, encore aggravées il est vrai par une situation économique préoccupante, les pharmaciens sont plus consensuels lorsqu’il s’agit de leur exercice quotidien. Le congrès, qui réunit des représentants élus de toutes les branches de la profession, a ainsi adopté plus de 70 résolutions relatives à l’exercice professionnel et à l’avenir immédiat des pharmaciens. Les pharmaciens ont notamment réclamé le droit de délivrer la « pilule du lendemain » sans ordonnance, comme c’est déjà le cas dans plus de 80 pays à travers le monde. Ils déposeront bientôt une demande officielle dans ce sens aux autorités sanitaires. Ils ont en revanche décidé, après un long débat, de ne pas demander, comme le souhaitaient certains délégués, l’autorisation de délivrer sans ordonnance, en cas d’urgence, des médicaments normalement soumis à prescription. Une telle mesure, selon l’ABDA, conforte certes le rôle des pharmaciens, mais « rallumerait la guerre avec les médecins », qui pourraient alors se mobiliser pour réclamer en contrepartie un droit de dispensation. De plus, cette disposition poserait des problèmes juridiques complexes, ont-ils estimé.
Les pharmaciens ont souhaité aussi être mieux associés au développement des diagnostics génétiques et de la médecine prédictive, en participant notamment à l’information des patients avant et après les tests, jusque-là exclusivement du domaine médical. Enfin, ils rappellent que leurs officines doivent répondre depuis cette année à de nouvelles obligations administratives en matière d’accessibilité pour les personnes handicapées, mais aussi d’environnement et de destruction des déchets, mais qu’aucune mesure financière n’est venue compenser les dépenses supplémentaires engendrées par ces nouvelles règles.
Concurrence tous azimuts.
Bien que le congrès annuel ne s’occupe pas directement d’économie, celle-ci étant d’abord du ressort des syndicats, ces questions ont occupé tous les esprits, alors même que les ventes et les revenus continuent de diminuer. Au cours d’un atelier sur l’avenir du générique, pharmaciens et industriels ont estimé que la politique d’économie des caisses « va trop loin » et menace à terme la viabilité du système. Beaucoup plus développé qu’en France, le générique permet aux caisses d’économiser 13 milliards d’euros par an, mais le système des « rabais » et des appels d’offres, poussé à l’extrême, commence à trouver ses limites. Les deux tiers des génériques sont soumis à ces appels d’offres lancés par les caisses, qui entraînent donc une concurrence effrénée entre les laboratoires, qui baissent encore leurs prix pour être sélectionnés. Mais si l’on continue à ce rythme, estiment les producteurs, il n’y aura bientôt plus aucune innovation dans le secteur et de nombreuses sociétés disparaîtront, ce qui entraînera des concentrations pouvant être synonyme de hausse des prix et de baisse de qualité. Selon eux, les caisses sont en train de « tuer la poule aux œufs d’or » avec leur politique de concurrence tous azimuts. D’autre part, toujours en raison des baisses de prix, les pharmaciens, qui ont depuis quelques années l’obligation d’acheter environ 5 % de leurs médicaments chez les importateurs parallèles, souhaitent être libérés de cette mesure, « qui ne se justifie plus économiquement ».
Le salon Expopharm, qui se tenait parallèlement au Congrès, a été à l’image des tensions qui traversent la profession : si certains exposants misent toujours sur la promotion de la qualité et du service, d’autres jouent à fond la carte du low cost exacerbé, avec des pharmacies « clé en main » qui n’ont plus rien à envier aux sympathiques rayonnages des supermarchés Aldi… Ces « pharmacies secondaires » divisent la profession, mais rencontrent un certain succès dans les grandes villes, où elles constituent souvent des filiales d’officines plus traditionnelles.
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