PAR DIDIER RODDE, PHARMACOLOGUE
Les principaux médicaments
On distingue classiquement entre les médicaments de palier I (douleurs faibles à modérées), comme le paracétamol, l'aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibuprofène - Nurofen - Advil, kétoprofène - Profénid - Toprec, diclofénac - Voltarène…), ceux de palier II (douleurs modérées à intenses) représentés par les opioïdes faibles (codéine, tramadol - Topalgic et Contramal, buprénorphine - Temgésic), associés au besoin avec des produits du palier I ou des corticoïdes en cure courte et les antalgiques de palier III (douleurs intenses à très intenses) correspondant aux morphiniques forts (morphine - Skénan ; fentanyl - Durogésic et Actiq, oxycodone - Oxycontin, hydromorphone - Sophidone LP), susceptibles d'être également associés aux produits du palier I, surtout les AINS, aux corticoïdes, voire aux antidépresseurs.
Signalons aussi des associations intéressantes entre un antalgique de palier 1 (le plus souvent le paracétamol) et un antalgique de palier 2 paracétamol + codéine - Efferalgan Codéine et Dafalgan Codéine, (paracétamol + codéine + caféine - Prontalgine, paracétamol + tramadol dans Zaldiar et Ixprim, paracétamol - dextropropoxyphène - Diantalvic) qui permettent de diminuer les posologies à efficacité similaire et donc de réduire les effets indésirables. Auxquelles s'ajoutent des médicaments, variés, utilisés dans les douleurs neuropathiques : duloxétine - Cymbalta, prégabaline - Lyrica…
Mécanismes d'action
- Le mécanisme d'action de l'aspirine est double, incluant une activité anti-inflammatoire par inhibition irréversible de la cyclo-oxygénase (radical acétyl) et une composante centrale (radical salicylate).
- Le paracétamol agit à la fois au niveau périphérique et au niveau central, non seulement via
une inhibition des cyclo-oxygénases, mais en impliquant aussi les systèmes cannabinoïde et sérotoninergique, voire peut-être également opioïde selon des travaux récents.
- Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont tous une action analgésique à faible dose, leur activité anti-inflammatoire n'apparaissant qu'à dose élevée. On distingue entre les AINS « classiques », c’est-à-dire non sélectifs et les AINS inhibant sélectivement la cyclo-oxygénase de type 2, dont la tolérance gastrique est meilleure.
- L'effet antalgique de la codéine est dû à sa conversion en morphine (10 % environ) par déacétylation métabolique au niveau du foie. La codéine n'est antalgique que chez environ 90 % des patients, les 10 % restant étant génétiquement dépourvus de l'enzyme nécessaire.
- Le tramadol bloque les récepteurs morphiniques mu, inhibe la libération de la substance P,
ainsi que la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, deux neurotransmetteurs impliqués dans l'inhibition descendante de la douleur.
- Le dextropropoxyphène a un mode d'action de type morphinique.
- La morphine (métabolite actif de plusieurs substances : codéine, codéthyline, pholcodine…) et les opioïdes forts, comme le fentanyl, stimulent divers récepteurs aux endorphines selon des profils sensiblement différents d'un produit à l'autre : mu (analgésie et dépression respiratoire), kappa (analgésie, sédation, dépression respiratoire modérée), sigma, êta et delta.
- La buprénorphine se comporte comme un agoniste partiel des récepteurs mu, ce qui explique la limitation de son activité antalgique du fait d'un « effet plateau ».
- L'hydromorphone est un agoniste sélectif des récepteurs opioïdes mu.
- Parmi les médicaments utilisés dans les douleurs neuropathiques, la doluxétine est un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, tandis que la prégabaline se fixe sur certains canaux calciques voltage-dépendant au sein du système nerveux central.
Dans quelles situations cliniques
Les phénomènes douloureux peuvent avoir, comme l'on sait, de multiples causes. Une distinction fondamentale doit être réalisée entre les douleurs aiguës et les douleurs chroniques, pas toujours aisée en pratique, car leur prise en charge est très différente.
Il faut avoir présent à l'esprit que le délai d'action maximale des produits utilisés dans les douleurs neuropathiques peut se chiffrer en semaines ; leur efficacité doit être régulièrement réévaluée.
Deux règles sont impératives : adapter la puissance du traitement à l'intensité de la douleur
et n'associer que des produits de mécanismes d'action différents. On peut y ajouter la nécessité de surveiller avec attention l'évolution de l'état physiologique du patient chronique, notamment en ce qui concerne sa fonction rénale.
Posologies recommandées chez l'adulte et plans de prise
Rappel : pour les douleurs nociceptives, il est essentiel de respecter un rythme d'administration régulier du ou des antalgiques et d'éviter d'attendre le retour de la douleur pour procéder à une nouvelle administration.
- Aspirine : 1 g par prise, maximum 4 g/24 heures Après ingestion, un taux plasmatique efficace est atteint en environ 30 minutes et l'activité se prolonge en moyenne 4 heures.
- Buprénorphine : 0,2 à 0,4 mg, sous la langue, toutes les 8 heures. Il existerait un « effet plafond » aux alentours de 1,2 mg/24 heures, soit l'équivalent de 60 mg/24 heures de morphine par voie orale.
- Codéine : 30 à 120 mg/24 heures chez l'adulte, en 3 prises. En élevant les doses de codéine, on finit par atteindre un seuil à partir duquel seuls augmentent les effets indésirables, l'effet analgésique ne progressant plus.
- Doluxétine : 60 mg par jour en une seule prise au cours ou en dehors d'un repas, posologie pouvant être portée à 120 mg par jour
- Fentanyl : la forme « patch » (dosages : 25, 50, 75 et 100 microgrammes/heure) permet d'assurer des taux plasmatiques très constants dès la 12e heure suivant la mise en place. En cas de « pic douloureux », association possible avec le paracétamol ou la morphine orale à action rapide (Sevredol, Actiskenan). Une présentation en comprimés pour administration transmuqueuse (Actiq) par voie intrabuccale est une réponse intéressante aux accès douloureux paroxystiques des cancers avec un délai d'action de l'ordre de 15 minutes : 200 à 1 600 microgrammes, voire plus.
- Hydromorphone : par voie orale, le rapport entre la puissance analgésique de l'hydromorphone et de la morphine est d'environ 7,5.
- Ibuprofène : 1 200 mg par jour, en respectant un délai d'au moins 6 heures entre les prises.
- Morphine : la posologie varie en fonction de la voie d'administration (orale, sous-cutanée, intraveineuse), de la réceptivité du patient et de l'intensité de la douleur. Le passage d'une voie d'administration à l'autre est facilité par l'établissement d'équivalences : 1 mg de morphine IV = 2 mg de morphine par voie sous-cutanée = 3 mg de morphine per os.
La posologie de départ par voie orale peut être, par exemple, de 30 mg 2 fois par jour ou 10 mg 4 fois par jour ; posologie qui sera réévaluée toutes les 48 heures jusqu'à l'obtention de l'antalgie désirée.
- Paracétamol : 1 g par prise et 3 à 4 g/24 heures au maximum, ; en respectant un intervalle de prises d'au moins 4 heures.
- Prégabaline : la posologie initiale recommandée est de 150 mg, pouvant être augmentée jusqu'à 600 mg par jour, en respectant des paliers de 3 à 7 jours, en 2 ou 3 prises, au cours ou en dehors des repas
- Tramadol : maximum 400 mg par jour en fragmentant les prises toutes les 4 à 6 heures.
La posologie de l'association paracétamol 375 mg - tramadol 37,5 mg (Zaldiar, Ixprim) est de 8 comprimés par jour au maximum, en espaçant les prises d'au moins 6 heures.
Rappelons la mise sur le marché en 2008 de deux nouveaux antimigraineux, des antalgiques spécifiques, agonistes sélectifs des récepteurs 5-HT1, le frovatriptan - Isimig (2,5 mg au début de la crise) et du rizatriptan - Maxalt (5 à 10 mg au début de la crise).
Quelques cas particuliers
- Grossesse et allaitement
Le seul produit pouvant être utilisé sans risque durant toute la grossesse est le paracétamol.
L'ibuprofène est contre-indiqué chez la femme enceinte à partir du début du 6e mois.
- Insuffisance rénale et hépatique
La posologie de la plupart de ces produits (notamment les morphiniques) doit être adaptée en fonction d'une éventuelle insuffisance rénale.
La prudence doit être de mise chez l'insuffisant hépatique.
Vigilance requise
- Contre-indications absolues, en dehors de la grossesse et de l'allaitement.
Le paracétamol est déconseillé chez les personnes dont le fonctionnement du foie est gravement altéré, raison d'un risque d'hépatite grave.
L'ibuprofène ne doit pas être utilisé en cas d'ulcère (ou d'antécédents) gastroduodénaux.
Les opiacés sont contre-indiqués dans les insuffisances respiratoires ou hépatiques sévères.
- Effets indésirables
Les morphiniques/opioïdes exposent tous peu ou prou aux mêmes effets indésirables, dose-dépendants mais pouvant également varier en fonction de l'ancienneté du traitement : euphorie, sédation, somnolence, dépression respiratoire (d'autant plus dangereuse que son installation est plus rapide), hallucinations (surtout chez les sujets âgés), constipation, nausées, vomissements, prurit. Certains régressent avec le temps, mais pas la constipation par exemple.
L'intensité des effets indésirables du tramadol est très variable d'un patient à l'autre et ceux-ci tendent à s'amenuiser avec la poursuite du traitement.
La duloxétine expose à un risque de nausées, somnolence, sensations vertigineuses, constipation, bouche sèche, et la prégabaline surtout à une somnolence et à des étourdissements.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ainsi que l'aspirine exposent à un risque de brûlures gastriques et d'hémorragies digestives. Attention aussi à leurs possibles effets rénaux.
- Les interactions médicamenteuses
Les effets sédatifs des morphiniques peuvent être majorés par d'autres médicaments déprimant l'activité du système nerveux central, comme les neuroleptiques, benzodiazépines et autres anxiolytiques, antidépresseurs sédatifs, hypnotiques, antihistaminiques H1, antihypertenseurs centraux, l'alcool… Leur activité est pharmacologiquement entravée (blocage compétitif des récepteurs) par l'association à un agoniste - antagoniste, comme la buprénorphine (ne pas oublier l'éventualité d'un traitement de substitution aux opiacés par buprénophine haut dosage).
Le dextropropoxyphène est un inhibiteur du cytochrome P450. Son association à la carbamazépine (Tégrétol) expose de ce fait à une augmentation brutale du taux plasmatique de cet antiépileptique ; il en est de même des antidépresseurs tricycliques. Attention aussi au risque d'hypoglycémie chez les sujets âgés.
Prudence aussi avec la duloxétine qui est métabolisée par les cytochromes CYP2D6 et CYP1A2, qui explique la contre-indication d'une association avec la fluvoxamine et les quinolones (inhibiteurs du CYP1A2).
Autres prescriptions pour le même type d'indication
Les antalgiques en tant que tels et les produits utilisés dans les douleurs neuropathiques ne résument pas toutes les approches de lutte contre la douleur, peu s'en faut. C'est ainsi que les anti-inflammatoires corticoïdes, les analgésiques locaux, voire les traitements anticancéreux, par exemple, ont ou peuvent avoir une activité contre la douleur. Il faut y ajouter des approches non pharmacologiques, comme l'électrostimulation.
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