C’est une consœur, Lydie Salvayre (66 ans), qui a reçu le plus prestigieux des prix littéraires, le Goncourt, pour « Pas pleurer » (Seuil).
Fille de Républicains espagnols en exil, qui a appris le français sur le tard, elle obtient une licence de Lettres modernes avant de se tourner vers la médecine et de se spécialiser en psychiatrie. Elle commence à écrire tout en continuant d’exercer, dans une clinique près d’Aix-en-Provence puis dans un CMPP d’Argenteuil, et obtient en 1990 le prix Hermès du premier roman avec « la Déclaration ». Une vingtaine d’autres textes vont suivre, plusieurs adaptés au théâtre, parmi lesquels « la Compagnie des spectres », couronné en 1997 du prix Novembre.
Dans « Pas pleurer », Lydie Salvayre évoque à la fois la guerre d’Espagne, l’engagement de l’écrivain Georges Bernanos dans le conflit et la place de sa mère dans cette guerre civile. C’est cette dernière, alors nonagénaire, qui raconte, dans un mélange franco-espagnol déroutant, l’été 1936. Montse avait 15 ans, elle aimait rire et, dans son village catalan, rêvait d’amour ; elle l’a d’ailleurs rencontré lorsqu’elle a suivi son grand frère Josep, « un rouge », à Barcelone ; il avait les traits d’un Français, mais qui n’était que de passage. Alors que l’adolescente découvre la vie, l’auteur de « Sous le soleil de Satan », en séjour à Palma de Majorque, assiste au « massacre des misérables » perpétré par l’armée franquiste avec la bénédiction de l’Église. La romancière raconte le « dégoût innommable » qui a conduit Bernanos, catholique et monarchiste, à écrire « les Grands Cimetières sous la lune » et à soutenir le Frente popular. Pour Montse comme pour les Républicains, l’été 36 finira dans la mort et l’exil. Les voix entrelacées de la jeune fille et de l’écrivain, soutenues par les bruissements du village tout aussi partagé, témoignent d’une page d’histoire et familiale émouvante.
Des drames du siècle passé
Yanick Lahens (61 ans), qui a obtenu le prix Femina pour « Bain de lune » (Sabine Wespieser), a fait ses études secondaires et supérieures en France avant de retourner à Port-au-Prince, où elle est née. Très engagée dans le développement social et culturel de son pays, elle est une grande figure de la littérature haïtienne, auteure notamment de « la Couleur de l’aube », plusieurs fois couronné en 2008. « Bain de lune » est une saga familiale qui se déroule dans la bourgade imaginaire d’Anse Bleue et court sur plusieurs générations depuis les années 1920. Des mots créoles ponctuent le texte, l’histoire de deux familles qui se détestent, jusqu’au moment où Tertulien Mésidor tombe amoureux d’Olmène Dorival, petite-fille d’un Lafleur. Une histoire universelle, qui permet à l’auteure, en remontant l’arbre généalogique d’une jeune fille échouée sur la grève, de nous faire découvrir le substrat de son île, la tragédie d’un village pris entre ses traditions, ses croyances et les bouleversements politiques du pays.
Écrit « sous l’aile de Blaise Cendrars », « Constellation » (Stock), grand prix du roman de l’Académie française, est le premier livre d’Adrien Bosc (28 ans), un journaliste passionné de sport. Le roman a pour sujet le crash d’un avion le 27 octobre 1949, sur une montagne de l’archipel des Açores. Le boxeur Marcel Cerdan, amant d’Edith Piaf, et la violoniste prodige Ginette Neveu étaient parmi les 48 victimes ; mais qui étaient les autres ? L’auteur nous les fait découvrir à l’issue d’un travail d’archiviste minutieux, mêlé à beaucoup d’empathie, dans une sorte de rêverie biographique découpée en autant de mini-romans qu’il y a de victimes, entre faits et poésie.
Alors qu’il était favori pour le Goncourt, David Foenkinos (40 ans) a finalement remporté le prix Renaudot avec « Charlotte » (Gallimard), qui retrace le destin tragique de Charlotte Salomon, une artiste peintre née dans une famille juive allemande aisée – son père était chirurgien – mais dont l’enfance a été marquée par une série de deuils, dont le suicide de sa mère, masqué en grippe foudroyante. Exilée dans le Sud de la France, elle a été dénoncée, arrêtée et envoyée à Auschwitz via Drancy, où elle meurt le lendemain de son arrivée, alors qu’elle est enceinte. Tranchant sur ses précédents romans empreints de légèreté et d’humour – du « Potentiel érotique de ma femme » en 2004 à « la Délicatesse » en 2009 –, David Foenkinos s’est livré à une reconstitution obstinée pour brosser le portrait de son héroïne, faisant corps à tel point avec l’histoire qu’il se glisse dans le récit, expliquant comment et pourquoi il l’écrit.
« Terminus radieux » (Seuil), le 20e ouvrage qu’Antoine Volodine (64 ans) signe sous ce nom (il publie aussi sous trois autres pseudonymes), a reçu le prix Médicis au premier tour. Une consécration pour cet auteur prolifique, prix du Livre Inter 2000 pour « Des anges mineurs », chantre du « post-exotisme », terme qu’il a inventé pour définir une littérature qui se réclame à la fois du réalisme magique, de l’onirisme et de la politique. Dans ce récit de fin du monde sous forme de gros pavé irracontable, il nous entraîne dans une Sibérie dévastée par les catastrophes nucléaires et les guerres. De rares survivants de l’utopie socialiste errent dans cet univers en ruine, dont on ne sait pas s’ils sont des mutants ou même encore des vivants. De l’art d’écrire le cauchemar.
D’Israël et d’Australie
La littérature étrangère n’est pas en reste. Zeruya Shalev (55 ans), qui vit à Jérusalem où elle est éditrice, est la première Israélienne à être récompensée par le Femina, pour « Ce qui reste de nos vies » (Gallimard). Écrivain incontournable en son pays, qui parle « souvent de la guerre des sexes, mais pas de la guerre des peuples », elle met en scène ici une vieille femme en fin de vie, tourmentée par ses souvenirs d’un père trop exigeant, d’un mariage sans amour, d’un fils trop aimé et d’une fille mal-aimée, qui sont confrontés tous les deux aujourd’hui aux mêmes erreurs et difficultés.
Le Médicis étranger est revenu à l’Australienne Lily Brett (67 ans) pour son roman très autobiographique « Lola Bensky » (la Grande Ourse), son premier livre à être traduit en français. L’histoire à la fois tragique et drôle, d’une jeune journaliste de rock qui ne connaît pas grand-chose à cette musique, un peu trop enrobée et un peu trop naïve, fille de deux survivants d’Auschwitz, élevée en Australie avant de partir pour Londres puis New York.
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