DEPUIS de long mois, la profession tire le signal. Aujourd’hui, son cri d’alarme semble enfin avoir un écho. Du côté du ministère de la Santé, d’abord, qui vient de lancer une enquête IGAS* sur l’économie des pharmacies et qui a engagé une série de rendez-vous avec les syndicats d’officinaux (« le Quotidien » du 7 mars 2011). Mais aussi du côté des patients, comme le montre un récent sondage ViaVoice pour le groupe Pasteur Mutualité**. En effet, face à la disparition croissante des pharmacies, près d’un Français sur deux se déclare « inquiets », voire « très inquiets » (17 %), pour l’accès aux produits de santé. La proportion « d’inquiets » monte même jusqu’à 57 % chez les ouvriers, 56 % chez les employés et 55 % parmi les femmes et les personnes âgées de 50 à 64 ans. Près d’une personne interrogée sur deux (47 %) estime que, au-delà des difficultés d’approvisionnement en médicament, la fermeture de pharmacies peut également avoir des conséquences sur l’activité et l’attractivité économique des centres-villes.
Cette fermeture des officines angoisse davantage les populations rurales, déjà confrontée à la disparition de nombreux commerces et services publics. Ainsi, constate le groupe Pasteur Mutualité, 55 % des habitants des communes rurales (moins de 2 000 habitants) ou des régions du Nord et de l’Est (59 %) craignent pour l’accès aux produits de santé, contre 37 % en agglomération parisienne. La dégradation économique des officines ne préoccupe donc plus seulement les professionnels concernés, mais aussi de nombreux Français très attachés à la pharmacie de proximité. Un sujet qui pourrait bien s’inviter dans la campagne pour les élections cantonales qui viennent de commencer. D’autant qu’une large majorité de pharmaciens semblent désigner le gouvernement comme responsable de la mauvaise passe que traverse l’officine (voir encadré).
Une explosion des défaillances.
L’enquête de l’IGAS récemment mise en place pour trouver des solutions ne suffira pas à calmer les esprits. Car, pendant ce temps, les officines s’enfoncent chaque jour un peu plus dans le rouge. Le phénomène n’a pas échappé à l’agence de notation financière Coface qui, dans son dernier rapport publié en janvier, pointe une nouvelle fois la mauvaise santé du secteur. L’an passé déjà, la Coface notait que « la pharmacie dans son ensemble et la pharmacie d’officine en particulier font face à une explosion des défaillances depuis 2008 ». En deux ans, plus de 200 officines ont baissé définitivement leur rideau. L’année 2010 est une nouvelle fois marquée par une tendance à la baisse. Le chiffre d’affaires global diminue de 0,3 % par rapport à 2009, tandis que la marge stagne. Toutefois, remarque Philippe Besset, président de la commission économie de l’officine de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), celle-ci « reste inférieure à celle de 2005, alors que, dans le même temps, les charges augmentent ». Un effet ciseau dévastateur. La raison est parfaitement connue : l’inadéquation du modèle actuel de la marge dégressive lissée (MDL) avec l’évolution du marché du médicament remboursable. Sous l’effet notamment des différents plans de maîtrise des dépenses de santé mis en place depuis 2005, les volumes et les prix ne cessent de baisser. Or, justement, la marge négociée en 1999 visait à moduler les hausses de prix et de volumes. Phénomène aggravant, le recul des autres secteurs d’activité de l’officine, en particulier celui de la médication officinale (-4,5 % en 2010). La faute à la crise et à la perte de pouvoir d’achat des Français.
Remise à plat.
Le mal est donc parfaitement identifié. Le remède, en revanche, peine à être élaboré. Il y a un an, Roselyne Bachelot demandait la mise en place d’un groupe de travail afin « d’y voir clair sur l’évolution des marges des pharmacies ». L’ancienne ministre de la Santé jugeait notamment nécessaire d’adapter le modèle économique de l’officine à un marché du médicament structurellement moins dynamique qu’auparavant et promettait que des mesures concrètes figureraient dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2011. Qu’en est-il résulté ? Finalement rien, si ce n’est une proposition d’augmenter de 3 centimes d’euros le forfait à la boîte, le tout financé par de nouveaux TFR.
Aujourd’hui, tout semble remis à plat, avec l’arrivée de Xavier Bertrand au ministère de la Santé. Jusqu’à maintenant, les syndicats envisageaient une évolution de leur rémunération en deux temps. D’abord, l’injection immédiate d’un ballon d’oxygène dans le réseau, avant d’entrer progressivement dans l’ère des nouveaux services rémunérés. Désormais, Xavier Bertrand, semble plutôt vouloir tout changer d’un coup. « Les pharmaciens d’officines revendiquent une revalorisation de leur marge, écrit-il aux inspecteurs de l’IGAS. Pourtant, le diagnostic de la situation économique du secteur révèle la nécessité de réformes plus structurelles de la profession. » Pour lui, la pharmacie doit évoluer vers un nouveau mode de rémunération fondé sur « un mix associant marge sur les produits remboursables vendus et autres rémunérations des missions de service public des officines ». Mais avant d’entrer dans le vif de la négociation, le ministre attend les conclusions de l’IGAS, prévues pour fin avril, au grand dam des syndicats qui insistent sur l’urgence à apporter des solutions économiques au réseau. Certes, « l’enquête IGAS est nécessaire si l’on veut mener une réforme de fond à moyen et long terme », estime Gilles Bonnefond. Mais, ajoute le président délégué de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), elle « ne doit pas servir de prétexte au gouvernement pour ne pas ouvrir de négociations et ne pas accorder aux officinaux le ballon d’oxygène dont ils ont besoin en urgence ». Le délai de deux mois accordé aux inspecteurs de l’IGAS pour proposer des pistes, est à la fois « court, compte tenu des objectifs fixés, mais aussi long eu égard aux officines en difficulté », souligne pour sa part le président de la FSPF, Philippe Gaertner.
Quoi qu’il en soit, le gouvernement doit désormais répondre à une double préoccupation : celle des pharmaciens quant à l’avenir de leur outil de travail, mais aussi celle des malades angoissés à l’idée de perdre leur pharmacie.
** Sondage réalisé les 24 et 25 février 2011 auprès de 1 005 personnes.
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