C’est donc à un exercice d’équilibriste que le pouvoir est convié, dans un climat exacerbé par les polémiques et par les récupérations politiques : les uns triomphent en soulignant que leurs avertissements n’ont pas été suivis d’effets et s’estiment confortés dans leurs convictions, les autres voient dans la démission des institutions la raison principale d’une violence qui ne fait que commencer. L’erreur serait de tenter de simplifier le remède, par exemple par le seul déploiement des forces de sécurité et par une législation durcie (nous avons déjà onze lois anti-terroristes). Sans doute faut-il que nos différents services de police soient dotés de meilleurs outils de surveillance et de meilleures armes. Sans doute faut-il combattre sans réserves les manifestations de sympathie à l’égard d’assassins impitoyables. Mais sur le chemin de l’intégration, celle qui dont on répète qu’elle a échoué mais qu’il faut poiursuivre à tout prix, la France a accompli une bonne partie de son travail : nous rencontrons tous les jours des citoyens musulmans qui nous inspirent respect et souvent admiration. Ce serait folie de mettre tout le monde dans le même sac au nom d’une sécurité que la très grande majorité desmusulmans ne menacent pas.
Les propositions sont multiples pour l’éducation d’enfants et d’adolescents qui, après tout, se révoltent contre la société comme tous les jeunes, musulmans ou non, mais auxquels une propagande sournoise offre une alternative délétère. Cependant, les mairies financièrement exsangues renvoient déjà toutes les responsabilités à l’État. Le double effort pour protéger la société et réformer les banlieues a un coût très élevé, au moment même où nous ne parvenons même pas à respecter nos propres engagements en matière de réduction de la dépense publique. Il est évident qu’il va falloir accorder une grosse rallonge au budget militaire ; que nous devrons donner à l’éducation les moyens matériels et les enseignants dont elle a besoin pour accorder plus de temps aux élèves qui ne peuvent pas suivre le rythme d’acquisition des connaissances. Tout cela remet en cause la totalité du plan budgétaire et économique qui concerne les trois années 2015, 2016 et 2017.
Une crise européenne.
Les coups de filet en Belgique soulignent encore un peu plus que la cible des fondamentalistes, c’est l’Europe. Pour lutter contre les filières, les services de sécurité européens doivent travailler ensemble. De toute évidence, les organisations terroristes du Moyen-Orient, Daech ou Al Qaïda, tentent d’accomplir un « exploit », c’est-à-dire un attentat monstrueux qui sidérerait un peu plus les Européens : en Belgique, il était question d’attaquer des commissariats de police et d’enlever un haut responsable pour le décapiter devant une caméra.
De sorte que, si François Hollande, Manuel Valls et leurs ministres sont loués par les Français pour leur excellente réaction aux attentats, leur popularité partiellement retrouvée risque de ne pas durer. Le fardeau de leurs responsabilités vient de s’alourdir considérablement. Il peut y avoir d’autres attentats. Leurs mesures ne seront pas nécessairement approuvées. L’argent va manquer cruellement. Ils ont néanmoins adopté une ligne qui prépare bien leur action à venir : un combat sans merci contre ceux qui nous menacent avec tant de férocité ; une bonne compréhension de la composante éducative dans ce qui mine notre société ; le refus de tout amalgame entre musulmans et intégristes. Comme pour tout le reste, les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Une réaction excessive au malheur nuirait à la cohésion d’un peuple qui a montré qu’il savait se rassembler.
RICHARD LISCIA
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