LA CARTE de France des pharmacies connaît certes des disparités. Mais dans quelles proportions s’observent-elles ? Quelles sont les villes, quels sont les départements où la densité des officines est importante, voire trop importante, ou au contraire insuffisante ? Une étude inédite de la société de géomarketing EMS (European Marketing Science) permet de répondre à ces questions qui sont au centre des débats sur l’avenir du réseau pharmaceutique. Les experts d’EMS ont considéré le nombre et la répartition des officines, mais aussi des médecins généralistes en 2010. Ils ont également pris en compte les données les plus récentes publiées par l’INSEE en janvier dernier. Ces statistiques portent sur la population française, estimée à 63,2 millions d’habitants au dernier recensement de 2006 (en progression moyenne de 0,66 % par an).
Premier constat, au plan des départements*, on note que certains d’entre eux comptent jusqu’à 40 % de pharmacies en plus que les départements les moins bien dotés en officines. Concrètement, le mieux pourvu affiche une densité de 2 222 habitants par pharmacie, contre 3 125 habitants pour le moins bien pourvu. Avec 2 630 habitants par officine, la moyenne des départements français est proche du taux imposé par la loi de répartition (2 500 habitants par officine). On peut aussi exprimer ces proportions dans l’autre sens, en observant le nombre d’officines pour 10 000 habitants (voir la carte ci jointe). La base réglementaire est alors de 4 officines pour 10 000 habitants. On constate ainsi que la densité varie de 3,2 à 4,5 pharmacies pour 10 000 habitants, entre le département le moins bien pourvu en officines (Yvelines) et le mieux pourvu (Charente). En dehors de ces deux limites, dix départements comptent plus de 4,5 officines pour 10 000 habitants en moyenne. On les trouve dans les régions du centre, du Sud Ouest et à Paris, territoires les mieux équipés en pharmacies. À l’inverse, bien moins favorisés, cinq départements comptent moins de 3 officines pour 10 000 habitants : l’Ain, l’Eure, la Moselle, le Haut Rhin et le Bas Rhin. Pour les trois derniers départements cités, cela n’est guère étonnant, l’Alsace et la Lorraine ayant une loi de répartition à 3 500 habitants par officine.
Une pondération selon la consommation.
En réalité, la prise en compte des données démographiques, qui préside aux décisions administratives en matière d’installation, ne suffit pas. Comme elle le fait lors de ses interventions régulières dans le « Quotidien », la société EMS a introduit une donnée essentielle et plus fine, qui reflète le besoin réel de la population en médicaments. Pour le quantifier, on a recours au coefficient EFM (équivalents français moyens), qui traduit le potentiel de demande en fonction de la typologie des habitants, installés en ville ou à la campagne, jeunes ou âgés, célibataires ou en couple.
Ainsi, par exemple, mille habitants d’une zone définie peuvent avoir des besoins équivalents à 1 500 habitants français moyens. En considérant l’EFM, la différence n’est plus de 40 %, mais de 80 % entre le département qui serait le moins bien pourvu et le mieux pourvu en pharmacies ! « L’écart est presque deux fois plus important que celui constaté à partir de la population réelle, souligne Roger Rémery, dirigeant de la société EMS. D’un département à l’autre, les disparités au plan du pouvoir d’achat ou de la taille de la famille contribuent fortement à faire varier le niveau de demande par habitant. »
De Cannes à Cergy.
Ces disparités sont encore plus criantes entre les villes. On a pris en compte les 100 premières communes de France dont la population est supérieure à 50 000 habitants. En suivant les statistiques démographiques, on note que certaines villes comptent jusqu’à 50 % d’officines en plus que les communes les moins bien pourvues en pharmacies. Cette moyenne nationale vaut aussi bien pour le nord (écart de 44 %) que pour le sud (50 %). Parmi les mieux dotées, citons Paris (4,67 pharmacies pour 10 000 habitants), Dunkerque (4,61), Saint-Malo (4,83), Chalons sur Saône (5,15), Ajaccio (5,17), Nice (5,21) et Béziers (5,39). La densité maximale est atteinte à Cannes, avec 6,37 pharmacies pour 10 000 habitants.
À l’inverse, parmi les villes les moins bien équipées en pharmacies au regard de leur population, on trouve notamment Strasbourg (2,89 officines pour 10 000 habitants) et plusieurs villes d’Île de France, comme Courbevoie (2,96), Sartrouville (2,9), Fontenay sous Bois (2,89) ou Cergy, qui ferme la marche avec seulement 2,63 officines pour 10 000 habitants. À noter qu’en région parisienne, la ville la mieux équipée ne compte que 30 % d’officines en plus que la ville la moins bien lotie. Ce qui fait apparaître un contraste limité entre les grandes villes franciliennes. Si l’on prend en compte la notion d’EFM, c’est-à-dire les besoins réels de la population, certaines villes françaises devraient avoir deux fois plus de pharmacies que les autres. En Ile-de-France, ce devrait même être deux fois et demi.
Déséquilibre de la présence médicale.
La société EMS a également poussé son analyse jusqu’au niveau de la densité médicale. Verdict : il peut y avoir jusqu’à 50 % de médecins généralistes en plus entre le département français le mieux doté et le moins bien doté. Les départements les mieux lotis sont les Hautes Alpes (13,31 généralistes pour 10 000 habitants), l’Aude (12,9) et l’Hérault (12,47). Tout en bas du tableau, l’Eure et Loir (6,82), les Hauts de Seine (6,81) et la Seine Saint-Denis (6,66). Si l’on considère cette fois le besoin réel, l’écart pourrait atteindre 75 %. Même constat au niveau des communes de plus de 50 000 habitants. On note que certaines d’entre elles ont jusqu’à 90 % de médecins en plus que d’autres villes. Cela semble un écart important. Mais en considérant le besoin réel, certaines villes devraient même avoir jusqu’à trois fois plus de médecins que les autres.
Dernier volet de l’étude, le croisement entre les densités officinale et médicale (voir la carte ci jointe). Certains départements peuvent avoir jusqu’à trois fois plus de médecins, à nombre de pharmacies égal. « La totale liberté d’implantation des prescripteurs conduit à une dispersion beaucoup plus élevée de la densité médicale que de la densité officinale », confirme Roger Rémery. Son étude donne à réfléchir, au sein de la profession pharmaceutique bien sûr, mais pas seulement.
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