LES AMATEURS de fantastique et de thriller connaissent Nathalie Hug, qui depuis cinq ans écrit en duo avec Jérôme Camut (« les Éveillés », « 3 fois plus loin », « les Yeux d’Harry »). Son inspiration en auteur « solo » est plus intimiste, même si le narrateur et personnage quasi unique de « l’Enfant-rien » (1), un jeune garçon, apparaît aussi naïf qu’inquiétant. Adrien ignore tout de son père, croit que le secret de sa naissance est dans une boîte cachée sur une étagère trop haute pour lui, et rêve que le papa de sa demi-sœur l’amène ne serait-ce qu’une fois en week-end avec eux. Son vœu sera exaucé le jour où un accident de voiture fait de sa maman un « tas-de-fraises-à-la-crème », un « légume », ricane sa tante, puisqu’elle reste paralysée et ne peut plus communiquer. Nathalie Hug a construit son récit d’un enfant solitaire et mal-aimé qui s’invente une autre vie comme un livre de suspense, avec une tension grandissante, des questionnements bouleversants, des événements et des sentiments d’une grande cruauté, et beaucoup d’émotion.
« Le Silence de ma mère » (2) est également le premier roman d’un auteur qui n’est pas un inconnu. Au cours de sa carrière de journaliste, Antoine Silber a notamment dirigé une rubrique intitulée « C’est mon histoire », où il invitait les lectrices du magazine « Elle » à se confier. Aujourd’hui, c’est son histoire qu’il raconte dans un récit qui nous replonge dans les années 1950. Quatre années de psychanalyse l’ont amené sur le chemin de l’écriture. Quatrième enfant d’une fratrie de cinq, le narrateur se souvient – il n’avait pas 3 ans – de s’être senti abandonné à la naissance de la petite dernière. Abandonné par sa mère, trop silencieuse et indifférente, alors qu’il aurait voulu une mère envahissante et abusive, une mère juive.
C’était en fait son père qui était juif, petit-fils de rabbin, résistant et évadé d’un train en partance pour Dachau. Elle, artiste peintre prometteuse avant-guerre, a abandonné sa vocation pour sa famille. Pour son mari surtout, qu’elle avait épousé en pleine guerre et qu’elle vénérait. Est-ce pour cela qu’elle s’est retranchée dans une sorte de distance et de résignation ? Vingt-huit ans après sa mort, après s’être longtemps « perdu », le narrateur nous offre ses souvenirs en forme de confessions.
Les années 1950, toujours, revivent sous la plume de l’écrivain suisse germanophone Alain Claude Sulzer, prix Médicis étranger en 2008 pour « Un garçon parfait ». Le narrateur d’« Une autre époque » (3) est un adolescent de 17 ans qui, sans avertir sa mère ni son beau-père, part à Paris pour retrouver son parrain qu’il n’a jamais vu mais qui fut le meilleur ami de son père. Il veut en savoir plus sur ce géniteur qui s’est suicidé quelques semaines après sa naissance, en 1954. Briser la chape de silence imposée par sa mère.
Voyage initiatique, cette fugue dans la capitale est l’occasion pour le jeune garçon de l’apprentissage de la liberté, cette même impossible liberté qui a coûté la vie à son père. Loin de tout militantisme, Alain Claude Sulzer dénonce la cruauté de cette « autre époque » et, au-delà, le rejet par une société quelle qu’elle soit de ce qu’elle ne comprend pas.
Faut-il en rire ou en pleurer ? L’histoire d’Édouard, qui, à 7 ans, connut son premier succès littéraire avec quatre malheureuses rimes qui l’a fait consacrer comme « l’Écrivain de la famille » (4), qui perdit l’inspiration deux ans plus tard et qui n’en finit pas au fil des décennies de courir après son propre succès d’estime, est en effet un destin tragi-comique et un premier roman de bon aloi signé Grégoire Delacourt. Le récit se poursuit au long de trois décennies où l’on voit le garçon grandir, aller en pension, se marier, déménager, on assiste à ses déboires en écriture (son roman n’est pas publié) et sa réussite dans la publicité (Grégoire Delacourt est lui-même publicitaire, auteur par exemple du slogan « Nous vous devons plus que la lumière »), à l’échec de son mariage en même temps que sa famille d’origine se délite. Il y avait certes là de quoi faire un roman !
(2) Denoël, 131 p., 13,50 euros.
(3) Éditions Jacqueline Chambon, 266 p., 21 euros.
(4) JCLattès, 265 p., 17 euros.
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