On ne s’y attendait pas. Le cas de l’infirmière britannique, Pauline Cafferkey, déclarée guérie de l’infection par le virus Ebola il y a près de 10 mois, et hospitalisée depuis le 6 octobre, initialement à Glasgow puis au « Royal Free Hospital » de Londres, « dans un état grave » en raison d’une une méningo-encéphalite à Ebola, a suscité autant d’émoi que de surprise à travers le monde. Cette « complication tardive inhabituelle » met sur le devant de la scène le risque de réactivation du virus à distance de la primo-infection.
Cette actualité fait écho à la publication de deux articles dans le « New England Journal of Medicine » (NEJM) (cf encadré), l’un sur la persistance possible du virus dans le sperme et l’autre sur un cas de transmission sexuelle par un survivant. L’OMS et les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) américains ont communiqué sans délai sur ce sujet sensible, qui porte en lui les germes d’une nouvelle vague d’épidémie et de panique dans les 2 hémisphères.
Un test du sperme systématique à 3 mois
« On ne sait pas encore combien de temps le virus peut persister dans le sperme », a souligné l’OMS. Comme le relève le Pr Éric Delaporte, en charge du suivi d’une cohorte en Guinée de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), les survivants porteurs du virus ne constituent pas la majorité et « il semble bien exister une clairance du virus au fil du temps », puisque seul un quart des patients initialement positifs le sont toujours à 7-9 mois dans l’étude du « NEJM » (cf. encadré). Quant à la grande inquiétude concernant une possibilité de transmission sexuelle par les survivants, l’OMS estime que « même si (...) c’est une possibilité, cela semble rare ». Pour le Pr Delaporte, un autre argument va dans ce sens, « la charge virale qui est peu élevée » à l’état de persistance.
L’OMS recommande que tous les survivants testent leur sperme à partir de 3 mois après le début de l’infection. En cas de positivité, un test par mois est conseillé jusqu’à ce que le sperme soit négatif par 2 fois, à au moins une semaine d’intervalle. Jusque là, l’OMS recommande l’abstinence sexuelle ou le port de préservatifs et une bonne hygiène des mains, après masturbation comprise.
Les mesures en Grande-Bretagne
Des interrogations se posent pour les autres « réservoirs » potentiels du virus. Dans le cas de l’infirmière britannique, le réservoir au niveau du système nerveux central (SNC) semble a priori peu contaminant, « sous réserve d’une forte réactivation virale diffuse et générale pouvant être responsable d’une virémie sanguine associée et donc d’une possibilité de transmission lors de contacts rapprochés, par exemple soins invasifs, partenaire sexuel », précise le Pr Christophe Rapp, du service des maladies infectieuses de l’hôpital Inter-Armées (HIA) de Bégin à Saint-Mandé. La gravité de l’état de santé de la patiente britannique laisse penser qu’elle pourrait être dans ce cas de figure.
Les autorités écossaises ont indiqué au « Quotidien » avoir proposé le vaccin Ebola à 40 personnes parmi les 65 sujets contact identifiés. Vingt-six ont été vaccinées. Pour cette prophylaxie post-exposition, le vaccin rVSV-ZEBOV, validé et recommandé par l’OMS, a été utilisé. Une seule dose est nécessaire, très efficace et bien tolérée. « La prohylaxie en ceinture marche très bien, précise le Pr Rapp. Un sujet contaminé n’est pas contaminant s’il est asymtomatique. En accord avec les recommandations internationales, les sujets contacts font une auto-surveillance de la température et vont consulter dans un centre référent au moindre symptôme ».
Le phénomène mystérieux de la réactivation
Deux cas de réactivation ont été décrits pour le moment, les deux dans l’hémisphère Nord. Le mécanisme Le premier cas avait été décrit dans le « Lancet » chez le Dr Crozier un médecin américain survivant qui avait présenté une uvéite un mois après la guérison, « l’œil étant passé de bleu à vert ». Tous les niveaux de gravité semblent possibles, selon le site de réactivation. Le phénomène semble donc rare, même s’il y en a sûrement bien davantage en Afrique non décrits. « Il existe de nombreuses complications ophtalmiques, des choriorétinites, après l’infection Ebola, expose le Pr Delaporte. Sont-ils dus à la présence de virus ? Il faudrait ponctionner la chambre antérieure ». La prise en charge des céphalées après la phase aiguë n’est pas plus simple. « Jusqu’où va-t-il falloir aller ? poursuit-il. Faudra-t-il faire une ponction lombaire systématique pour toute céphalée chez un survivant ? ». Des recommandations plus précises à ce sujet, sur la durée de suivi notamment, sont attendues.
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