La vie est un théâtre où nous jouons tous un rôle : pour l’illustrer, Philippe Forest (« L’Enfant éternel », « Sarinagara », « Crue »...) a écrit un roman qui se décline comme une pièce, avec prologue, actes, scènes et intermèdes, et lui-même en narrateur ou spectateur. Son titre, « Je reste roi de mes chagrins » (1), vient d’une réplique du « Richard II » de Shakespeare : « Vous pouvez me destituer de ma gloire et de ma puissance/mais non de mes chagrins : je suis toujours roi de ceux-là ».
Nous assistons à la confrontation entre sir Winston Churchill, qui, en 1954, approchait de la fin de son deuxième mandat de Premier Ministre du Royaume-Uni, et le peintre alors réputé Graham Sutherland, grassement payé pour réaliser le portrait du grand homme à l’occasion de son 80e anniversaire. Durant les séances de pose, alors que le tableau reste caché, les deux hommes, qui n’ont a priori rien en commun, se dévoilent peu ou prou. Et bientôt percent des bribes de vérité : la mort d’une des filles du vieil homme plus de trente ans auparavant, celle d’un fils du peintre officiel ou celle de la fille de l’auteur, des enfants et des douleurs jamais oubliés. C’est cela que l’on découvre lorsque tombent les masques et que le portrait peint par Sutherland, enfin exposé, est rejeté par son modèle et fait scandale. L’image inhabituelle et émouvante d’un monstre sacré, portée par une écriture plus poétique que théâtrale.
De Gaulle et Massu
C’est un autre coup porté par un « vieux », le général de Gaulle, que raconte l’écrivain et producteur de films Georges-Marc Benamou (« le Dernier Mitterrand », « le Fantôme de Munich ») dans « le Général a disparu » (2). Âgé de 78 ans, il était président de la République depuis presque 10 ans lorsque le mouvement de Mai 68 a fait croire à une révolution. L’État semblait impuissant. C’est alors que dans le plus grand secret, le 29 mai, de Gaulle est monté avec Yvonne dans un hélicoptère et s’est envolé, non vers sa retraite de Colombey-les-Deux-Eglises, mais vers Baden-Baden, alors base française en Allemagne sous la férule du général Massu. L’auteur nous fait vivre heure par heure cette « escapade », les intrigues politiques qui ont laissé Charles de Gaulle seul face au chaos et ce mystérieux après-midi passé avec Massu, qui aurait pu conduire à une intervention militaire.
Le Cambodge et Hollywood
Après la Thaïlande (« la Fleur du capital »), Jean-Noël Orengo nous emmène dans « les Jungles rouges » (3) et retrace l’histoire du Cambodge des années 1920 au début de notre siècle. Comme exemple du grand basculement qui voit l’Asie du Sud-Est, soumise à la colonisation par les Européens, se relever et aujourd’hui s’imposer. Si le récit prend sa source en 1924, lorsqu’André et Clara Malraux sont allés en Indochine pour voler et revendre des œuvres d’art, c’est le fils de leur boy qui focalise l’attention.
Militant nationaliste, ami de celui que l’on connaîtra sous le nom de Pol Pot (le chef des Khmers rouges, responsables de plus de 1,5 million de morts, 20 % de la population du Cambodge) durant son séjour à Paris vers 1950, puis chargé de la propagande khmer rouge avant de déserter ce mouvement devenu fou, Xa Prasith a confié sa fille qui venait de naître à un couple de Français lors de la chute de Phnom Penh. La jeune femme et son petit ami n’auront de cesse de découvrir la vérité sur cette figure de père mythique.
Beaucoup plus léger, « la Montre d’Errol Flynn » (4) paraît alors que l’acteur, né en 1909, aurait 110 ans aujourd’hui. François Cérésa perpétue sa légende avec l’histoire d’un jeune garçon qui a été subjugué parce qu’un jour, à Juan-les-Pins, Robin des Bois en personne a donné sa montre à sa mère. Depuis, il a tout fait pour ressembler à son héros – sportif, séducteur, aventurier, amateur de femmes, buveur et parfait gentleman –, pour tout savoir de lui. Un retour sur l’âge d’or de Hollywood.
Marx et son fils
En 1881, Marx et Darwin ont voisiné dans la région londonienne sans se connaître. Il n’a tenu qu’à Ilona Jerger, journaliste allemande dont c’est le premier roman, d’imaginer qu’ils étaient soignés par le même médecin, un libre penseur qui s’intéressait autant à leurs idées qu’à leurs maladies. « Marx dans le jardin de Darwin » (5) déroule le film de la vie des deux penseurs et nous fait partager leurs derniers mois (Darwin disparaîtra en 1882 et Marx en 1883). Il en résulte des portraits contrastés et des exposés d’idées fondés sur une connaissance approfondie de leurs œuvres, qui n’entravent en aucune manière la reconstitution colorée de leur vie quotidienne.
Karl Marx apparaît encore dans « le Cœur battant du monde » (6). Après s’être fait remarquer en dévoilant l’étonnante histoire de Magda Goebbels (« Ces rêves qu’on piétine »), Sébastien Spitzer s’empare de la figure du fils naturel que le philosophe aurait eu avec sa bonne. Dans le récit, Freddy a été élevé par une jeune Irlandaise, qui avait fui la famine de son pays et survivait tant bien que mal dans les faubourgs de la ville. En grandissant, l’enfant va non seulement chercher à percer le mystère de sa naissance mais être partie prenante des mouvements de l’époque victorienne, de la guerre de Sécession à l’industrialisation en passant par la révolte des Irlandais contre la couronne britannique. Alors que le jeune homme prend les armes avec les opprimés, Marx se contente de théoriser la Révolution dans les livres.
(1) Gallimard, 278 p., 19,50 €
(2) Grasset, 234 p., 19 €
(3) Grasset, 268 p., 19 €
(4) Écriture, 254 p., 18 €
(5) De Fallois, 290 p., 20 €
(6) Albin Michel, 445 p., 21,90 €
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