COMME l’a rappelé Fritz Becker, président du Syndicat des pharmaciens allemand (DAV), la nomination, fin 2009, d’un médecin membre du parti libéral comme ministre de la Santé avait suscité de grands espoirs au sein de la profession. Mais ce dernier, le Dr Philip Rösler, s’est finalement distingué par une politique de rigueur encore plus stricte et administrative que celle de son prédécesseur… social-démocrate. Courant 2010, le gouvernement décidait notamment d’augmenter, pour 2011 et 2012, de 1,75 à 2,05 euros par boîte la « ristourne » que doivent consentir les pharmaciens aux caisses de maladies sur tous les médicaments prescrits, mais aussi d’introduire une nouvelle taxe sur les grossistes, d’un montant global de 250 millions d’euros. Comme le redoutaient les pharmaciens, et malgré leurs protestations, les grossistes ont largement répercuté cette taxe sur les officines, notamment en durcissant leurs conditions de vente. Résultat, les 21 400 officines allemandes seront ponctionnées, en 2011 et en 2012, à hauteur de 400 millions, soit 18 500 euros par pharmacie, montant qui affectera directement leur résultat.
Pour une pharmacie moyenne, réalisant entre 1,2 et 1,5 million de chiffre d’affaires et dont le résultat net correspond en moyenne à 5,8 % de ce dernier, cette ponction aura des résultats désastreux sur le bénéfice. Conséquence, le titulaire verra sa rémunération annuelle passer de 39 000 à 25 000 euros, c’est-à-dire moins que celle d’un adjoint au sommet de l’échelle, gagnant 32 500 euros. Comme toujours, ce sont les petites officines qui seront les plus touchées, et non les grandes pharmacies urbaines qui peuvent compenser cette baisse par d’autres activités. Devant cette situation, le syndicat appelle ses membres à se mobiliser contre le gouvernement, même s’il est conscient qu’il ne dispose guère de moyens concrets, une grève étant à ses yeux impensable, tout au moins pour le moment. En revanche, les pharmaciens informent déjà leurs patients sur les conséquences de ces mesures en termes de qualité et de pérennité des pharmacies ; ils envisagent des grèves du zèle qui ralentiraient les activités administratives et qui seraient aussi ressenties par la population.
Baisse des prescriptions.
Comme si le problème des ristournes ne suffisait pas, les pharmaciens doivent faire face à la baisse régulière des prescriptions des médecins et à une désaffection croissante des patients pour les OTC, aggravée par le développement du commerce en ligne et des pharmacies virtuelles. Bien que le chiffre d’affaires de l’ensemble des pharmacies ait progressé en 2010, pour atteindre 39,9 milliards contre 39, 2 l’année précédente, les pharmacies ont vendu 40 millions de boîtes de moins en 2010 qu’en 2009 (dont 22 millions de boîtes prescrites en moins). Les prescriptions représentent désormais 79,2 % du chiffre d’affaires des officines, contre 76,8 % il y a trois ans encore, et la part des OTC est passée sur la même période de 13,4 à 11,3 %.
Sans surprise, ces résultats poussent un nombre croissant d’officines à cesser leur activité : le pays a ainsi perdu 107 officines en 2010, « ce qui signifie que deux pharmacies ferment chaque semaine en Allemagne », rappelle le syndicat, en constatant que cette tendance s’est accélérée depuis le début de 2011. En outre, un certain nombre d’officines « classiques » se sont transformées en simples filiales de pharmacies, donc avec un service plus restreint. Rappelons que, depuis 2004, chaque pharmacie a le droit d’avoir un maximum de 3 filiales, et qu’environ 15 % des pharmacies disposent d’au moins une filiale. Le nombre d’officines allemandes avait atteint son maximum en 2008, avec 21 602 officines. Il est maintenant retombé à 21 441, soit le niveau de 2004.
Innover.
Pour assurer leur avenir, les pharmaciens n’ont donc d’autre choix que de se montrer créatifs et innovants. Le congrès de Potsdam leur a montré que certaines professions arrivent très bien à tirer leur épingle du jeu, à l’image des opticiens qui ont su s’adapter aux évolutions sociologiques et réglementaires de leur secteur. Pour plusieurs spécialistes de prospective invités au congrès, les pharmaciens, eux aussi, trouveront des activités nouvelles en tenant compte des nouvelles attentes du public, qui ne veut plus seulement protéger sa santé, mais en faire un véritable outil de promotion personnelle et sociale. Pas question, toutefois, de « faire n’importe quoi » dans ce domaine, comme le rappelle d’ailleurs un nouveau projet de réglementation et de déontologie professionnelle, actuellement préparé par le gouvernement. Ce texte pourrait obliger les pharmaciens à renoncer à certaines ventes et opérations de communication officinales jugées trop éloignées de leurs missions de base, et redonner aux officines le sérieux traditionnel dont certaines se sont parfois un peu trop démarquées ces dernières années. En outre, il durcit la réglementation sur les filiales, mais libère les pharmaciens d’un certain nombre d’obligations légales, notamment en matière de laboratoires. Cette réforme est jugée à la fois comme un bien et un mal par la profession, qui regrette néanmoins de ne pas être plus étroitement associée à son élaboration.
Enfin, les pharmaciens s’inquiètent d’un autre projet gouvernemental encore dans les limbes, et qui tendrait à généraliser les prescriptions de grands conditionnements, avec, là aussi, pour effet de réduire les passages à la pharmacie et de diminuer le nombre de boîtes. Les pharmaciens, qui réclament plus de concertation dans ce domaine, mettent en avant les risques sanitaires de ce projet. Ils rappellent que, à la place de toutes ces mesures d’économie aussi rigoureuses pour les patients que pour les pharmaciens, d’autres politiques de maîtrise sont possibles, par exemple avec une meilleure concertation entre les médecins et les pharmaciens. L’ABDA, qui regroupe l’ensemble des organisations pharmaceutiques allemandes et l’association des médecins conventionnées (KBV) ont ainsi défini ensemble un concept de prescription et de distribution concertée des médicaments qui, s’il était mis en place, pourrait selon les deux structures réduire les dépenses pharmaceutiques de 2 milliards par an.
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