AVEC « Miroirs des princes », l’écrivain-psychanalyste Michel Schneider signe un petit essai corrosif et enlevé sur l’obscénité narcissique de ceux qui nous gouvernement, qu’il inscrit dans un triangle symbolique.
Les « miroirs des princes » étaient, de l’Antiquité au Moyen Âge, des livres écrits par des penseurs ou des clercs à l’intention des souverains. Aujourd’hui, les miroirs sont tendus par des journalistes ou des communicants, qui sont là pour renvoyer aux hommes politiques leur propre image. Cocteau dirait que ces glaces bon tain feraient bien de réfléchir.
On est dans le règne de l’écran et de l’image. Les miroirs s’appellent télévision, Facebook, Twitter, presse écrite ou même élections. Psychanalytiquement, les communicants sont là pour accroître la jouissance solipsiste des hommes d’État. On est dans le règne de Narcisse et d’Écho.
Michel Schneider analyse avec soin « le triangle des pouvoirs ». Dans cette géométrie, le sommet du triangle est bien sûr constitué par les politiques, qui s’écoutent parler et se regardent regardés. Un deuxième sommet est formé de la caisse de résonance des communicants, tandis que les « basiques », l’« opinion », sont la troisième pointe.
Dans cette petite dramaturgie règne la mise en scène des egos. Le grandiloquent y côtoie le pitoyable. L’auteur évoque par exemple la terrifiante pantomime Cahuzac-Hollande, qui va de la dénégation à l’aveu en passant par la flétrissure et le pardon. Il pointe un narcissisme dans lequel on délègue aux autres nos propres regards, nos propres mots.
Dans ce monde du simulacre, le pouvoir, étant partout, n’est finalement nulle part, dit Michel Schneider.
Un révélateur.
Voyant une annonce pour des soldes intitulée « Tout doit disparaître », Pierre-André de Mandiargues écrivit le livre « Tout disparaîtra ». C’est une façon d’être à peine là, un autre mode d’insertion dans le monde qu’envisage le philosophe Pierre Zaoui dans son étude sur la discrétion. Une vertu en creux, qui semble faite de silence et d’absence, à laquelle l’auteur donne une vraie consistance.
Observez vos enfants discrètement, jusqu’au moment où, se sentant observés, ils se crispent et reprennent leur rôle. Accueillez avec tact et compétence vos invités, disparaissez tout en étant là, loin des pesants devoirs de l’hospitalité : vous découvrez alors comme ils sont beaux et intéressants. La discrétion est un révélateur.
C’est aussi l’art subtil de disparaître, la légèreté de celui qui, homme dans la foule, ne joue plus de rôle, sort de l’intro-projection à l’égard de ses semblables. Proche ici des critiques de Michel Schneider, Pierre Zaoui remarque que « les héros modernes incarnent tantôt les fantasmes de toute-puissance de celui qui ne rêve plus que d’apparaître, tantôt la fuite paranoïaque de celui qui ne peut plus supporter d’être vu dans un monde qui ne connaît plus de cachette ».
Pierre Zaoui, qui utilise aussi bien saint Thomas que Norbert Elias ou la mystique juive, sait nous transporter dans l’Histoire et la sociologie, mais aussi dans la psychologie des foules. C’est là qu’un Travis* désaxé, qu’un loup solitaire, peut offrir de la discrétion une vision plus inquiétante.
Pierre Zaoui, « La Discrétion - Ou l’art de disparaître », Autrement, 157 p., 14 euros.
* Le personnage de « Taxi Driver » incarné par Robert De Niro.
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