PERSONNE n’aurait pu le prédire. Mais mardi 30 septembre, quelque chose a changé. La profession, peu habituée à manifester de la sorte son mécontentement, a su s’unir autour d’une seule et même cause, sauver le modèle officinal français (voir notre série de reportages en pages 4 à 7). Partout en France, titulaires, adjoints, préparateurs, étudiants, syndicalistes, ordinaux, enseignants, ont défilé main dans la main pour défendre ce modèle établi avant tout pour protéger les patients, comme ils l’ont scandé dans les rues de plus de 40 villes de l’Hexagone. Le monopole de dispensation ? Une sécurité pour les Français contre le mésusage et les faux médicaments. Les règles d’installation des officines ? Une garantie de l’accès aux soins pour tous. La réserve du capital aux seuls pharmaciens ? Un moyen de préserver le maillage territorial et l’indépendance professionnelle des titulaires. C’est également, à quelque chose près, ce qu’ont rappelé les représentants de la profession* aux membres des cabinets des ministres de l’Économie et de la Santé, mercredi dernier, au lendemain de la « journée sans pharmacien ».
2 h 30 de discussions.
« Nous avons eu une réunion de travail de deux heures et demie au cours de laquelle ont été passées en revue les différentes propositions formulées par la profession », indique Philippe Gaertner, président de la FSPF (voir également « le Quotidien » du 18 septembre). Tous les sujets ont été balayés : le monopole, l’implantation des officines, les regroupements, les transferts, le capital et la possibilité d’y faire entrer les salariés pharmaciens, le commerce en ligne de médicaments via des plate-formes. Une discussion à laquelle Emmanuel Macron a participé lui-même pendant une dizaine de minutes. « J’en ai profité pour lui dire que nous étions prêts à travailler, mais qu’il y avait des lignes rouges à ne pas dépasser », explique Gilles Bonnefond, président de l’USPO. « Nous restons attentifs à répondre nous aussi aux objectifs de croissance », souligne de son côté Philippe Gaertner, qui note une réelle volonté de concertation de la part de la nouvelle équipe gouvernementale. « J’espère que nous trouverons une voie de passage », ajoute le président de la FSPF, tout en rappelant qu’Emmanuel Macron a précisé à plusieurs reprises qu’il ne souhaitait pas « mettre à plat quelque chose qui marche ».
Pistes gouvernementales.
La veille de cette rencontre, le ministre de l’Économie avait déjà essayé de désamorcer le conflit avec les pharmaciens. Il y a « beaucoup de fausses idées qui circulent sur ce projet », déclarait-il dans un entretien au quotidien « Paris-Normandie ». Il assure ainsi que sa future loi pour la croissance et le pouvoir d’achat n’attentera pas à la sécurité sanitaire ni à l’équilibre des territoires. Et d’affirmer qu’il n’a pas l’intention non plus d’autoriser l’ouverture du capital des pharmacies à des partenaires financiers extérieurs. Mais, précise-t-il, la réforme qu’il souhaite engager doit permettre l’accès des jeunes diplômés « à une responsabilité pleine et entière », en particulier ceux qui n’en ont pas les moyens. Une position qui rejoint celle de la ministre de la Santé lorsqu’elle se dit favorable à l’entrée des salariés dans le capital des officines. Et seulement des salariés. « Les fonds de pension c’est une mauvaise chose, explique Marisol Touraine. Il faut évidemment garantir l’indépendance des officines. Il ne serait pas possible par exemple que l’industrie pharmaceutique ou que des médecins, qui sont prescripteurs, soient au capital des pharmacies. » Sur le monopole aussi la chose semble entendue. Les médicaments devraient rester dans les officines. Toutefois, la ministre de la Santé souhaite faire le tri dans les AMM. Elle s’interroge ainsi sur le statut de médicament accordé à des dentifrices ou à certaines pastilles. Quoi qu’il en soit, la profession sera rapidement fixée. Une nouvelle réunion est prévue demain.
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