Ce formidable retour de flamme est le produit d’une indigence politique incommensurable. Le gouvernement de George W. Bush a voulu que disparaisse toute trace du régime de Saddam Hussein. Il a donc supprimé le dictateur, l’armée irakienne et le parti de Saddam, le Baas. Or Saddam représentait la minorité sunnite. Il était absurde de proposer à cette partie du peuple irakien une solution qui ne les incluait pas dans le jeu politique. Les États-Unis ont soutenu le principe d’élections libres et d’une représentation nationale équilibrée donnant sa place aux trois grandes composantes de la population irakiennne, chiite, sunnite et kurde. Les Kurdes, qui habitent le nord du pays, se sont organisés en entité autonome, pacifique et prospère. Les chiites, sous la houlette du Premier ministre, Nouri al-Maliki, se sont efforcés par tous les moyens, y compris la brutalité, d’exclure les sunnites du pouvoir.
C’est donc sur la colère des sunnites frustrés que Abou Bakr al-Baghdadi a pu construire une armée capable d’infliger à l’armée régulière de cinglantes défaites. Il dirige l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) et il veut créer un vaste ensemble sunnite qui comprendrait la Syrie, le Liban et la majeure partie de l’Irak. Il combat actuellement en Syrie contre l’alaouite Bachar Al-Assad, proche des chiites, mais ne s’entend guère avec la résistance syrienne. Qu’est-ce qui le rend si fort, sinon l’aide financière des pays du Golfe, eux-mêmes sunnites, qui lui accordent armes et dollars ? Et pourquoi le font-ils, sinon parce qu’ils sont eux-mêmes terrorisés par la perspective d’une montée du chiisme qui menace leurs régimes théocratiques ? La crise sanglante du Proche-Orient présente donc un aspect totalement irrationnel : les États-Unis n’ont intérêt à favoriser en Irak un régime qui a des liens puissants avec l’Iran (chiite) que parce qu’ils le considèrent comme un élément de stabilité, ce que les faits n’ont pas vérifié. Mais l’Amérique est l’alliée de facto de l’Arabie saoudite, certainement impliquée dans l’aide à EIIL. Dans ces conditions, on comprend mal que le président Obama, au lieu d’envisager d’intervenir militairement en Irak sous la forme de bombardements aériens, n’exerce pas des pressions sur l’Arabie et les autres États pétroliers pour qu’ils cessent d’aider al-Baghdadi.
L’erreur d’al-Maliki.
À Bagdad, le Premier ministre al-Maliki peut mesurer son erreur stratégique. En tant que chiite, il a joué le jeu de Téhéran au lieu de satisfaire les revendications légitimes des sunnites et de les inclure dans son action politique. Il s’est simplement contenté de se venger de Saddam en faisant payer les crimes du dictateur à ses coreligionnaires. Stratégie suicidaire que les Américains ont été incapables de bloquer, alors que, dans une situation précédente, ils avaient réussi à vaincre Al-Qaïda en associant les sunnites à leur déploiement militaire. Les voilà aujourd’hui qui volent à la rescousse d’un régime irakien inféodé à l’un de leurs grands adversaires, l’Iran des mollahs, et qui combattent leur allié saoudien par Irak interposé.
En outre, la succession rapide des victoires et des défaites dans un Proche-Orient en proie à la pire des violences montre que les manipulateurs de la crise, qu’ils soient sunnites ou chiites, ne maîtrisent pas leur propre jeu. On a déjà vu Oussama Ben Laden se retourner contre l’Arabie saoudite, son pays d’origine. Il est probable que al-Baghdadi n’appartient à personne et qu’il poursuivra son projet sans prendre l’avis des pays du Golfe. C’est l’anarchie absolue en Irak et en Syrie, avec des gouvernements étrangers qui tentent d’exercer leur influence en se faisant la guerre par procuration et finiront par pâtir de leur propre inconscience.
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