LA COOPÉRATION entre professionnels de santé est l’un des axes majeurs de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST). Un article lui est même entièrement consacré. « Les professionnels de santé peuvent s’engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération ayant pour objet d’opérer entre eux des transferts d’activités ou d’actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès du patient », stipule le texte, qui précise que les praticiens interviennent dans les limites de leurs connaissances et de leur expérience, selon des protocoles bien définis (voir encadré).
Voilà pour la théorie. En pratique, tout semble loin d’être réglé. Les expérimentations déjà menées reposent essentiellement sur des transferts de charge vers des acteurs de soins moins bien rémunérés plutôt que sur une véritable coopération interprofessionnelle, relève Pierre Leportier, président d’honneur de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), à l’occasion du 62e Congrès national des pharmaciens à Strasbourg. La loi HPST devait permettre d’aller plus loin. Mais, « il y a un fossé entre le discours ministériel et les projets de textes », permettant l’application de cet article, s’inquiète Alain Bergeau, président de l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS) et kinésithérapeute de formation.
Des médecins réticents.
Selon lui, les textes en préparation limitent encore la coopération au transfert de tâche et à la délégation de compétence. Surtout, le mot « coordination » n’y apparaît jamais. Dans ces conditions, pas sûr que les médecins prennent part à l’idée de coopération. Premier vice-président du syndicat de généralistes MG France, Thierry Le Brun le dit sans détour, il est contre le principe de la délégation de tâches qui correspond, à ses yeux, à la vente de la médecine générale par étage.
Une position qui contrarie quelque peu Yves Trouillet, président de l’Association de pharmacie rurale (APR) : « Je suis un peu déçu car j’ai l’impression que les médecins ne veulent rien lâcher alors que certaines zones géographiques souffriront d’une pénurie de prescripteurs. » « Il n’est pas question de prendre aux uns ou aux autres, mais de faire mieux ensemble », tempère Thierry Barthelmé, président de l’UTIP-FPC.
Les atouts de la coopération.
Le chemin pour parvenir à une véritable coordination des soins sera sans doute long. Mais tout n’est pas perdu. Lors des deuxièmes rencontres de l’USPO*, le président du syndicat des médecins libéraux (SML), Christian Jeambrun, s’est, en effet, montré plus ouvert que certains de ses confrères à la coopération interprofessionnelle. « La mise en place du parcours de soins et les problèmes de démographie médicale poussent à la coordination entre professionnels », estime-t-il. Pour lui, cette coordination est source de gain de temps et d’économies et représente un partage salutaire des responsabilités. C’est aussi un bien pour le patient qui bénéficiera d’une meilleure prise en charge et d’une surveillance accrue, avec, à la clé, une diminution du risque iatrogène.
La coordination des soins permet également aux médecins de disposer de plus de temps pour la prévention et l’éducation thérapeutique, poursuit Christian Jeambrun. Mais, il déplore qu’un élément essentiel manque encore aujourd’hui : le dossier médical personnel (DMP).
Une nécessité.
D’autres professionnels de santé plaident également pour davantage de coopération. Car aujourd’hui, « les patients sont saucissonnés entre différents praticiens qui ne communiquent pas entre eux », relève Annick Touba, présidente du syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL). « Nous devons aller vers un changement des mentalités », insiste-t-elle.
Les pouvoirs publics semblent en avoir conscience. Face à l’évolution de la démographie médicale et au vieillissement de la population, « la coordination des soins devient une nécessité », affirme ainsi Monique Weber, de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM). « Il ne faut pas coopérer pour coopérer, mais avec l’idée d’une meilleure qualité des soins et d’une meilleure efficience pour le patient », ajoute-t-elle. « L’assurance-maladie a toujours vu la coopération d’un très bon œil et a toujours favorisé des expériences », souligne-t-elle, citant en exemple l’expérimentation de coopération entre généralistes et infirmières ASALEE** ou l’accord pour développer les génériques signé entre l’assurance-maladie, les médecins et les pharmaciens.
Les chroniques avant tout.
Malgré les divergences, les différents acteurs s’accordent au moins sur un point : la coopération doit avant tout s’intéresser aux patients en ALD. « La coordination ne doit pas concerner le premier recours, mais les patients lourds et chroniques », estime ainsi Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO. Avis partagé par Alain Bergeau, pour qui il faut également se concentrer sur le maintien à domicile et la sortie de l’hôpital. « Le coordinateur, ou professionnel « repère », ne doit pas être forcément le médecin, mais le professionnel de santé qui voit le plus souvent le malade, souligne le président de l’UNPS. Le médecin traitant reste le chef d’orchestre. » « Essayons de construire ensemble quelque chose de nouveau », conclut-il. Les malades semblent, eux, l’appeler de leurs vœux depuis longtemps.
** Action de santé libérale en équipe.
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