IL Y A QUELQUES années, l’auteur s’est dit (comme Kant) réveillé de son sommeil dogmatique par la longue enquête du magazine américain « Time » sur « la mort de la culture française ». De surcroît ironiquement illustrée par la photo du mime Marceau. Si, à l’époque, il avoue avoir répondu très diplomatiquement, il constate que le statut en général de la culture a changé.
Ce secteur longtemps cantonné au fameux 1% du budget, pure affaire dans nos contrées de nantis, délicieux célébrants de notre théâtre classique, est devenu un « soft power » significatif d’une forte avancée économique. Le domaine culturel est, dit clairement Olivier Poivre d’Arvor, « un enjeu économique comme géopolitique majeur et le signe le plus tangible de la croissance : beaucoup d’argent à la clef, des stocks considérables de produits plus diversifiés qu’il n’y paraît, à haute valeur technologique ». L’une des marques les plus évidentes de cette réussite technologique est l’explosion d’Internet aux États-Unis dans les années 1990.
Est-ce pour les besoins de la démonstration?? L’auteur, qui refuse de se classer dans les déclinistes, consacre une partie importante de son livre à déplorer, moquer le passéisme, la poussière de notre conception culturelle. Une phrase parmi beaucoup d’autres l’atteste : « Nous sommes globalement arc-boutés sur la seule conception artistique de la culture, désintéressée, passéiste, génératrice d’un mépris certain autant que mortel pour les liens entre la création, l’économie, le marché, les sciences, les industries et les technologies. »
Objets sacrés.
Dur, n’est-ce pas ? Dépêchons-nous de l’écrire, disait le philosophe grec, cela risque d’avoir beaucoup changé lorsqu’on termine le livre... Donc, au moment où la France ronronne, bien installée sur son patrimoine, d’étranges indiens, de l’autre côté de l’Atlantique, se mettent à numériser toute la littérature française, sans même nous demander notre accord.
Drôles d’indiens, créateurs de drôles de totems. Installés dans la réserve de la Silicon Valley, le grand sachem Steve Jobs (iGod !) et ses semblables exhibent les nouveaux objets sacrés de la culture dématérialisée : iPod avec iTunes, iPhone, iPad. Ils redonnent vie aux sacro-saintes tablettes. « Entre leurs mains se joue l’avenir de la culture », ajoute OPDA, visiblement sous le charme.
Bien sûr, tout ceci est vif, mordant, même si les diatribes contre l’arthrose de la culture française sont passablement répétitives. L’auteur leur ajoute une charge contre l’Europe et ses fonctionnaires tatillons déjà lue maintes fois ailleurs.
On a parfois la pénible impression que certains arguments pourraient facilement être retournés. Évoquant la faiblesse européenne en matière culturelle, Olivier Poivre d’Arvor pointe la diversité de notre continent, « mosaïque mortelle, criminelles dentelles identitaires, ridicule débat entre petites et grandes cultures, etc. » Heureusement, « sur le Web, on parle l’anglais ».
On croyait que la diversité était toujours positive en ces matières. Il nous est doctement expliqué que nos particularismes nous bloquent, alors que les peuples qui composent l’Amérique du Nord ont su s’en débarrasser. Voilà pourquoi, alors que nous sommes 500 millions et les États-uniens 300, nous sommes devenus leurs vassaux.
Entre la fascination-répulsion pour la « numérique Amérique » et la détestation de notre inertie, l’ouvrage ouvre une faille aussi large que celle de San Andreas. Elle se referme si on se dit que c’est surtout l’envie de régler des comptes de ce côté de l’Atlantique qui importe à l’auteur.
Ne croyez pas pourtant qu’il soit amer. Il a rêvé qu’il pénétrait dans une bibliothèque où il n’y avait que des i-Pads, plus de livres, sauf les siens.
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