Combiner l’autobiographie et la fiction est un exercice qui continue de séduire.
Ainsi de Christine Angot, qui, dans « un amour impossible » (Flammarion), évoque à nouveau le viol qu’elle a subi pendant des années par son père ; mais le récit va bien au-delà du fait, il est un questionnement sur le silence qui a entouré cet inceste, sur ce qui a retenu sa mère auprès de son père, sur l’amour qui a lié la mère et la fille avant que celle-ci la rejette.
Prix Médicis (« Une Promesse »), prix Goncourt des lycéens (« le Quatrième mur »), grand prix du roman de l’Académie français (« Retour à Killybegs »), Sorj Chalandon dresse dans « Profession du père » (Grasset), à travers les yeux d’un petit Émile de 13 ans, le portrait de son propre père tyrannique et menteur, souvent violent et toujours affabulateur.
Dans « Place Colette » (Léo Scheer), l’écrivaine et productrice Nathalie Rheims retrace ses débuts de comédienne et sa première relation amoureuse avec un acteur plus âgé, tandis que le dramaturge et cinéaste Jean-Michel Ribes raconte sa vie et son parcours professionnel dans « Mille morceaux » (l’Iconoclaste).
La narratrice d’« Au pays d’Alice » (Gallimard), Gaëlle Bantegnie, évoque son quotidien de mère depuis la naissance de sa fille il y a quatre ans, et Jessica Nelson s’est inspirée de ce qu’elle a vécu pour camper, dans « Tandis que je me dénude » (Belfond), une jeune romancière qui, se sentant épiée et jugée de toute part, met son cœur à nu le temps d’une émission.
La vie des autres
Déjà bien installée l’an passé, la tendance qui consiste à s’emparer de la vie d’autrui pour en faire un roman s’est encore accentuée ; on entre ainsi dans l’intimité de personnalités mais on découvre aussi des figures méconnues ou des pans d’existences qui ne manquent pas d’originalité.
Laurent Binet déroule une enquête policière dans le milieu intellectuel français et révèle l’existence d’une société secrète après que Roland Barthes, qui transportait un document sur « la Septième Fonction du langage » (Grasset) – une fonction permettant de convaincre n’importe qui de n’importe quoi – a été assassiné.
Prix Goncourt du premier roman en 1993 pour « l’Arbre de vies », poète et historien, Bernard Chambaz cumule ses talents pour décrypter, dans « Vladimir Vladimirovitch » (Flammarion), à travers les carnets d’un homonyme, le parcours de Poutine depuis son enfance, son entrée au KGB, ses cinq années comme agent secret en Allemagne et son accession à la présidence.
Dans « la Dernière Nuit du Raïs » (Julliard), l’écrivain algérien Yasmina Khadra, aussi prolifique que couvert de lauriers, donne la parole au dictateur libyen Mouamar Khadafi à quelques heures de sa mort, pour un flot de souvenirs mêlant cruauté et folie avec fragilité et angoisses.
Dans un autre registre Simon Liberati, prix Femina 2011 pour « Jayne Mansfield 1967 », dresse dans « Eva » (Stock) le portrait romancé d’Eva Ionesco, qui a inspiré le personnage de son premier livre « Anthologie des apparitions » et qui est depuis peu son épouse, dont l’image avait été médiatisée à travers les photos de sa mère Irina Ionesco, la mettant en scène dans des poses érotiques alors qu’elle n’était pas encore pubère.
Dans le temps et l’espace
À l’inverse, pour sa 23e rentrée, la fidèle Amélie Nothomb a choisi de quitter l’inspiration autobiographique et elle retourne à la fiction avec « le Crime du comte Neville » (Albin Michel), un récit dans le style d’Oscar Wilde qui se déroule dans son milieu de prédilection, l’aristocratie belge, où « ce qui est monstrueux n’est pas nécessairement indigne ».
« Petit Piment » (Seuil), le nouveau roman haut en couleurs du franco-congolais Alain Mabanckou, prix Renaudot pour « Mémoires de porc-épic », se déroule à Pointe-Noire, la ville natale de l’auteur, et il porte le nom de son héros, un jeune orphelin qui, lors de la révolution socialiste, s’échappe de l’institution catholique où il a été placé et trouve refuge dans une maison close – provisoirement.
Prix Décembre en 2008 pour « Zone », prix Goncourt des Lycéens en 2010 pour « Parle leur de batailles, de rois et d’éléphants », Mathias Énard offre avec « Boussole » (Actes Sud) un envoûtant voyage de Vienne à la mer de Chine. Par la voix, les songes et les souvenirs d’un musicologue épris d’Orient, il nous met sur la trace des aventuriers, savants, artistes et voyageurs occidentaux qui, comme lui, sont allés à la rencontre de l’autre.
« La Terre qui penche » (Gallimard), troisième roman de Carole Martinez après « le Cœur cousu » et « Du domaine des Murmures », prix Renaudot et Goncourt des lycéens, nous ramène au XIVe siècle. Blanche est cédée par son père au fils idiot d’un seigneur voisin pour conjurer la peste et les autres misères ; elle meurt à l’âge de 12 ans mais sa vieille âme raconte aujourd’hui ce temps où violences et légendes faisaient le quotidien. Un enchantement.
La médecine aux petits soins
Médecin et auteur de six romans, dont « les Derniers Jours de Stefan Zweig » et « le Cas Eduard Einstein », Laurent Seksik met en scène dans « l’Exercice de la médecine » (Flammarion), en entremêlant les destinées et les époques, les interrogations de Léna Kotev, cancérologue à Paris, issue d’une longue lignée de médecins juifs depuis la Russie tsariste et qui rêve de se soustraire à la légende familiale.
Auteure de trois romans, dont « Quitter Venise », Anne Révah, qui exerce la médecine à Paris, met en scène, dans « l’Enfant sans visage » (Mercure de France), les bouleversements dans la vie et le couple d’une femme déjà mère et sur le point de terminer ses études de médecine, qui apprend qu’elle est enceinte de quatre mois, d’autant plus que des risques pèsent sur le fœtus.
Médecin de formation aujourd’hui tourné vers l’écriture, Éric Anglade raconte dans « le Dernier garde-fou » (Lucie) comment un jeune interne en psychiatrie, doué et raisonnablement ambitieux, façonne par dépit une vengeance en s’appuyant sur un patient dangereux pour renverser la folle rationalité du système.
Entre extravagances de la science et quête d’identité, « Corps désirable » (Zulma), d’Hubert Haddad, l’auteur de « Palestine » et du « Peintre d’éventail », met en scène un neurochirurgien qui s’apprête à transplanter la tête d’un homme sur le corps d’un autre.
Loin du témoignage ou du récit nombriliste, l’éditrice et auteure d’une dizaine d’ouvrages Laure Limongi traite dans « Anomalie des zones profondes du cerveau » (Grasset) de l’algie vasculaire de la face dans une approche à la fois poétique, scientifique, romantique et humoristique.
Dans un premier roman et sous le titre « les Haines en moins » (Daphnis et Chloé), Éric Le Guilloux montre comment un homme trentenaire atteint d’une maladie orpheline, tente d’échapper à ses souffrances en se plongeant dans ses souvenirs d’enfance.
D’inspiration autobiographique, « le Présent infini s’arrête » (P.O.L.), de Mary Dorsan, montre le quotidien, difficile et souvent violent, d’une infirmière dans un appartement thérapeutique rattaché à un hôpital psychiatrique, où sont accueillis des adolescents atteints le plus souvent de pathologies du lien.
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