Plus de deux décennies de comptoir et davantage encore d’écriture. À peine Laurent Delmont a-t-il publié « Les nappes à carreaux »*, que déjà son prochain livre est en relecture chez son éditeur régional. Ce pharmacien écrivain ne connaît pas l’angoisse de la feuille blanche. « Je n’ai pas de souci d’inspiration », se félicite-t-il.
S’il écrit le soir et le week-end, une fois le rideau baissé, c’est avant tout pour répondre à un besoin impérieux. Celui, hérité des années lycée, de coucher sur la feuille des tranches de vie, des histoires nées de situations vécues, des dialogues saisis au fil de la vie. Avec tout ce que celle-ci comporte de remous, tensions de couples, fossés générationnels, maladies…
Jamais, cependant, à aucun moment, il n’est question de références autobiographiques. Ainsi, si les membres de la famille Sieurac, personnages de son dernier ouvrage « Les nappes à carreaux » connaissent des vies sentimentales et familiales tumultueuses, il n’en est rien pour Laurent Delmont qui partage son temps entre l’écriture et son officine d’Agen. Il y vit avec sa femme et associée, Isabelle, sa première lectrice, et ses deux filles, adolescentes comme Lilly, personnage central du livre et épicentre de la rupture familiale. « Je ne connais pas ces problématiques », affirme-t-il.
Tout au plus concède-t-il cultiver le goût de la nostalgie et des souvenirs comme seul lien récurrent entre sa vie et ses romans. À 48 ans, il se reconnaît une prédilection pour les années 1980, « une époque heureuse ». Il puise son inspiration dans son attachement pour son terroir, le Sud-Ouest dont, corrézien d’origine, il s’est éloigné uniquement le temps de ses études, à Limoges. Il se dit sensible aux moments de tendresse. Et s’il affirme que la famille, l’un de ses thèmes favoris, n’est pas toujours « porteuse de choses heureuses », il évoque la force qui peut émaner d’une fratrie, comme celle des Sieurac, unie par ce lien au-delà de leurs conflits et de leurs trahisons.
Un scientifique à la fibre artistique
Laurent Delmont repousse cependant les clichés tout autant que la facilité. « Une famille idéale est celle dont les membres surmontent les problèmes basiques par leur affection », définit-il, prenant à témoins ses personnages qui évoluent sans cesse sur le fil ténu des non-dits et des ruptures.
De l’une à l’autre, les histoires de ce pharmacien prolixe rebondissent et il n’est pas rare qu’elles se prolongent. Son septième ouvrage, « les nappes à carreaux », s’inscrit ainsi dans la même veine que « les enfants pâles », paru en 2013 (voir « Le Quotidien du pharmacien » du 5 décembre 2013). « Mon écriture s’est faite, au fil du temps, plus aboutie, ma démarche plus construite, surtout depuis que je suis installé », déclare Laurent Delmont.
L’écriture est quasi cinématographique, reconnaît cet admirateur de Claude Sautet. Il procède ainsi par scénarios et distribue les rôles comme à l’écran. Il en résulte une écriture simple, construite sur le dialogue, souvent d'une justesse telle qu’on se surprendrait presque au théâtre. Le pharmacien reconnaît se nourrir d’expériences, de travaux romanesques, mais jamais d’échanges volés au comptoir de son officine. « Quand je fais un dialogue, je me mets dans la situation de celui qui parle afin que cela semble plausible », décrit-il.
Dans d’autres registres, il puise dans la peinture, avançant dans ses descriptions « par petites touches impressionnistes » ou encore, dans la chanson, notamment Joe Dassin pour ses ambiances années 1970.
Mais là également, Laurent Delmont veille à garder la mesure. Aucune outrance, pas davantage de polémique, « je ne force pas le trait pour que chacun s’y retrouve ». Le plaisir domine chez celui qui se décrit « à la base, comme un scientifique mais qui a de plus en plus développé sa fibre artistique ». Son bonheur suprême est, dit-il, d’aller jusqu’au bout de l’écriture.
Il y parvient somme toute assez bien puisqu’il figurait au rang des auteurs invités à la foire du livre de Brive en novembre dernier. Un rendez-vous prestigieux qui a permis au titulaire d'Agen de côtoyer « des écrivains de métier » tels que Christian Signol, Amélie Nothomb, Jim Fergus, Jean Teulé ou encore Leila Slimani.
Parmi des joies plus simples, il goûte la notoriété qui lui revient à la pharmacie où patients et amis se transforment en critiques littéraires (ses quatre préparatrices sont ses meilleures attachées de presse). « Il arrive qu’ils se disent surpris, choqués même par certaines scènes un peu crues », sourit le pharmacien. Amusé et intéressé à la fois par ces réactions de lecteurs, il lance « c’est une preuve qu’on ne parle pas que de pharmacie à la pharmacie ! ».
* Éditions Monédières.
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