En une quinzaine d’ouvrages, de « Son frère », en 2001, à « De là, on voit la mer », Philippe Besson s’est imposé comme le romancier des sentiments, qui sait comme personne, et de la manière la plus élégante, plonger au vif du mal et de la souffrance. Ainsi de « la Maison atlantique » (1), qui a pour décor une ville balnéaire et pour personnages principaux un garçon de 18 ans, le narrateur, et son père, un homme occupé par ses affaires et ses conquêtes, qui ne lui a jamais rien donné, hormis le confort matériel. Son géniteur l’a invité dans la maison de vacances familiale – où la mère, après le divorce, a noyé son chagrin dans trop de médicaments – dans l’espoir avoué de « repartir du bon pied ».
Les premiers jours se passent dans l’indifférence, à défaut de rapprochement. Mais l’arrivée d’un couple dans la villa d’à côté permet au drame de se nouer. La jeune femme est séduisante, le mari confiant, tout est fait pour réveiller les instincts de séducteur, voire de prédateur du père. Le fils est le témoin discret de l’aventure et son hostilité vire peu à peu à la haine. Rien n’est encore dit, rien n’est encore fait mais tous les éléments de la tragédie sont réunis.
Les héros de Gilles Paris ont quant à eux toujours 9 ans (« Autobiographie d’une Courgette » en 2002, « Au pays des kangourous » en 2012). Victor aussi, qui s’est mis en tête de faire de ses dernières vacances un roman, « l’Eté des lucioles » (2). En cet été caniculaire au bord de la mer, Victor est avec sa maman, une libraire qui lit tout le temps, avec Pilar, qui est peintre et sa deuxième maman depuis la séparation de ses parents, et avec sa sœur de 14 ans qui ne s’intéresse qu’aux garçons. Son père, un photographe toujours en balade, a refusé de venir, peut-être à cause de sa tante Félicité, dont tout le monde refuse de parler. Le garçon découvre les premiers émois amoureux avec Justine, la petite fée blonde, l’aventure avec Gaspard, qui l’emmène sur le chemin des douaniers, un monde imaginaire avec de curieux jumeaux, une baronne et des lucioles. Un roman d’apprentissage frais et pertinent qui ressuscite la magie de l’enfance.
Des rencontres compliquées
ou improbables
Les histoires d’adoption font décidément de beaux romans. À peine avons-nous refermé le très émouvant témoignage d’Olivier Poivre d’Arvor (« le Jour où j’ai rencontré ma fille ») que nous découvrons « Karina Sokolova » (3), le nom d’une petite fille abandonnée et sortie d’un orphelinat ukrainien lorsqu’elle avait 3 ans. C’est évidemment une merveilleuse histoire d’amour partagé, mais qui n’occulte rien des années d’attente et des formalités, rien des peurs lorsque l’état de santé de l’enfant semble désespéré, rien des doutes qui sont le propre d’une mère ni des questions lorsque l’enfant est privé d’une partie de son histoire. La relation mère-fille est ici exceptionnelle, où chacune apporte à l’autre ce qui lui manque. Le cinquième roman d’Agnès Clancier a tout d’une autobiographie.
« L’Enfant au bout de la plage » (4) de la Suédoise Linda Olsson, est aussi le récit d’une rencontre improbable entre une femme et un enfant. L’histoire se déroule sur deux périodes : celle d’aujourd’hui, quand Marion, la cinquantaine, qui a abandonné son métier de médecin et choisi l’extrême solitude sur une côte sauvage de la Nouvelle-Zélande, trouve un jeune garçon d’environ 6 ans, allongé sur le sable et mal en point ; et celle d’hier, quand elle s’appelait Marianne et vivait en Suède. En même temps que Marion tente d’apprivoiser l’enfant, elle se remémore les drames qui l’ont conduit à se retirer de la vie. Deux êtres blessés vont ainsi se reconnaître avant de s’ouvrir aux autres.
Toute autre est la tonalité de « Et je prendrai tout ce qu’il y a à prendre » (5), le deuxième roman d’une jeune professeure de français, Céline Lapertot. On est ici dans la violence et le livre est un cri hors du commun. Charlotte avait 7 ans lorsqu’elle s’est enfermée dans le silence. Elle en a maintenant 17 et elle a tué son père. Elle revendique son acte, elle veut l’expliquer mais elle est encore incapable de parler et c’est par le biais d’une lettre adressée au juge qu’elle détaille les sévices qu’elle a subis depuis l’enfance. Moins que l’aveuglement des grands-parents, des camarades de classe, des enseignants ou des psychologues, l’auteure veut nous faire comprendre pourquoi Charlotte n’a pas verbalisé sa souffrance ni dénoncé son bourreau. Et que pour elle, l’unique solution était de « tuer pour exister ».
(2) Héloïse d’Ormesson, 220 p., 17 euros.
(3) Arléa, 227 p., 20 euros.
(4) L’Archipel, 275 p., 19,95 euros.
(5) Viviane Hamy, 186 p., 17 euros.
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