L’ANGOISSE monte dans la profession. Car maintenant, c’est clair, Bercy envisage la déréglementation du secteur de l’officine. L’avant-projet de loi sur la croissance et le pouvoir d’achat, révélé la semaine dernière dans la presse et mis en ligne sur notre site, confirme en effet les orientations du rapport de l’Inspection générale des finances (IGF). C’est un véritable rouleau compresseur auquel ne résisteront pas les trois piliers de l’officine : monopole de dispensation, réserve du capital et loi de répartition démogéographique (voir ci-dessous). Toutefois, la partie ne semble pas encore totalement perdue. La profession peut compter sur le soutien de la ministre de la Santé. Marisol Touraine l’a répété la semaine dernière, elle reste opposée à la vente de médicaments en grande surface. « Ce qui est important, c’est de garantir la sécurité des médicaments et faire en sorte que les Français consomment moins de médicaments », explique-t-elle. Mais, précise immédiatement la ministre, il ne s’agit que de sa « position » et elle doit encore discuter du sujet avec le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron.
Autre alliée des officinaux, la députée de la Haute-Garonne et présidente de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, Catherine Lemorton. À l’instar de la ministre de la Santé, elle estime qu’une telle mesure, si elle devait être adoptée, mettrait à mal toute la politique menée consistant à ce que les Français consomment moins de médicaments mais mieux. « Ce n’est certainement pas les grandes surfaces qui permettront d’atteindre cet objectif », souligne Catherine Lemorton, pour qui l’autre conséquence grave serait de créer des déserts pharmaceutiques.
Une journée morte le 24 septembre.
Quoi qu’il en soit, la profession entend se mobiliser afin que les pharmaciens soient écartés de la réforme des professions réglementées. Le 1er septembre, à l’appel du collectif MaPharmacieNeFermeraPas, des confrères des quatre coins du pays ont ainsi maintenu leur croix verte allumée toute la nuit et coloré les fontaines et les cours d’eau, avec de la fluorescéine (« le Quotidien » du 4 septembre). Et depuis plusieurs jours, le ton monte dans les départements. Certains ont même déjà décidé de passer à l’action. La Fédération du Haut-Rhin et la branche du Haut-Rhin de l’Union régionale des pharmacies d’Alsace (affiliée à l’UNPF*) organiseront ainsi une journée « pharmacies mortes » le 24 septembre et manifesteront devant la préfecture à Colmar.
Au niveau national, les organisations syndicales sont prêtes à engager le bras de fer avec le gouvernement. Dans un communiqué commun, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’UNPF indiquent partager l’exaspération et l’angoisse légitimes des pharmaciens. Elles annoncent qu’elles proposeront « des actions immédiates, graduées et visibles par la population dans le cas où le gouvernement, au terme des arbitrages à venir, inscrirait dans le projet de loi relatif à la croissance des mesures de nature à faire courir des risques pour la santé publique, pour les 22 000 officines et leurs 124 000 salariés ». Philippe Besset, vice-président de la FSPF, se félicite de l’ensemble des initiatives déjà engagées. Mais, selon lui, la profession a désormais besoin de visibilité et d’unité. Avec cet objectif, une réunion rassemblant les syndicats, l’Ordre, les groupements et les étudiants est programmée demain mardi.
Grève des gardes à partir du 25 septembre.
De son côté, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) souhaite agir dès à présent. Sans attendre les arbitrages définitifs, le syndicat invite l’ensemble des pharmaciens – les adhérents USPO ou à un autre syndicat, les étudiants, les ordinaux, ou encore les membres des groupements – à apposer une affiche dans leur officine et à faire signer par les patients la pétition « Je veux que les médicaments restent en pharmacie ». Les documents sont téléchargeables sur le site www.uspo.fr. « Ces démarches sont importantes, car si l’on doit entrer dans un mouvement de grève, la population doit comprendre pourquoi », explique le président de l’USPO, Gilles Bonnefond. Il ajoute : « Il y a eu un changement de ministre de l’Économie, mais pas d’orientation », l’avant-projet de loi confirmant ses craintes. « L’alerte est sérieuse et le danger est imminent », poursuit-il. Au-delà de la sensibilisation des patients sur les risques de voir leur pharmacie disparaître, l’USPO demande aux confrères d’alerter leurs élus et de prévenir par courrier leurs ARS que, à partir du 25 septembre, ils n’assureront plus les gardes de nuit et du dimanche. Une première étape dans la mobilisation, car le 6 octobre, si le projet concernant l’officine est maintenu en l’état, les pharmaciens baisseront alors leurs rideaux une journée entière. « Si le gouvernement persiste dans son projet, d’autres journées de fermeture seront organisées avec un blocage de l’approvisionnement de la chaîne du médicament », prévient d’ores et déjà Gilles Bonnefond.
Les groupements s’engagent.
Les syndicats ne sont pas les seuls à sonner l’alerte. Tandis que le Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO) annonce la création d’une cham-bre syndicale pour faire face aux menaces récurrentes qui pèsent sur le réseau, le groupe PHR souhaite, lui, la constitution d’une coordination nationale des pharmaciens d’officine. L’objectif : « Planifier des actions et des mouvements de grève dans tous les départements en coordination avec d’autres professions et organiser la Journée nationale des actions au cours de la semaine du 6 octobre », explique PHR.
Des grossistes répartiteurs apportent également leur soutien aux officinaux. L’OCP met ainsi en ligne sur son site OCP Point des réponses de la profession aux conclusions du rapport de l’IGF et des actions mises en place par les pharmaciens pour sensibiliser le grand public aux dangers de la réforme.
Le gouvernement est prévenu, les pharmaciens ne se laisseront pas faire.
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