CELA FAIT plus de huit ans que la profession appelle de ses vœux la publication du décret d’application de loi MURCEF* sur les sociétés de participation financières de profession libérale (SPF-PL). Adaptation de la loi du 31 décembre 1990 instituant les SEL (sociétés d’exercice libéral), cette loi, promulguée le 11 décembre 2001, autorise que la majorité du capital d’une officine en SEL soit détenue par une société holding ou SPF-PL. Oui, mais voilà, depuis pratiquement dix ans, personne n’a réussi à se mettre d’accord sur le contenu de ce décret. La ministre de la Santé entend, elle, en finir une bonne fois pour toutes avec cette question. Dans le cadre d’un groupe de travail qu’elle a récemment mis en place, Roselyne Bachelot souhaite ainsi que le projet de décret aboutisse à la mi-mars au plus tard. Elle a donc demandé à l’Ordre et aux syndicats de chercher un terrain d’entente sur le sujet, avant de lui faire une proposition, la plus consensuelle possible. C’est tout l’enjeu de la réunion qui doit se tenir cette semaine. « Nous allons d’abord acter l’ensemble des points sur lesquels nous sommes d’accord », explique Jean-Charles Tellier, président du Conseil central de la section A (titulaire) de l’Ordre. Une seconde rencontre est d’ores et déjà programmée juste avant celle avec le ministère. Mais quelle est la position de chacune des forces en présence ?
• Ordre : bloquer les participations
L’Ordre des pharmaciens, tout comme les autres représentants de la profession, souhaite la création des SPF-PL. L’instance plaide également en faveur d’un blocage du nombre de participations directes et indirectes dans les sociétés. « Notre volonté est d’éviter les minichaînes », explique Jean-Charles Tellier. Selon lui, on peut envisager un schéma comprenant une holding ayant des parts dans trois SEL, ce qui correspondrait à six participations au total. Et une SEL ne pourrait posséder qu’une officine.
Le président de la section A rappelle que l’Ordre est, par ailleurs, tout à fait hostile à l’ouverture du capital à des personnes extérieures à la profession. Pour lui, un pharmacien titulaire doit parfaitement être identifié à l’officine dans laquelle il exerce, même si celui-ci pourrait mettre ses compétences au service d’une autre pharmacie, dans des conditions strictement encadrées. « Pour nous, les SPF-PL et les SEL sont une des possibilités offertes à la profession pour maintenir un maillage territorial », souligne Jean-Charles Tellier.
• FSPF : éviter les bulles spéculatives
L’idée de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) est claire : disposer d’un réseau de pharmacies détenues par des professionnels libéraux, et adapté le mieux possible à la santé publique et aux besoins des patients. « Nous voulons un réseau régulé par les pouvoirs publics et refusons tout mécanisme qui soit de nature à faire développer des bulles spéculatives sur la valeur des fonds de pharmacie », explique Philippe Besset, président de la commission Économie de l’officine à la FSPF. Principe essentiel : réserver le capital des officines aux pharmaciens d’officine. « Pour nous, comme l’a dit la Cour de justice européenne, le meilleur niveau de santé publique est atteint dès lors que le professionnel de santé est indépendant », argumente Philippe Besset. Plus précisément, ce dernier considère que les pharmaciens exerçants doivent être majoritaires en capital et droits de vote dans l’officine où ils exercent. Du coup, pour la FSPF, une SPF-PL ne peut investir que dans une SEL, et une SEL ne peut détenir qu’un seul point de vente. Le syndicat souhaiterait également corriger la distorsion entre droits de vote et capital qui existe avec les SELAS.
Enfin, il compte sur ces discussions pour trouver des solutions permettant une entrée progressive des adjoints dans le capital.
• USPO : pas plus de quatre officines
L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) est également favorable à la mise en place des sociétés holding. « Les SPF-PL représentent un outil qui doit aujourd’hui être mis à la disposition des pharmaciens », estime Gilles Bonnefond. Le président délégué de l’USPO se dit à la recherche d’un compromis avec les autres composantes de la profession. Il fixe cependant trois objectifs au futur décret : il ne doit pas permettre l’entrée de capitaux extérieurs ; il doit offrir la possibilité aux jeunes diplômés d’entrer dans le capital de façon progressive ; il doit enfin assurer un réseau de proximité et un maillage cohérent. Concrètement, l’USPO préconise qu’une SPF-PL ne puisse pas posséder plus de deux SEL (en participations directes ou indirectes) et qu’une SEL détienne jusqu’à deux officines. « On bloque le système à quatre pharmacies et celui qui exerce doit être majoritaire dans la SEL », précise Gilles Bonnefond.
• UNPF : appliquer l’intégration fiscale
L’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) propose, pour sa part, qu’une SPF-PL ne puisse détenir des parts que dans deux SEL. Une SEL ne pourrait posséder elle-même des parts que dans deux autres SEL. Un pharmacien d’officine pourrait, lui, avoir des participations directes ou indirectes dans six pharmacies au maximum. Enfin, pour l’UNPF, il est clair que seuls peuvent prendre des participations les pharmaciens, titulaires et adjoints. À l’instar de l’Ordre et du Collectif des groupements, le syndicat présidé par Claude Japhet souhaite également « appliquer le régime de l’intégration fiscale en permettant à la SPF-PL de se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur l’ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital ». Par conséquent, l’organisation demande la suppression de la mesure qui oblige tout pharmacien associé dans une société exploitant une officine et qui y exerce son activité, à détenir au moins 5 % du capital social et des droits de vote qui y sont rattachés. « Le point relatif à la détention des parts à titre majoritaire ou minoritaire dans les différentes sociétés ou entreprises reste à discuter », indique l’UNPF.
• Groupements : arrêter les montages en cascade
Le Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO) est également favorable à la création des SPF-PL. « Selon nous, une SPF-PL qui détiendrait des participations dans la limite de deux SEL semble être une bonne solution susceptible d’emporter l’adhésion des décideurs », estime son président, Pascal Louis. Une SEL pourrait elle-même détenir des parts dans deux autres SEL, comme la loi l’autorise actuellement. En revanche, le Collectif souhaite mettre fin au système dit « en cascade ». « Notre alternative est de proposer qu’une SEL ayant dans son capital une participation d’une autre SEL ne puissent détenir des participations dans aucune autre SEL », explique Pascal Louis.
En ce qui concerne le nombre de pharmacies qu’une SEL pourrait exploiter, le CNGPO défend un projet de pharmacie succursaliste, comme en Allemagne. Ainsi, une SEL pourrait disposer d’une pharmacie principale et de trois pharmacies succursales. « Nous pensons que ce modèle correspond parfaitement aux besoins de notre pays en matière d’organisation de l’offre de soins de la pharmacie d’officine : il ne touche pas à la répartition des officines en maintenant le principe des licences, ne fait pas intervenir de capitaux extérieurs à la profession, apporte un vrai plan de carrière aux adjoints, et permet de répondre aux missions prévues par la loi HPST », argumente le président du Collectif. Le système ainsi organisé permettrait à un pharmacien d’être actionnaire dans un maximum de six SEL.
Le CNGPO estime par ailleurs que le capital doit être réservé à la profession, au sens large. « Nous souhaitons qu’une réflexion à ce sujet s’engage afin que nos confrères adjoints participent également à cette prise de capital », indique ainsi Pascal Louis.
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