Accusations contre Sarkozy

La politique viole le droit

Publié le 17/03/2014
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N’est-il pas anormal de s’inquiéter davantage des mensonges commis de façon répétitive par la ministre de la Justice, Christiane Taubira, que des accusations graves dont Nicolas Sarkozy en particulier et l’UMP en général font l’objet ? C’est la ligne de défense adoptée toute la semaine dernière par le gouvernement. Elle est discutable. Voici pourquoi.

À un mensonge caractérisé, réitéré, amplement démontré ont succédé de pathétiques dénégations de la garde des sceaux. Elle a affirmé ne pas être au courant des poursuites nouvelles dont Nicolas Sarkozy fait l’objet et elle a brandi la note que le parquet lui a adressée le 26 février comme la preuve formelle de ce qu’elle avançait. Las ! La note a été photographiée, agrandie, lue et elle montre que les juges enquêtent depuis septembre dernier sur une présomption de trafic d’influence. Mme Taubira savait et il lui suffisait de le reconnaître. Car, en somme, quoi de plus naturel que, dans une affaire aux ramifications politiques indiscutables, le gouvernement soit informé ? Le déni, exprimé par la ministre avec virulence, ouvre en effet la voie à un soupçon de collusion de la justice avec le pouvoir ou, tout au moins, d’usage par le pouvoir d’informations judiciaires.

Certes, rien ne nous autorise à certifier que, au moment où Mme Taubira glorifie de manière élégiaque l’indépendance que son gouvernement assure à la justice, elle s’empresse en réalité d’influencer l’enquête. On reconnaîtra sans peine que, si l’enquête apporte la preuve d’un trafic d’influence, M. Sarkozy serait dans une situation plus qu’embarrassante, que, si le déploiement de moyens judiciaires sans précédent destiné à le confondre au moins dans une affaire est anormal, l’ancien président traîne décidément beaucoup de casseroles, et que l’UMP, avant même de refaire son unité doit faire le ménage chez elle. Mais comment chasser l’idée que, au fond, ce qui compte aux yeux des socialistes, c’est disqualifier Nicolas Sarkozy avant 2017 et que, sous le drame judiciaire, se joue une partie occulte où certains (mais qui, sinon des hommes proches du pouvoir ?) n’auraient pour objectif que d’éliminer le seul danger qui, pour François Hollande, pèserait sur ses chances d’obtenir un second mandat ? Le président de la République pense que, d’ici à 2017, l’économie française a le temps de rebondir. Il a toujours été optimiste sur ce point. Mais que, si se rejoue le match de 2012, les Français feront le choix inverse de celui d’il y a deux ans.

Les supputations deviennent inévitables.

Supputations ? Assurément. Aussi bien la majorité pourrait-elle nous rassurer à ce sujet en n’ajoutant pas aux poursuites contre M. Sarkozy l’injure de ses commentaires enfiévrés. Non seulement, dans toutes ces affaires, le secret professionnel, le secret de l’instruction, la présomption d’innocence ont été violés, mais nous avons assisté la semaine dernière à une chasse à courre contre l’ancien président. Pour commencer, Mme Taubira a adopté pour seule défense la condamnation immédiate et sans appel de M. Sarkozy, alors que ses fonctions exigent sa neutralité. Le ministre du Travail, Michel Sapin, a traité M. Sarkozy de pervers. Bruno Le Roux, chef du groupe socialiste à l’Assemblée ne voit pas de différence entre l’ancien président et un dealer des cités. On en passe. Sont-ils dignes, ceux qui emploient un tel vocabulaire ? Mais surtout, qu’est-ce qui explique une telle violence ? Pourquoi, s’ils sont tellement sûrs que la justice, après des efforts insensés, a réussi à mettre le grappin sur M. Sarkozy, ont-ils besoin d’en rajouter ? Pourquoi, sinon parce qu’ils nous cachent quelque chose qui ressemblerait à une union sacrée avec la justice à laquelle Mme Taubira a donné l’ordre, publiquement, de lui faire remonter toutes les « affaires sensibles » ?

Si M. Sarkozy est coupable, tant pis pour lui. Si Mme Taubira est déstabilisée par ses propos incohérents, qu’elle s’en aille. Si quelques-uns, dans la majorité, ont conçu un plan contre Sarkozy, que la justice, si prompte à harceler, encercler, assiéger l’ancien président, s’en occupe. Quant à nous, les électeurs, il ne nous reste que nos yeux pour pleurer.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3077