EN MATIÈRE de parcours de soins, les pharmaciens sont restés, à quelques exceptions près, sur le bord du chemin. Bien que l’officine pallie l’inégalité de l’accès aux soins, comme le rappelle Catherine Génisson, vice-présidente de la Commission des Affaires sociales au Sénat, elle reste peu utilisée par le patient comme porte d’entrée dans le parcours de soin. Le pharmacien est également peu sollicité par les autres professionnels de santé. « Sur les cent dossiers de coopérations interprofessionnelles qui nous ont été déposés, seulement deux d’entre eux impliquaient des pharmaciens et ils n’ont pas été concluants. Résultat, nous n’avons pas de protocoles de délégation de tâches pour les pharmaciens », constate Jean-Luc Harrousseau, président de la Haute Autorité de santé (HAS).
Pathologies bénignes.
Les choses devraient toutefois bouger. Lors du colloque « Pharmacien demain : du conseil adapté au parcours de soin sécurisé », organisé mercredi dernier par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) et le G5 santé*, le président de la HAS a promis un changement de paradigme. « Jusqu’alors focalisée sur les maladies chroniques et complexes, la HAS va être amenée à travailler sur les pathologies peu graves pouvant être prises en charge par les pharmaciens en premier recours », annonce Jean-Luc Harrousseau. Il s’en réfère à l’article 35 de la loi de Santé qui prévoit que la HAS « définisse des missions de stratégies thérapeutiques les plus efficientes ».
Au cœur de cette nouvelle donne, l’automédication. Elle pose le pharmacien en jalon incontournable du parcours de soins. Et lui ouvre de nouveaux horizons avec 30 euros dépensés en moyenne par habitant chaque année.
Désengorger les urgences.
Pour l’heure, l’automédication reste cependant peu développée en France avec seulement 15 % du marché du médicament, contre 26 % en moyenne en Europe. Raison de plus pour ne pas faire de la vente du médicament la seule finalité du pharmacien dans le parcours de soin. « La délivrance du médicament n’a rien à voir avec le parcours de soin. Le patient peut sortir ou non, avec un médicament », affirme Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens (USPO).
D’autres pays avant la France ont compris le rôle majeur du pharmacien en élargissant ses fonctions à l’entrée du parcours de soin. « Orientation et transfert vers d’autres professionnels, traitement par PMF, capacité à trier… », énumère Luc Besançon, secrétaire général de la fédération internationale pharmaceutique (FIP). Il rappelle les exemples canadiens, écossais ou britanniques, où le pharmacien prend en charge les pathologies bénignes (de la varicelle au rhume des foins en passant par la cystite), désengorgeant ainsi les urgences et les cabinets médicaux. Claude Leicher, président du syndicat des médecins généralistes (MG France) met cependant les pharmaciens en garde : « vous allez agir en premier recours et c’est la position la plus risquée. » « Il faut qu’il y ait une coopération et les apports de compétences respectives. Et non des mesures administratives qui ne rassurent que les politiques », assène-t-il, faisant référence à la coopération interprofessionnelle nécessaire, par exemple dans le contrôle de la délivrance de l’isotrétinoïne.
Balises.
À l’instar des modèles étrangers, le rôle du pharmacien français peut consister à se poster en sentinelle du parcours de soins, aidé par des outils comme les algorithmes. Toutefois, la sécurisation du rôle du pharmacien est au cœur des préoccupations, alors que Claude Leicher prédit : « on finira par voir des procès pour les pharmaciens, qui partageront avec les médecins le privilège d’être inquiétés par des juges. » Sans être aussi alarmistes que le médecin, l’ensemble des acteurs plaide en faveur d’un programme de gestion des risques. Ce parcours de soins doit s’inscrire dans un contexte sécurisé, validé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la Haute Autorité de santé (HAS), en coopération avec les médecins. Catherine Choma, sous-directrice de la politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins (DGS) confirme de son côté que l’agence travaille sur des arbres décisionnels permettant de sécuriser les conseils. Du reste, comme le souligne Alain Delgutte, président du conseil central A à l’Ordre des pharmaciens, la profession détient l’outil clé de cette sécurisation, le dossier pharmaceutique auquel « peuvent être inscrits les médicaments délivrés sans ordonnance et dont les gériatres, les urgentistes et les anesthésistes sont les plus grands défenseurs ».
La meilleure manière de tester le balisage du parcours de soins est aujourd’hui de l’appliquer grandeur nature en exigeant sécurité et bon usage, comme le suggèrent les industriels et l’USPO. À l’issue du colloque, ceux-ci ont déposé une demande auprès de la ministre de la Santé pour que soit lancé sans tarder, à titre expérimental, un parcours de soins pour trois pathologies : gastrologie, dermatologie, sphère ORL.
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