FACE À une population qui vit de plus en plus longtemps, l’accompagnement des patients atteints de maladies chroniques est un enjeu de taille pour les professionnels de santé. Plus d’un million de personnes nécessitent une prise en charge dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Parallèlement, le nombre de personnes préférant le maintien ou l’hospitalisation à domicile progresse. Le pharmacien a un rôle à jouer qui entre parfaitement dans les nouvelles missions consacrées par la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST). Mais le décret relatif à la préparation des doses à administrer (PDA) et les arrêtés promis sont toujours en attente.
De quoi s’agit-il ? Du déconditionnement et du reconditionnement de médicaments dans un pilulier, afin de faciliter leur administration. Il peut aussi s’agir d’un suremballage du conditionnement primaire. Aujourd’hui, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) explique que rien ne peut être entériné tant que la question n’a pas été réglée au plan économique. « Les textes à paraître doivent s’accompagner d’une valorisation de la préparation des doses à administrer. Si on valide les textes sans cela, nous allons créer un bazar encore plus grand que celui qui existe actuellement », remarque Philippe Gaertner, président de la FSPF. Résultat : c’est le statu quo. Car « les décrets sont prêts et bien bordés » mais l’absence de position politique sur la rémunération de l’acte empêche tout engagement des syndicats. Pour la FSPF, ce serait ouvrir la porte à une pratique qui consiste à essayer de prendre le marché à un confrère. À l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Gilles Bonnefond l’avait rappelé lors des 4e Rencontres de l’USPO, « la préparation des doses administrées en semainier doit être renégociée rapidement avec la profession pour en faire un acte pharmaceutique améliorant l’observance au bénéfice des patients et non pas une dérive uniquement commerciale comme on le voit sur le terrain ».
Une pratique répandue.
La FSPF rappelle d’ailleurs que les bonnes pratiques de dispensation des médicaments, sans lesquelles le décret sur la PDA n’a aucune signification sont d’abord écrites pour les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes. « Il est plus important et urgent de donner accès aux personnes qui sont encore à domicile et qui ne sont pas déjà encadrées comme les sont les personnes en EHPAD. » Or, pour Philippe Gaertner, il n’est pas question de se lancer dans la PDA tant que le déconditionnement n’est pas officiellement autorisé. « Certains le font, d’autres laissent faire, mais aucun texte n’autorise le déconditionnement de spécialités. Or c’est le premier étage de la PDA, sans lequel les autres actes ne peuvent suivre. » Réclamé depuis 2007, le décret sur la PDA devrait sortir rapidement, aux dires du ministre de la Santé, Xavier Bertrand, lors du congrès national des pharmaciens d’officine, en octobre 2011. Ce décret permettrait de légaliser une pratique répandue malgré le flou juridique.
En effet, selon une enquête de l’IGAS en 2011 (voir encadré), pas moins de 41 % des officines fourniraient des médicaments à un ou plusieurs EHPAD et 22 % auraient mis en place un système de PDA. Plusieurs sociétés proposent d’ailleurs des outils perfectionnés aux pharmaciens qui souhaitent se lancer sur ce marché. Plus ou moins connues, plus ou moins ancrées sur ce segment de marché, plus ou moins en pointe en terme d’appareils et de services proposés, ces sociétés s’appellent Distrimaid, Medissomo, Robotik, DAMSI, EURAF… Systèmes automatisés ou manuels, chacun défend la qualité et la supériorité des outils développés pour les officines. « Nous avons proposé la PDA en France en 1995, à une époque où cela n’était pas du tout sécurisé dans les établissements de santé. Depuis les années 1970, un système de préparation manuelle s’est développé au Canada et en Angleterre, utilisant un blister operculé par une feuille d’aluminium convenablement étiqueté. Cette technique très simple protégeait et sécurisait les médicaments », se souvient Béatrix Barré-Affre, directrice générale de la société Robotik. Aujourd’hui, Robotik Technology s’est tournée vers des solutions entièrement informatisées et automatisées qui permettent d’atteindre un très haut niveau de sécurisation du circuit du médicament.
Condamné en 2008.
« À partir de la prescription, le pharmacien récupère l’ordonnance par lien informatique, les médicaments sont préparés par un automate sous forme de sachets-doses sur lesquels on retrouve tout l’historique : le nom du patient, le nom des produits, le dosage, la posologie, etc. Le code-barres figurant sur le sachet doit être scanné par l’infirmière pour valider sa distribution. Elle voit alors apparaître à l’écran la photo du résident, son nom, la photo couleurs recto et verso du produit délivré, le nom du médicament et son dosage. Toutes ces informations dont enregistrés dans le dossier de soins et également transmises au médecin coordinateur, au prescripteur et au pharmacien », explique Béatrix Barré-Affre.
Les automates utilisés pour la mise en sachets-doses des médicaments sont parfaitement adaptables à toute officine, quelle que soit sa taille. Robotik Technology compte ainsi six (et très bientôt sept) automates de tailles différentes. L’investissement reste important, même si les prix ont baissé. C’est aussi ce qui inquiète les syndicats comme la FSPF. « Il ne faut pas se lancer dans un tel investissement, souvent de plus de 100 000 euros, si le pharmacien n’est pas assuré d’avoir le marché, surtout en cette période économique difficile pour les officines », conseille Philippe Gaertner, qui souhaite que les confrères attendent au moins la sortie des textes tant attendus avant de proposer ce service. D’autant que le dernier rapport de l’IGAS sur les maisons de retraite met de côté le pharmacien référent en EHPAD, considérant son rôle comme « incertain ».
Autre problème soulevé par François Hallouard (voir entretien ci-contre), dans un article paru dans les « Annales pharmaceutiques françaises » en juillet dernier : le risque de perte de stabilité des médicaments déconditionnés. « En Europe, chaque comprimé se trouve dans un conditionnement unitaire et l’ensemble bénéficie de l’AMM. En ouvrant le conditionnement, on casse la sécurité, on casse l’étude de stabilité de l’industriel et on perd l’AMM », prévient le doctorant. C’est le rappel à la loi fait par la cour d’appel de Rouen qui a condamné un confrère en 2008, pour avoir déconditionné et reconditionné un médicament. Une décision largement commentée depuis et dénoncée à l’époque par l’économiste de la santé Francis Mégerlin. « Non frappé de pourvoi en cassation (…) cet arrêt met en cause des catégories fondamentales du droit pharmaceutique, civil et pénal, pour interdire, par un artifice, cette pratique dans les pharmacies. » Les patients sont pourtant demandeurs de ce type de service, ils seront encore plus nombreux demain à en avoir besoin. Un cadre législatif doit être adopté au plus vite.
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