La fausse victoire
Max Gallo consacre deux tomes à « Une histoire de la Première Guerre mondiale ». Après « 1914, le destin du monde », le second, « 1918, la terrible victoire » (1), paraît aujourd’hui. En remontant rapidement le temps, l’historien et romancier s’attache à expliquer pourquoi cette guerre, que l’on espérait rapide et qui s’est enlisée avec les tranchées, la projection de millions d’obus et l’emploi d’armes de destruction massive et d’armes chimiques, a duré si longtemps : après tant de souffrances et de morts et tandis que politiques et généraux n’en finissent pas de se disputer pouvoir et décisions, il n’y a pas d’autre issue que de désigner un gagnant et un perdant. L’auteur insiste sur le rôle déterminant qu’a joué Georges Clemenceau dans l’achèvement du conflit en symbolisant la résistance et la victoire. Mais, ajoute-t-il, le traité de Versailles de 1919 n’a conduit qu’à des sociétés déstabilisées, des frontières contestées, des empires désagrégés et donc à une paix qui ne pouvait être que temporaire.
Une lecture renouvelée
Rompant totalement avec ce récit linéaire, « la Grande Guerre. Carnet du centenaire » (2) raconte la Première Guerre mondiale d’une manière éclatée. Loin de l’histoire d’en haut, celle des décisions politiques, des batailles et des pays les plus puissants, on découvre des combats, des rivalités, des négociations, des acteurs inconnus qui montrent toute l’ampleur et la variété du conflit, de l’Afrique à la Baltique.
Les auteurs, André Loez et Nicolas Offenstadt, deux historiens spécialistes de 14-18, entendent ainsi mondialiser la présentation de la guerre pour en saisir les enjeux et les cheminements au-delà des expériences types du « poilu » ou de la « munitionnette ». Au final, le livre se compose de dix brefs chapitres, faisant alterner les styles et les manières de comprendre, accompagnés d’une très riche sélection iconographique, qui vise, elle aussi, à restituer toutes les facettes d’une guerre mondiale. Un véritable vade-mecum présenté sous une forme attractive.
La voix des Antillais
D’autres voix oubliées se font entendre : celle des jeunes Antillais qui se sont engagés pour défendre la « mère patrie ». L’écrivain martiniquais Raphaël Confiant – reconnu tant en créole qu’en français, actuellement professeur à l’université des Antilles et de la Guyane – évoque la guerre de 1914-1918 telle que l’ont vécu les soldats venus combattre en métropole et leurs familles restées en Martinique. S’appuyant sur la mémoire familiale et la mémoire collective et sur les archives de la Bibliothèque Schoelcher, « le Bataillon créole » (3) mêle histoire et fiction et nous touche d’autant plus.
Outre la froideur du climat européen, les préjugés racistes et le fait d’être davantage que les métropolitains exposés aux feux ennemis, l’auteur montre comment la population créole a vu dans le recrutement des tirailleurs martiniquais « une forme de reconnaissance de son appartenance à l’ensemble français et la circonscription comme un moyen de payer l’impôt du sang, pour remercier la France de nous avoir accueillis en son sein. Et même, dans l’esprit de certains, d’avoir aboli l’esclavage en 1848. » Un roman militant, mais aussi le roman polyphonique d’un conteur dont les voix nous ravissent avec des mots aussi charmants qu’inattendus et des expressions colorées et ensoleillées.
La guerre et après
« Au revoir là-haut » (4) est un roman sur l’après-guerre de Pierre Lemaitre, particulièrement grinçant et remuant. Il s’ouvre sur une scène de boucherie à quelques jours de l’armistice, quand les poilus sont poussés à l’assaut par le lieutenant Henri d’Aulnay-Pradelle, qui n’hésite pas à leur tirer dans le dos. Lui seul en sortira vivant, avec les soldats Albert Maillard et Édouard Péricourt, un employé modeste et timoré et un artiste brisé.
Au lendemain de la guerre, Albert et Édouard sont abandonnés de tous, oubliés d’une France occupée à glorifier ses morts en oubliant les gueules cassées. Triste victoire ! Mais c’était sans compter avec la malice de l’auteur, qui pousse nos deux braves petits soldats à monter une arnaque aussi spectaculaire qu’amorale. Peut-être pas plus amorale, d’ailleurs, que les petits arrangements des uns et des autres pour se faire de l’argent sur les décombres de la guerre, tel Pradelle et son commerce de cercueils trop petits pour se remplir les poches.
De l’art, par un maître du polar, de pointer du doigt une triste réalité sous les dehors d’une aventure rocambolesque et avec un humour qui fait qu’on en redemande.
(2) Albin Michel, 255 p., 19,90 euros.
(3) Mercure de France, 301 p., 19,80 euros.
(4) Albin Michel, 567 p., 22,50 euros.
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