LES BESOINS de bien connaître la clientèle, et donc la zone de chalandise, ne sont pas encore essentiels aux yeux des pharmaciens. La forte capillarité du réseau d’officines et leur mission de service public, ajoutés au flux naturel engendré par les prescriptions médicales, les abritent de l’obligation de chercher à mieux connaître les clients. Sauf dans certains cas, quand un pharmacien veut s’installer, par exemple, ou quand les confrères qui l’environnent cherchent à contrer les effets de l’arrivée de ce nouveau venu sur leur chiffre d’affaires, ou mieux encore, quand une grande enseigne ou une parfumerie ouvre un point de vente à proximité. Cela fait quand même de nombreuses occasions où, par le biais d’une meilleure connaissance de sa zone de chalandise, il est possible de contrer la concurrence en adaptant son offre de produits et son merchandising.
Les pharmaciens n’y pensent pas pour des raisons avant tout culturelles. « Il ne faut pas oublier qu’il leur est interdit de démarcher le client », rappelle Gildas Leroux, directeur commercial de WinPharma. Mais la concurrence se renforçant, ils sont néanmoins amenés à réagir avec les armes qui leur sont autorisées. Il faut dire aussi que, du côté des éditeurs informatiques, on ne pousse pas non les fonctionnalités qui pourraient s’apparenter à du géomarketing, cette discipline qui permet d’identifier géographiquement le potentiel de la clientèle dans une zone donnée. Pour deux raisons, la première étant le faible écho que cela rencontre auprès des pharmaciens (mais on peut se demander ici si ce n’est pas une illustration de la question de savoir si la poule vient de l’œuf ou l’inverse) et la seconde étant la limite inhérente aux logiciels. « C’est difficile de faire du géomarketing pur avec des logiciels de gestion pour officines », souligne Sophie Roussel, directrice marketing et communication d’Alliadis, résumant en cela un point de vue largement partagé par les éditeurs de logiciels. « C’est surtout du ressort des sociétés de conseil spécialisées. »
« Oui, c’est vrai, les logiciels sont très incomplets », approuve Roger Remery, président de Proscop, une société d’étude et de conseil en marketing et géostratégie bien connue des lecteurs du « Quotidien du Pharmacien ». « Ils n’offrent qu’une image partielle et non interprétable des zones de chalandises qui se trouvent autour des officines. »
Comparer l’existant et le potentiel.
Pour autant, utiliser les fonctionnalités existantes est loin d’être inutiles. Ces fonctionnalités permettent d’analyser la clientèle de l’officine. « Tout l’intérêt du geomarketing est de comparer et croiser les informations sur la base de clientèle existante et celle de la clientèle potentielle », affirme ainsi Régine Martin, directrice de Profidia, division conseil en développement du groupe Welcoop (auquel appartient Pharmagest). « Cela permet de mieux analyser la réalité de son marché. » D’où la nécessité de disposer de bases statistiques « propres et normalisées » concernant la clientèle déjà existante, selon Virginie Boissier, responsable marketing d’ASP Line. Le risque serait, par exemple, d’indiquer dans la base d’informations sur la clientèle des pathologies qui ne seraient pas définies de manière précise et rigoureuse. Ou bien avoir une vision erronée de sa clientèle pour des pharmacies de passage où beaucoup de clients ne sont pas identifiés, selon Edgar Baranès, responsable informatique de LSI.
L’avantage dont disposent les pharmaciens est d’avoir déjà des données de base intéressantes avec l’âge et le sexe des patients grâce aux informations fournies par la carte Vitale. Informations certes limitées, mais qui peuvent déjà apporter beaucoup si l’on se donne les moyens de bien les analyser. Les pharmaciens utilisent ainsi les outils de requête que contient leur logiciel de gestion pour établir des demandes relatives à leur base de clientèle à l’aide de critères relatifs à l’âge et au sexe. « Savoir, par exemple, qu’il y a nettement plus de bébés filles de 0 à 2 ans que de bébés garçons du même âge permet d’ajuster la commande de biberons roses et bleus », illustre Patrick Sevestre, chef de produits marketing d’Isipharm.
Il y a de nombreux niveaux d’analyse possibles avec un nombre de critères relativement restreint, outre l’âge et le sexe, le nombre de clients par années, les actifs et les ceux qui fréquentent l’officine plus rarement, la proximité des clients (est-ce des personnes qui habitent près de l’officine, qui travaillent dans les environs ou bien une clientèle de passage…), les médecins prescripteurs (et notamment leurs spécialités), des données qui sont à la disposition des pharmaciens pour peu qu’ils les travaillent bien. Les officines peuvent y ajouter d’elles-mêmes d’autres informations pour affiner ces bases statistiques, mais il est vrai qu’il n’est pas toujours facile de poser des questions aux clients et aux patients pour en savoir plus sur eux, ne serait-ce que par manque de temps. Il n’empêche, il est déjà possible d’utiliser les résultats des requêtes informatiques pour modifier son merchandising, voire sa politique d’achat. Sans doute l’arrivée du dossier pharmaceutique va-t-il renforcer la connaissance qu’a le pharmacien de ses clients. « Il pourra en effet fidéliser le client grâce à la connaissance de son historique du client, mais attention, ces informations seront à la disposition de tous les pharmaciens si le patient a donné son accord pour le DP », rappelle Edgar Baranès.
Les avantages du sur-mesure.
Il est difficile pour les éditeurs d’aller au-delà de ce travail sur les fichiers de clients existants. Si les officines souhaitent mieux connaître leurs zones de chalandise pour identifier le potentiel de clients susceptibles de venir, il leur faut des études sur mesure. Certains de ces éditeurs ont la chance d’appartenir à des groupes où l’on trouve ces compétences en matière de consulting. Outre Pharmagest et le groupe Welcoop (ex CERP Lorraine) cités plus haut, Isipharm est aussi dans ce cas, avec Astera (ex CERP Rouen). Ces études sont constituées de véritables cartographies détaillées avec des statistiques précises (voir encadré ci-contre sur Proscop) qui permettent d’identifier les catégories socio-professionnelles auxquelles appartiennent les habitants de la zone de chalandise envisagée, et modifier ainsi l’offre de l’officine. Le niveau de précision de ces études peut être très élevé : « il est ainsi possible d’évaluer, par exemple, comment les clients potentiels se déplacent et déterminer ainsi le temps d’accès à la pharmacie », évoque Régine Martin. Le géomarketing peut aussi servir à d’autres tâches qui n’ont a priori rien à voir avec l’activité au quotidien des officines, comme par exemple identifier la désertification médicale dans certaines zones rurales ou urbaines. Cela n’a rien à voir, mais les officines sont directement concernées par ce phénomène.
En revanche, les éditeurs sont plus nombreux à apporter un service essentiel pour les pharmaciens, à savoir connaître les prix pratiqués par la concurrence. Cela fait aussi partie du géomarketing. Ils s’associent pour cela à des panels statistiques renouvelés quotidiennement dont le plus important est Pharmastat, réalisé par la société IMS. C’est un panel constitué de 13 000 pharmacies environ qui envoient leurs tarifs très régulièrement et permettent à IMS de créer des fourchettes de prix à un niveau local (1 028 zones identifiées) par typologie d’officine. D’autres panels sont utilisés, comme Santéstat d’OSPharm, fait sur un échantillon de 1 700 officines environ au niveau national. Ce qui peut aussi apporter un type d’informations intéressant : « entre 1 000 et 13 000 officines, la différence n’est pas significative au plan statistique », estime Gildas Leroux.
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