« Je peux avoir une idée à la minute, indique Jérôme Escojido. Mais sur 1 000 idées, Bertrand Pagès va en éliminer 999. » Les deux jeunes créateurs du groupement Mediprix sont ainsi parfaitement complémentaires. Au premier, la créativité et le développement de projets ; au second, le réalisme, les négociations et les partenariats avec les laboratoires et les officines.
Jérôme Escojido (36 ans) et Bertrand Pagès (35 ans) se sont connus sur les bancs de la faculté de pharmacie de Montpellier, « sans trop se fréquenter à l’époque ». Pourtant, tout les rapproche. À commencer par leur milieu.
Le Nîmois Jérôme Escojido est fils d’une pharmacienne exerçant en clinique et d’un industriel. Il en a tiré un double intérêt pour la santé et le commerce. En 2007, à peine diplômé, il prend des parts dans l’officine de son maître de stage, à Pérols (Hérault). Une participation qui passe de 33 à 51 puis 100 %, avant de transférer son officine, en 2014, sur un axe passant.
Le Montpelliérain Bertrand Pagès a lui aussi la pharmacie dans ses gênes. Père, mère, grand-père, grand-mère pharmaciens… certains dans l’industrie du coton, puis celle des produits pour l’incontinence. Diplôme en poche, il reprend une petite officine à Aubais (Gard).
Pharmaciens investisseurs
En 2012, les deux hommes se retrouvent et envisagent de s’associer pour travailler avec des EHPAD. L’occasion faisant les larrons, ils reprennent ensemble une petite officine dans un quartier populaire de Montpellier, puis la transfèrent dans le centre commercial Odysseum. Ils investissent ensuite dans une officine de Roanne, transfèrent, s’associent avec un pharmacien qui prend les rênes du projet : « l’officine a multiplié son CA par 10 et redynamisé le centre-ville », souligne Jérôme Escojido.
À la tête de quatre pharmacies, ils décident de mutualiser leurs achats, moyens logistiques, informatiques, charte graphique. « Beaucoup d’amis pharmaciens nous ont alors fait part de leur intérêt pour les outils mis en place », explique Bertrand Pagès. Mediprix* était né.
Le groupement grandit : 20 officines en 2016, 75 en 2017, une centaine attendues début 2018 ; et une aire géographique (Lyon, Montpellier, Toulouse) qui pourrait s’étendre (Alsace…).
Un modèle et des « valeurs »
Mediprix entend rassembler « des pharmaciens jeunes, ambitieux, riches de projets, créatifs, dynamiques, entreprenants, positifs, ayant des officines bonne taille (3 à 3,5 ME) » expliquent les fondateurs qui ne transigent pas sur ces « valeurs », rejetant 3 candidatures sur 4…
Le groupement affiche une liberté d’entrée (cotisation 85 euros par mois), de fixer ses prix et des frais de structure très minces : « Nous n’avons qu’un seul grossiste, un seul génériqueur, un seul partenaire informatique, explique Jérôme Escojido. Nous communiquons en temps réel avec le réseau sur WhatsApp. Même notre application Mediplace** n’a rien coûté, car son créateur a eu le droit de la revendre… »
Le groupement se veut aussi un laboratoire d’idées : Instant box (boîte beauté surprise), déco girly, corners créatifs… Et même si la reprise de 1 001 pharmacies (voir le « Quotidien du pharmacien » de 23 mars 2017) a échoué, l’idée d’aller sur le Net demeure. Et même plus loin : « Le métier va bouger, reconnaît Jérôme Escojido. Pour la première fois, les moins de 35 ans sont majoritaires dans la profession. Au lieu de craindre l’arrivée des modèles étrangers, la pharmacie française doit chercher à imposer le sien dans le monde. »
L’officine, hub de santé
Mi-pharmaciens, mi-promoteurs immobiliers, les deux associés sont bien décidés à multiplier les projets, comme celui de Castres (Tarn) où ils ont investi 4 ME dans la transformation d’un Lidl en centre médical*** : « Ces centres de santé dont le pharmacien est moteur, seront dans 10 ans, des emplacements dont l’avenir sera totalement consolidé, explique Jérôme Escojido… L’officine de demain sera un lieu de vie avec du conseil, des produits de qualité, des démonstrations, des conférences… un faire-valoir des marques… un écrin pour les laboratoires… un hub de santé, beauté et bien-être. »
Tous deux mariés à des pharmaciennes et pères attentifs de trois enfants (chacun), Bertrand Pagès et Jérôme Escojido sont décidément bien ressemblants. Jusque dans la manière de vivre leur développement : « On avance vite avec des gens qui veulent avancer ; il y a de la fraîcheur, une sensation dynamique forte », souligne le premier. « On vit cela passionnément, c’est grisant », confirme son compère.
Une incarnation officinale du rêve (mythe) macronien ?
* Medi pour la dimension médicale et prix pour rappeler Monoprix et placer le prix au centre de l’acte d’achat.
** Application de suivi et de gestion automatisée en temps réel des opérations commerciales.
*** Il accueille une pharmacie de 1 600 m² (dans laquelle Jérôme Escojido et Bertrand Pagès ont 49 % des parts), un opticien, un magasin de matériel médical et dans quelques semaines une dizaine de cabinets médicaux.
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