LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. – Vous venez d’être réélu à la tête de la Fédération pour trois ans. Quelles sont les priorités de votre nouveau mandat ?
PHILIPPE GAERTNER. – Elles sont relativement nombreuses. Mais la première est, bien entendu, l’économie de l’officine. Comme la convention le prévoit, il devient de plus en plus nécessaire de déconnecter la rémunération de l’officine des baisses de prix industriels. Ces baisses ont été considérables depuis 2012, elles le seront en 2013 et, malheureusement, elles devraient se poursuivre en 2014, voire au-delà. Au cours de ce nouveau mandat, je m’attacherai également à développer l’accompagnement des patients, à poursuivre le travail sur la dématérialisation des ordonnances et porterai une attention particulière à la formation. Un travail avec les facultés, mais aussi les instances de formations des préparateurs, doit être entrepris afin que l’enseignement tienne compte des évolutions des métiers.
À quel rythme l’honoraire de dispensation doit-il, selon vous, se mettre en place ?
L’essentiel est d’atteindre les 25 % d’honoraires inscrits dans la convention d’ici à 2017. Quel sera le niveau de la première étape ? Difficile de répondre pour le moment, alors que les négociations viennent juste de démarrer. Mais ce ne sera pas moins de 12,5 %. Cette première marche doit avoir un sens pour les patients et les organismes payeurs. La rémunération des pharmaciens ne peut pas changer tous les six ou huit mois.
Que pensez-vous de la proposition de l’assurance-maladie de transformer le forfait à la boîte de 53 centimes d’euro en honoraires de dispensation ?
C’est en effet une des solutions envisageables. Elle présente l’avantage d’être la plus stable ; en revanche, elle ne résout rien, car elle ne permet pas de déconnecter vraiment la rémunération des volumes dispensés. Elle ne peut se faire sans aménagement. Mais nous ne sommes qu’au début des négociations.
Au-delà de la mise en place d’un nouveau mode de rémunération, il faut aussi trouver les moyens de stopper la dégradation économique qui touche particulièrement les officines de tailles petite et moyenne qui n’ont pas une capacité d’acheteur suffisante. Elles subissent, d’une part, la baisse des remises accordées par les grossistes-répartiteurs à la suite de la modification de leur marge, et, d’autre part, elles ne bénéficient pas des meilleures conditions commerciales sur les génériques. Certes, le développement de ces médicaments a offert globalement davantage de remises pour le réseau. Mais celles-ci n’ont pas été réparties de façon égale entre les officines, alors que, dans le même temps, les baisses de prix concernent l’ensemble des pharmacies.
La restructuration du réseau fait également partie des négociations qui s’engagent avec l’assurance-maladie. Comment peut-elle s’opérer, selon vous ?
Nous avons, avec l’assurance-maladie, décidé de mettre à disposition des agences régionales de santé (ARS) des cartographies qui permettent de croiser plusieurs paramètres : la densité de la population, l’activité du secteur médicament remboursable d’une officine qui justifie la répartition territoriale, la présence des autres professionnels de santé dans le secteur, ainsi que des hôpitaux et des maisons de retraite. Ces cartographies intègrent aussi les risques de départ d’une zone géographique des médecins en fonction de leur âge. Cet outil propose une approche plus globale et doit permettre de prendre les bonnes décisions, en particulier pour les demandes de transfert. Il est également impératif de se pencher sur les règles à appliquer pour les regroupements et les procédures de rachat fermeture. Nous avons besoin d’une position claire de l’administration, en particulier de l’administration fiscale. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui la situation est très inquiétante : tous les deux jours, une officine ferme définitivement.
Dans ce contexte, l’autorisation de la vente en ligne de médicaments vous inquiète-t-elle ?
Nous continuons de demander à la ministre de défendre auprès de ses collègues européens la possibilité pour les États membres d’interdire ou pas la vente de médicaments par correspondance. En effet, les besoins de santé publique de chacun des pays doivent être pris en compte. Pour certains, l’encadrement de la vente à distance va améliorer les choses vis-à-vis des faux médicaments. Mais dans d’autres pays, comme la France, où le système est déjà particulièrement verrouillé, on prend le risque d’obtenir l’inverse de l’effet escompté. Il faut que la législation, du fait de la subsidiarité qui s’applique dans le domaine de la santé, permette aux États de faire les bons choix en fonction de leur réalité territoriale.
L’objectif de substitution génériques pour 2013, actuellement en discussion, sera-t-il, selon vous, différent de celui fixé pour 2012 ?
Il devrait être à peu près le même que l’an passé, c’est-à-dire de 85 %. Mais même en maintenant ce taux, le marché des génériques continuera de se développer car de nouvelles molécules arrivent dans le répertoire. Définir un objectif au-delà de 85 % ne serait pas raisonnable. Car atteindre une nouvelle fois ce taux demande de réaliser des efforts importants sur les molécules entrant dans le répertoire, tout en maintenant un taux élevé pour les autres molécules.
En ce qui concerne la gestion des médicaments dans les EHPAD*, où en est le décret relatif à la préparation des doses à administrer (PDA), attendu depuis des années ?
Pour notre part, nous ne sommes pas pressés de sa parution. En effet, nous sommes opposés à la sortie du texte tant qu’il n’y aura pas une rémunération logique et justifiée de cette activité réalisée par le pharmacien. Pour nous, la PDA doit aussi pouvoir s’adresser aux personnes âgées vivant à leur domicile. Nous souhaitons que le pharmacien puisse proposer ce service, pendant une période limitée, le temps que le médecin traitant puisse se rendre compte de son intérêt. Il pourrait ensuite prescrire cette PDA à son patient, à l’image de ce qui a été mis en place en Suisse, avec prise en charge par l’assurance-maladie.
Défendrez-vous encore l’idée d’un corridor de prix pour les médicaments non remboursables ?
C’est une des pistes possibles et qui répond au principe d’égalité d’accès aux soins. Compte tenu des attaques dont le réseau fait régulièrement l’objet, une décision doit être prise. Mais, à nos yeux, ce n’est pas la seule solution. Il peut aussi s’agir d’améliorer l’approvisionnement des centrales d’achats et des SRA (sociétés de regroupement d’achats, NDLR) par les industriels dans des conditions de commandes groupées, ou encore d’autoriser la rétrocession de médicaments entre officines, dans un cadre limité. Il nous paraît également essentiel que la TVA appliquée aux médicaments non remboursables ne passe pas à 10 %, mais à 5 %. La hausse du prix public qui en découle n’est pas acceptable pour les patients.
Vous le voyez, les chantiers sont nombreux. Au-delà du maintien de la viabilité économique du réseau, le programme que le nouveau bureau national met en œuvre pour les trois prochaines années vise à continuer de défendre les trois piliers de l’officine : maintien du monopole, réserve du capital aux pharmaciens et préservation du maillage des officines.
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